dimanche 30 mai 2010

Dauphins militaires


Dans le premier tome de mon roman Siècle bleu il est question d’un dauphin militaire, qui aura également un rôle important dans le deuxième tome que je suis en train d’écrire (je ne vous en dis évidemment pas plus). J’essaye en ce moment d’en connaître davantage sur ce programme secret de l’US Navy et évidemment on trouve très peu de choses « officielles ». Si vous aviez d’autres informations à ce sujet, n’hésitez pas à me contacter ou laissez un message sur le blog si elles ne sont pas confidentielles.


Les capacités cognitives spectaculaires des dauphins intéressent les militaires américains depuis les années 1960. Ils sont entraînés et étudiés dans le cadre de l’US Navy Marine Mammal Program. Le site officiel du programme est assez riche mais occulte toutes les questions ennuyeuses. Il y est dit que les dauphins et les autres mammifères marins (orques, otaries, marsouins, belugas…) sont utilisés uniquement à des fins défensives (comme cela a été le cas pendant la seconde guerre du Golfe ce qui est dit ouvertement).


Or, de nombreuses rumeurs circulent sur le fait que ces créatures auraient pu être utilisées dans des missions d’attaque… Les dauphins seraient capables de « neutraliser » des plongeurs ennemis (« Swimmer Nullification Program ») en leur injectant des seringues de CO2 (dont l’effet serait évidemment létal) ou en ôtant leurs masques. Les mammifères marins seraient également entraînés pour porter des charges explosives sur des navires adverses, ce qui aurait notamment été fait pendant la guerre du Viêt-Nam. La base d’entraînement principale de ces mammifères marins se trouve à San Diego et grâce à Google Earth, j’ai même pu trouver des images satellites où l’on discerne les dauphins militaires dans leurs (trop petits) bassins individuels.


Si vous voulez inspecter vous-même ce site militaire, allez sur la page « les lieux du livre » sur le site Siècle bleu, téléchargez le fichier .kmz et ouvrez le avec Google Earth. Vous trouverez également dans ce fichier la trentaine d’autres lieux du tome 1 (Biosphere 2, siège de la NSA, forêt d’Aokigahara Jukai, Very Large Array Telescope, sites de la NASA, atoll de Diego Garcia…).


Au-delà de l’entraînement pour la recherche de mines, d’objets, on ignore complètement la nature des expériences qui ont été pratiquées sur ces créatures. C’est un roman, Abysses de Franck Schätzing, qui m’a mis sur des pistes (un fantastique thriller écologique que j’avais chroniqué il y a deux ans sur ce blog). Pendant 10 pages (à partir de la page 494), il nous donne des détails sur le programme de dauphins militaires. Même si tout est à peu près vrai dans ce thriller, j’ai vérifié les informations. Certaines sont publiques (cf. article Wikipedia) comme les explications sur les groupes MK4 (dauphins détecteurs de mines), MK5 (otaries détecteuses de mines), MK6 et MK7 (mammifères marins utilisés pour se défendre contre l’ennemi). D’autres sont complètement secrètes, notamment celles sur le groupe appelé MK0. Ce sont ces mammifères marins qui auraient été dressés pour les missions d’attaque. Ce sont eux qui se seraient attaqués aux plongeurs ennemis avec des seringues de CO2 (il cite pus de 40 Viêt-Congs morts). Schätzing avance même que des orques auraient été entraînées pour porter des charges nucléaires ! Je n’ai trouvé aucune preuve de cette information et évidemment je suis preneur de toute référence sur ce sujet.


Schätzing indique également que les Américains n’avaient pas confiance dans le seul dressage pour mener des missions d’attaque (surtout avec des charges nucléaires), et qu’ils auraient placé des électrodes sur le cerveau des dauphins pour contrôler leurs pensées et leurs mouvements. Schätzling cite notamment un article du Earth Island Journal, le journal fondé par David Brower, l’un des plus célèbres défenseurs de l’environnement américain (Brower a fondé le Sierra Club et les Amis de la Terre). J’aime beaucoup cette publication et l’image de la Terre vue comme une île est d’ailleurs au cœur du projet Siècle bleu.


