mercredi 7 avril 2010

L’environnement, ça commence à bien faire !


Inlassablement depuis 40 ans, les mesures en faveur de la protection de l’environnement font les frais des crises économiques et des manoeuvres électorales de court terme. Aujourd’hui, c’est à nouveau le cas mais cette fois-ci c’est plus grave car les problèmes dont notre planète souffre n’ont jamais été aussi urgents et que le chemin parcouru dans les consciences avait été très important. Il sera donc très difficile aux politiques de se hisser au même niveau.

Ces deux dernières années un vent « écologique » porteur d’espoir avait en effet soufflé à travers le monde. Ces espoirs sont en train de s’envoler avec la déconfiture du Sommet de Copenhague et nous commençons seulement à en percevoir les conséquences. Partout dans le monde, l’environnement recule.

Aux Etats-Unis, Barack Obama a mis toute son énergie dans la réforme du système de santé (qui était une réelle nécessité et je lui tire mon chapeau pour y être parvenu) et a remis aux calendes grecques les mesures en faveur de l’environnement et en particulier celles concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En France, le gouvernement, tétanisé par ses mauvais scores aux élections régionales, a décidé d’abandonner la taxe carbone pour contenter son électorat traditionnel. Cette taxe, qui avait fait l’objet de tant de discussions et de compromis, était certainement trop complexe (quelle taxe ne l’est pas ?) mais elle fournissait un véhicule fiscal unique au monde qui aurait pu évoluer et s’améliorer dans le temps, et servir de laboratoire au monde entier. Au lieu de cela, le gouvernement l’a supprimée pour protéger la compétitivité des entreprises françaises et a par ailleurs déclaré que la loi Grenelle 2 serait réexaminée avec le même souci, alors que précisément le Grenelle de l’Environnement visait à établir une nouvelle donne française pour nous situer en leader sur le long terme. On reproche donc aujourd’hui au Grenelle ce qui était hier sa raison d’être ! C’est le retour de la myopie. Je salue donc la décision de la Fondation Nicolas Hulot qui a quitté la plateforme de négociation et je déplore que les artisans du Grenelle (Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet et Christine Jouanno) n’aient pas démissionné pour affirmer leur attachement à cette loi.

L’échec de Copenhague a également ouvert une brèche dans laquelle les climatosceptiques se sont engouffrés. Personnellement je n’ai aucun problème à ce qu’il y ait un débat scientifique sur le réchauffement climatique, car la problématique est complexe et que des incertitudes demeurent. Elles sont inéluctables dans des phénomènes aussi complexes où l’analyse prospective passe par des modèles et des simulations. Néanmoins l’existence d’incertitudes ne doit pas conduire à l’inaction mais au contraire à un débat scientifique permanent (et sain) qui doit éclairer l’évolution de l’action politique. Mais nombreux sont ceux qui ne le comprennent pas et qui pensent que la science devrait être toujours « certaine » (prenez par exemple la médecine, autre science à forte dose d’incertitude !).

Personnellement, même si l’on montrait finalement un jour (ce dont je doute fort) que la hausse des températures n’était pas provoquée par l’activité humaine et nos rejets de CO2, il me semble qu’un succès à Copenhague aurait au moins eu le mérite de fixer un cadre mondial nous permettant d’évoluer vers un monde dépendant moins des énergies fossiles, car c’est ça le grand défi du vingt-et-unième siècle. Pour la plupart des pays du globe, les conséquences de la fin du pétrole seront, si l’on n’a pas préparé l’étape d’après, certainement cent fois pires qu’une hausse de la température. En sacrifiant Copenhague, on s’est privé de la possibilité de faire travailler ensemble les peuples sur une problématique cruciale que personne n’ose mentionner même du bout des lèvres. Alors que l’on était à deux doigts d’un accord, on assiste maintenant à un retour des égoïsmes nationaux (la position de la France sur le Grenelle en est la démonstration), à un « chacun pour soi » généralisé et il faudra beaucoup de temps pour rebâtir la confiance nécessaire à la résolution de tels enjeux dépassant le cadre des Etats-Nations. Et le temps manque. Le protocole de Kyoto avait été un petit pas pour l’homme et Copenhague aura été un grand pas en arrière. Il faut se ressaisir, rien n’est pire dans la vie que le renoncement qui préfigure un futur dans lequel nous serons rongés par les remords.

Par ailleurs, il y a un vrai risque que le « climato-sceptiscisme » dérive en « écolo-sceptiscisme » et cela serait très dommage car dans la plupart des autres crises environnementales majeures (eau, déchets, biodiversité, réduction des stocks de poisson, acidification des océans, deforestation,…), les doutes inhérents à la problématique climatique n’existent pas.