L’article en question existe bien et je l’ai retrouvé : « Did US Navy Order Dolphin Deaths? ». Il date de l’été 1998 et cite un autre article (daté du 1er mars 1998) de Jon Heley, journaliste à The Observer, qui aurait découvert en 1989 une douzaine de dauphins morts sur les côtes françaises en Méditerranée. D’après Schätzing (et d’autres références sur Internet), ces dauphins étaient en partance pour Bahreïn (Bahreïn est d'ailleurs cité sur le site officiel de l’US Navy Marine Mammal Program) où les Américains auraient mené des expériences pour poser des mines activées à distance (qui emporteraient éventuellement le dauphin avec l'explosion).


Je n’ai pas retrouvé l’article original de The Observer mais j’ai contacté l’auteur (qui récemment dirigeait le bureau français de The Guardian) pour en savoir plus (j ‘attends toujours sa réponse). Selon l’article du Earth Island, les dauphins morts avaient tous des trous dans le crâne qui auraient justement servi à poser des électrodes. Ces animaux auraient été abandonnés par les Américains qui auraient rencontré des problèmes.


Dans son livre Schätzling cite également un mystérieux professeur français, René-Guy Busnel, qu’il compare un peu au Docteur Moreau d’H.G. Wells pour avoir martyrisé des dauphins et coopéré avec les Américains. Ce chercheur a bien existé et il dirigeait le laboratoire d’acoustique animale de l’INRA à Jouy-en-Josas. C’est l’un des spécialistes mondiaux des sonars animaux et en particulier de celui des dauphins. Il est également spécialiste des « langues sifflées » chez les mammifères marins, les oiseaux ou les humains (regardez par exemple cette vidéo où il analyse une mystérieuse langue sifflée par les habitants d’une vallée reculée en Turquie ou celle-ci sur une langue sifflée des Pyrénées). Busnel aurait travaillé avec le centre de San Diego pour mettre au point un langage permettant de dialoguer avec les dauphins.


Apprendre à parler avec les dauphins n’est pas ce qui lui est reproché. On évoque les conditions atroces dans lesquelles il s’est livré à des expériences sur les dauphins pour comprendre leur anatomie et le fonctionnement de leur cerveau (10 dauphins étaient mutilés chaque année). La photo ci-dessus est supposée avoir été prise dans son laboratoire. Il a également été impliqué dans le scandale des dauphins de Taïwan qui l’a lié au crapuleux Bruno Lienhardt (sur Lienhardt, lire cet article très complet). Lienhardt a vogué sur la vague des delphinariums et a approvisionné en dauphins, de nombreux parcs européens (en général les plus miteux). On doit par exemple à Lienhardt d’avoir introduit en 1970 (et ce jusqu’en 1984 !) des dauphins dans la revue "Girls, Girls, Girls" du Moulin Rouge à Paris ! Les dauphins vivaient dans un bassin de 4 * 5 mètres et ils sont nombreux à y avoir péri. Sous la pression de Greenpeace, le show fut finalement interdit et un bassin de 800 mètres carrés minimum est depuis imposé par la loi. Au début des années 80, Busnel a fait appel à ce Lienhardt pour lui "procurer" 20 dauphins dans le cadre d’un contrat réalisé pour l’OTAN (donc à des fins militaires). Lienhardt partit "chercher" les dauphins à Taïwan et ce fut une catastrophe : plusieurs dizaines de dauphins trouvèrent la mort et aucun ne furent livrés à Busnel.


Certes tout cela doit être jugé à l’aune des pratiques de l’époque (comme le rappelle son ami l’écologiste Yves Paccalet dans son blog), mais vu d’aujourd’hui c’est évidemment scandaleux. Busnel était pourtant un spécialiste renommé, notamment proche de Cousteau. Vous me direz que Cousteau pratiquait bien la pêche à la dynamite dans Le Monde du Silence… Là encore, il faut juger par rapport aux pratiques de l’époque (Cousteau avait d’ailleurs refusé pour cette raison de retirer ultérieurement cette scène de son documentaire, qui lui avait valu la Palme d’Or à Cannes).



Pour complèter ces recherches il faut rappeler l’extraordinaire roman de Robert Merle, Un animal doué de raison, paru en 1967 et qui raconte l’histoire de deux dauphins (Bi et Fa) à qui l’on apprend à « parler » et qui seront finalement utilisés à des fins militaires (au Viêt-Nam, comme par hasard). Je le recommande ardemment comme ces autres romans de Robert Merle :

  • Malevil, extraordinaire roman d’anticipation (mais pas tant que ça) qui nous raconte la vie d’un groupe de survivants à une catastrophe nucléaire
  • La Mort est mon métier, sur la vie de Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz
  • Le jour ne se lève pas pour nous, sur la vie à bord d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins.

Il y a eu une adaptation cinématographique en 1973 (« The Day of the Dolphin ») qui est assez décevante et caricaturale par rapport au roman, mais qui est une référence indispensable pour quiconque s’intéresse aux dauphins militaires.


En résumé, les dauphins ont clairement été utilisés à des fins militaires et cela est toujours d’actualité car comme l’indique l’excellent site « Action pour les Dauphins », la Russie a annoncé en décembre dernier qu’elle renouait avec son programme de dauphins militaires.


A quand les dauphins militaires chinois ?


lundi 24 mai 2010

Carnets de Résistance


Avec Carnets de Résistance 2008-2010, Jean Brousse nous propose un décryptage visionnaire et chaleureux de l'actualité économique et politique de ces trois dernières années. Sarkozy, Obama, la "crise", Dubaï, le climat, tout y passe.


Ce livre rassemble une sélection des billets d'humeur qu'il poste sur son blog "Je vous embrousse très fort" (vous pouvez aussi obtenir les nouveaux articles de ce blog via la page Facebook du livre). J'aime le ton de ce blog et donc de ce livre. Jean Brousse est un Corrézien émigré à Paris. L'attachement à sa terre natale lui permet de prendre un recul rafraîchissant qui ne gâche en rien la pertinence du point de vue et au contraire l'affûte. Les jeux de mots facétieux côtoient les jugements les plus stricts. Morceaux choisis.


Le monde contemporain, fou, a perdu la notion du temps, du temps de l'homme, qu'il faudra bien réhabiliter pour retrouver, si c'est possible, le calme indispensable à l'exercice d'une vie d'homme. En cas d'éruption chronique de boutons sur le visage, on peut essayer une pommade, mais il vaut mieux soigner le foie. (p. 39)


Bizarre, il y a de la neige en hiver ! Un hiver arrivé pile, en temps pour faire douter ceux qui l'avaient oublié d'un réchauffement de la planète que les dernières surprenantes, poussées de cèpes, il y a dix jours à peine, autorisaient à considérer comme acquis.

Le président français, dont l'énergie doit à elle seule compter pour quelques dixièmes de degrés, s'est re-faché pour réchauffer la discussion de Copenhague...

Pas sûr qu'il ait perturbé sensiblement la conversation entre Barack Obama et les Chinois. (p. 145)


Pendant ce temps, Damien Hirst vendait à Londres chez Sotheby's pour 139 millions sa collection, dont on attendait 80 ! C'est vrai que, compte tenu de tout ce qui se passe de nos jours, avec 10 millions, on n'a plus grand-chose, just un zèbre dans du formol ou un Veau d'or ! (p. 37)


Ses textes sont riches, drôles et éclectiques, comme l'auteur, qui est à la fois, ingénieur, économiste, chef d'entreprise, éditeur, écrivain, amateur de rugby et parolier (et pas de n'importe qui puisqu'il a écrit des textes pour Michel Berger, son ami).


Plutôt que d'énièmes diatribes au vitriol, les mots de Jean Brousse nous font réfléchir tout en nous émouvant (un peu ce que j'ai également essayé de faire, à ma façon, avec mon roman Siècle bleu). Il nous dispense sa sagesse ancestrale corrézienne, qui, par de nombreux côtés, me rappelle celle de ces vieux fous bourguignons qui peuplent les romans d'Henri Vincenot (dont les moustaches avaient été rendues célèbres par cet autre bourguignon, Bernard Pivot), l'un de mes auteurs favoris qui lui aussi sait dire des choses vraies, sans noircir et en entretenant l'espoir.

Chacun de nous devrait tenir ses propres carnets de résistance.


Carnets de Résistance 2008-2010, paru le 7 mai 2010 aux Editions Descartes & Cie.

lundi 10 mai 2010

Le Paradoxe du Sapiens

La principale motivation qui m'a poussé à écrire Siècle bleu est de rencontrer des gens qui auraient la même sensibilité et faire éventuellement des choses avec eux. Ce livre est donc un moyen d'accéder aux gens pour lesquels j'ai toujours eu de l'admiration. Rassurez-vous je ne suis pas du tout attiré par les "people" mais par ceux qui oeuvrent dans l'ombre à l'écart du grand public, qui rêvent, qui réfléchissent et qui innovent.