Pour lutter contre ce recul écologique et répondre à ces critiques, il faut absolument que le mouvement écologiste évolue et passe à une vitesse supérieure, plus politique et plus économique. Il ne faut pas sombrer dans la radicalisation car cela renforcera les écolo-sceptiques, mais évidemment il faut continuer à dénoncer les crimes environnementaux. Les mouvements écologistes doivent au contraire faire preuve de plus de finesse que jamais pour répondre aux critiques mais aussi pour contrer le retour de ceux qui ont une confiance exacerbée en l’homme. Il faut en avoir évidemment mais il ne faut pas croire que les choses en matière d’environnement changeront sans nouvelles contraintes imposées par les politiques. Si on ne fait rien, l'exploitation effrénée des ressources naturelles se poursuivra comme l'avait prédit la théorie de la Tragédie des biens communs de Harding en 1968. Par exemple, prenez l’article d’Henri Atlan « la religion de la catastrophe » publié dans Le Monde du 29 mars et qui a fait coulé beaucoup d’encre. Henri Atlan, biologiste, dit que : « L'épuisement à terme des ressources en énergies non-renouvelables est un problème en soi, qui ne met pas en danger la planète, mais qui doit être géré de façon raisonnable, sans culpabiliser leurs usagers, tout en préparant la transition, qui prendra encore quelques dizaines d'années au moins, vers le développement des énergies renouvelables. » Je crois qu’Henri Atlan n’a aucune idée de la difficulté de la transition vers les énergies renouvelables et de l’engagement politique, technologique et financier qui seront nécessaires pour réaliser ce défi.

L’opinion publique se perd malheureusement dans ces débats et ne sait plus qui croire. Face à cette croisée des chemins historique, elle est plus partagée que jamais : Europe Ecologie effectue des scores sans précédent alors que 70% de la population s’est déclarée (selon un sondage…) favorable à l’abandon de la taxe carbone. Le président Sarkozy, dont l’intérêt pour l’environnement n’est malheureusement pas aussi constant que celui qu’il porte aux jupons de ses collaboratrices, s’en accommode et commence à retourner sa veste sur des questions qui devaient être au cœur de son mandat. Je crois que l’avenir et les scrutins lui montreront à quel point il a eu tort de dire « l’environnement, ça commence à bien faire ».

2 commentaires:

Willy a dit…

Je voulais juste réagir à une de vos phrases dans le dernier paragraphe :
"Europe Ecologie effectue des scores sans précédent alors que 70% de la population s’est déclarée (selon un sondage…) favorable à l’abandon de la taxe carbone."
Je fais parti des gens qui ont cette vision mais je vais essayer de l'argumenter : ma conscience écologique est exacerbée par tous les reportages et toutes les informations qui viennent du monde entier pour nous dire que le changement climatique est là, et je suis d'accord pour dire qu'il est grand temps de faire quelque chose de vraiment utile. Cependant la taxe carbone n'est pas une solution, à quoi ça sert de taxer les petites gens qui ont besoin d'essence pour aller bosser??? Surtout quand on voit les grands industriels pollués notre planète sans vergogne ou fabriqués des produits avec emballage, sur-emballage, encres toxiques et j'en passe.
Moi je veux bien faire des efforts (d'ailleurs j'en fais, en choisissant des produits fabriqués en france, sans sur-emballages, en triant mes déchets, en sensibilisant mes collègues et mes amis...) mais je pense que le gouvernement devrait d'abord taper à la porte des gros pollueurs et faire le ménage devant la leur : les voyages à gogo, les grosses berlines et le Sarkozy Air Force One...à la poubelle (mais recyclé, hein? :D )
Voilà c'est que mon avis, j'ai peut-être tort, mais je suis prêt à en débattre (et à changer mon opinion si on arrive à me convaincre)

Jean-Pierre Goux a dit…

Je suis d'accord avec vous et je trouvais moi même que cette taxe carbone était une erreur. Sur le fond, quand on lit la recommandation du Grenelle il s'agissait de bâtir un système généralisé et généralisable du bonus/malus qui encourage ceux qui font des efforts et pénalise ceux qui n'en font pas (un peu comme ce qui a été fait pour les voitures et que peu de gens contestent). Sur la forme enfin, présenter cela comme une taxe était une erreur magistrale pour remporter l'adhésion des citoyens. Ils ont bien essayé de l'appeler "contribution climat energie" mais ça n'est pas passé du tout.
Ce que je reproche sur le fond, ce n'est pas d'avoir annulé cette taxe devenue ridicule après le passage des multiples lobbyes, mais de revenir sur la mesure phare du Grenelle qui a entraîné dans sa mort beaucoup d'autres !
Beaucoup de temps et d'énergie perdus pour rien.