Dans cette perspective, j'avais envoyé mon livre à Jean-Paul Baquiast, certainement un des lecteurs/penseurs les plus actifs de France, qui est en autre le rédacteur en chef et l'animateur de la revue Automates Intelligents avec Christophe Jacquemin. Cette revue traite de robotique, d'intelligence artificielle mais aussi de biologie, d'espace, d'écologie, de philosophie, de géopolitique et de beaucoup d'autres sujets auxquels s'intéressent ces deux êtres à la curiosité multifacette. Pour résumer elle s'interroge sur le rapport entre l'homme, sa destinée et la technologie. J'ai toujours eu une grande convergence de pensée avec leurs (longs) articles que je lis depuis la création d'Automates Intelligents en 2000. Elle est gratuite et je vous conseille de vous y abonner.


Jean-Paul Baquiast a beaucoup aimé Siècle bleu et en a fait une critique très touchante (cf. le post Critique de Siècle bleu dans Automates Intelligents). Jean-Paul Baquiast a ensuite demandé à me rencontrer pour parler de Siècle bleu mais surtout d'un projet commun qu'il souhaiterait que nous explorions ensemble. La rencontre avec ce grand homme de 78 ans fut époustouflante. Ancien haut fonctionnaire, il s'est occupé des grandes orientations de la France sur les questions informatiques depuis le début des années 60. Esprit autonome, il a une culture ahurissante et des prises de position très marquées qui diffèrent beaucoup de ce que l'on pourrait attendre d'un ancien élève de l'ENA ! La rencontre fut lumineuse et je dois le revoir prochainement pour développer ce projet. Je vous en reparlerai sur ce blog, mais comme vous pouvez vous en douter il s'agit d'espace et d'écologie.


Jean-Paul Baquiast m'a offert son dernier essai, Le Paradoxe du Sapiens, paru aux éditions Jean-Paul Bayol. Dans ce livre, il s'interroge sur les raisons pour lesquelles l'humanité, qui fait pourtant des réalisations admirables, échoue presque systématiquement à résoudre les catastrophes qu'elle a elle-même créés et surtout annoncées. Traditionnellement, les penseurs accusent tantôt l'homme, animal vil et immature, ou bien la technologie, dangereuse et incontrôlable. L'hypothèse très puissante de Jean-Paul Baquiast est que ni l'un ni l'autre n'est condamnable isolément, mais qu'il faut chercher le coupable dans le superorganisme au fonctionnement symbiotique qui réunit justement l'humanité et l'ensemble des techniques dont elle s'est dotée. Tout a commencé quand l'homme a inventé le premier outil, certainement un percuteur. Cet outil a modifié son rapport à l'environnement, a élargi considérablement le champ des possibles et a inversement fait évoluer l'homme génétiquement et mentalement. L'homme est donc devenu indissociable de ces outils et forme avec eux un nouvel organisme, pour lequel regarder l'homme seul ou l'outil seul n'a aucun sens. Après 7 millions d'années d'évolution génétique et "technique", ces entités symbiotiques ont poursuivi leur croissance de façon fulgurante.


Pour Jean-Paul Baquiast, ces créatures, qui n'ont été étudiées par aucun biologiste, échappent à tout contrôle et l'extérieur (ou l'intérieur) n'a quasiment aucune prise sur elle. Ces superorganismes ne sont motivés que par leur croissance et leur contrôle échappe au pouvoir des individus et des politiques. Seule la mort (donc leur effondrement) peut les arrêter et cela se fait bien souvent au prix de nombreuses vies et d'une dégradation très forte de notre environnement. ll faut donc admettre la méconnaissance du fonctionnement de ces entités et lancer urgement des études transdisciplinaires pour analyser ces Golems, qui échappent aux lois de la biologie puisque comme des tumeurs cancereuses leur croissance n'a aucun but. Ca fait peur de le savoir, mais il est quand même bon de le réaliser plutôt que de l'ignorer.


Ce concept peut vous sembler abstrait, mais rassurez-vous Jean-Paul Baquiast donne dans son livre de très nombreux exemples. L'un d'eux est par exemple le Pentagone. Le Pentagone est pour lui un superorganisme réunissant les responsables de l'armée, de l'administration militaire et du complexe militaro industriel, avec ses hommes et ses inventions (missiles, bouclier antimissiles, drones, munitions, chasseurs, technologie en réseau...). Au cours des dernières décennies, on a assisté à une explosion des budgets du Pentagone que presque plus personne n'ose contrôler (même Obama n'a pas réussi à infléchir la spirale de dépense du Pentagone). Ce superorganisme maintient autour de lui les conditions nécessaires à sa croissance et aspire tout sur son passage alors que l'inefficacité de son fonctionnement est flagrante.


On peut comme autre exemple citer le système de multinationales qui se nourrissent des innovations technologiques, de la soit-disant "ingénierie financière" et des principes de l'ultracapitalisme. Le fonctionnement de ce super organisme au comportement proche de celui d'un psychopathe a été analysé de façon admirable par Jennifer Abbott et Mark Achbar dans leur documentaire "The corporation, the pathological pursuit of profit and power" et que les auteurs ont souhaité mettre en libre accès sur Internet.



Sur les dérives du superorganisme financier, j'avais écrit en janvier 2009 un post intitulé "Les Nénuphars de la City" et qui s'interrogeait sur les motifs de la crise financière et sur les remèdes que l'on pouvait y apporter. L'un d'eux était l'instauration d'un contrôle strict de tous les systèmes à croissance potentiellement exponentiel, dont les superorganismes de Jean-Paul Baquiast. J'avais pris pour illustrer cela, l'analogie avec les baobabs du Petit Prince, image qui m'est très chère. Un autre post de septembre 2009 poursuivait ces réflexions sur le thème "Les économistes ont-ils perdu le bon sens ?".


Je ne vous révélerai pas tout le livre de Jean-Paul Baquiast car il faut le lire. Il nous fait prendre conscience de l'existence de ces créatures autonomes et dangereuses, mais il n'est pas si noir et nous donne aussi des pistes pour en comprendre et en piloter le fonctionnement. Un essai riche, visionnaire et que tous nos "décideurs" (si on peut encore les appeler comme celà) devraient lire. Et si eux ne le lisent pas, lisez le quand même !

samedi 1 mai 2010

L’Enchanteur de Sadhana Forest à Haïti


Dans un précédent post (« L’enchanteur de Sadhana Forest »), je vous avais parlé de l’organisation Sadhana Forest créée par deux Israéliens, Aviram Rozin et sa femme Yorit. Avec l’aide de nombreux bénévoles, ils ont fait rejaillir en quelques années une véritable forêt sur un terrain désertique à l’extérieur d’Auroville en Inde. Mon roman Siècle bleu leur rend un modeste hommage en clin d’œil : Aviram et Sadhana Forest sont cités à la page 152 dans la bibliothèque d’Abel, le héro du livre, dans laquelle il répertorie les initiatives qui participent au réenchantement du monde.


Aviram Rozin était de retour à Paris ces derniers jours pour faire un premier retour sur son nouveau projet : « Sadhana Haïti ». La présentation a eu lieu au cirque tzigane Alexandre Romanès (situé à deux pas de la porte de Champerret à Paris). Vous pouvez visionner sur DailyMotion le film tourné par Danièle Duluc sur la soirée (traduction Caroline Guidetti).



Les photos de la soirée ont été prises par Sylvia Tostain, photographe, dont vous pourrez admirer les autres oeuvres sur son site SylviaTostain.fr


Photo Sylvia Tostain.


Alors qu’autour de nous les évènements très noirs s’accumulent, cette soirée, ponctuée par des intermèdes musicaux et acrobatiques, fut pleine de vie, d’espoir et d’émotion.



Photo Sylvia Tostain.


Aviram Rozin, qui est un véritable citoyen de la Terre, a évidemment été très affecté par le désastre qui s’est abattu sur Haïti. Sadhana a donc recherché des fonds et envoyé une petite équipe là-bas (dont sa femme et ses deux filles, la dernière n’ayant que deux ans), quelques semaines après le séisme pour aider les populations locales à faire pousser leur nourriture plutôt que de dépendre de l’aide internationale.Les locaux ont tout de suite été séduits par la démarche de Sadhana et leur ont confié un terrain vague, lavé par les pluies et sans aucune vie végétale, près d'Anse-à-Pitre, à la frontière avec la République dominicaine.


Aviram et les siens ont appliqué les principes de la permaculture (cf. mon précédent post) et ont commencé à creuser des trous et constituer de petits barrages, pour retenir l’eau et l’humidité. Ils ont ensuite effectué des plantations en forme de cercles de 1 mètre de diamètre (photo ci-dessus) : au centre quelques feuilles trouvées sur les terrains adjacents, des déjections animales et de l’urine humaine (un engrais naturel que l’on a tendance à oublier).


Véritables « Tistou les pouces verts » (le jeune héros du livre extraordinaire de Maurice Druon qui m’avait tant fait rêver dans mon enfance), au bout de quelques jours, les premières graines germaient et des pouces vertes sortaient du sol (grande émotion dans l’assemblée mardi soir en voyant les images de ces premières pousses). Après quelques semaines, tout le terrain était verdoyant


Avec Sadhana, on est loin du comportement de certaines ONG (je dis bien certaines, car la plupart des ONG font un travail admirable) qui établissent leurs campements dans de grands hôtels : Aviram et les siens sont également allés s’installer directement dans le camp de réfugiés de Petionville Club (l’ancien club de golf de Port-au-Prince qui a été réquisitionné pour accueillir les sans-abris). Un peu partout dans le camp de Petionville Club, on a vu fleurir des « plantations en cercle ». Le virus Sadhana était inoculé et une partie de la population a réappris avec des gestes simples comment s’alimenter et comment rendre viable des terres supposées perdues.


Sadhana va maintenir une présence permanente à Haïti et a négocié un vaste terrain (3000 hectares !) autour d'Anse-à-Pitre avec le gouvernement pour enclencher un vaste projet de reforestation et d'agroécologie. Aviram Rozin réfléchit à constituer une caisse permanente permettant aux équipes de Sadhana d’intervenir instantanément en cas de nouveau cataclysme. Il leur avait en effet fallu quelques semaines pour trouver les 10 000 euros nécessaires à leur projet à Haïti… vous avez bien lu, 10 000 euros puisqu’il s’agissait essentiellement de billets d’avions et d’outils. Il réfléchit également à un modèle de camp humanitaire qui intégrerait des zones agricoles pour que les populations puissent passer facilement du stade de dépendance au stade de développement autonome.


Si vous voulez aider Sadhana, sachez que votre argent sera bien utilisé et que 99% des dons iront aider directement les populations puisque l’association ne compte que des bénévoles (à part les deux fondateurs qui se versent la modique somme de 80 euros par mois). Pour vous donner un ordre d’idée, le projet à Haïti n’a coûté que 10 000 euros. Les dons peuvent être effectués sur le site français de Sadhana Forest via l’association Fotosintesia de Claire Chanut, qui fut la grande organisatrice de cette soirée.




Photo Sylvia Tostain.


Merci à Claire pour son engagement auprès de cette cause et de nombreuses autres.


Sadhana accepte des dons de toute nature et par exemple ils utilisent les semences offertes par l’association Kokopelli. Basée dans le Gard, Kokopelli sauve les semences oubliées et s’oppose au monopole de l’industrie agro-chimique. Ils ont d’ailleurs été récemment condamné par le GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences).

Pour à nouveau illustrer que nous vivons dans un siècle où des initiatives admirables et d’autres très noires s’affrontent (ce qui est le thème central de Siècle bleu), Claire Chanut nous a informé que Monsanto venait d’annoncer un projet baptisé « Winner ». Soutenu par l’Ambassade américaine, il vise à offrir 475 tonnes de semences OGM (et les engrais/pesticides/herbicides associés) aux habitants d’Haïti. Une façon atroce d’exploiter la misère pour mettre la main à vie sur des "marchés" quand on sait que les semences de Monsanto ne font pas de graines et vous devez acheter chaque année de nouvelles graines. On est en plein dans ce que Naomi Klein dénonce dans La Stratégie du choc sur l’exploitation des cataclysmes par les multinationales et les apôtres de l’ultralibéralisme. C’est un nouveau séïsme qui risque de s’abattre sur Haïti et qu’il faut à tout prix empêcher.


Nouvelle critique dans Psychologies Magazine


Nouvelle critique très sympa dans Psychologies Magazine (cliquez sur l'image pour agrandir).