dimanche 29 juin 2008

Constellation : retour vers la Lune

Le 14 janvier 2004, le président Georges W. Bush exposait devant les employés du siège de la NASA la nouvelle vision de l'exploration spatiale des Etats-Unis, probablement sa seule intervention mémorable en 8 ans de mandat. Un an après l'accident de la navette Columbia, les Etats-Unis y insistaient sur la nécessité de faire rêver la NASA et les Américains avec un grand projet que le programme de la navette n'incarnait plus. Et le programme inspiré par Bush, maintenant baptisé Constellation, ne manque pas d'ambition. Il s'agit d'établir une base humaine pérenne sur la Lune avant le grand saut vers Mars, puis vers le reste du système solaire (Moon, Mars and Beyond).
Comme dans toute aventure humaine, la ferveur est nécessaire pour maintenir les employés de la NASA au plus haut niveau de motivation et d'exigence.  Par son ampleur, ce programme dépasse largement l'effort d'Apollo. Même si on en entend peu parler en France, la NASA a réagi à une vitesse incroyable et le programme est déjà bien amorcé : les grandes orientations techniques sont arrêtées (ci-dessous une simulation en images de synthèse du voyage vers la Lune prévue d'ici la fin de la décennie) et des fournisseurs ont reçu les premières commandes. 
Le programme inspiré par Bush insiste sur l'importance de l'exploration du système solaire par des humains. On peut se demander quel est l'intérêt de dépenser des centaines de milliards de dollars pour concevoir des missions humaines complexes alors que le succès (et le coût) des missions robotisées et l'accident de Columbia auraient du pousser à faire l'inverse. 
La réponse est à la fois biologique, scientifique, économique, géopolitique et philosophique.
  • Biologique: l'exploration est dans les gènes de l'homme (Bush le rappelle dans ce discours en se référant à l'histoire de Lewis et Clark partis à la découverte du grand Ouest) et son avenir est dans les étoiles. 
  • Scientifique: aucun robot ne pourra ramener autant d'information qu'un humain si il s'agit d'établir par la suite une base humaine. 
  • Economique: la Lune possède de vastes champs d'hélium-3 (extrêmement rare sur Terre) et qui pourront servir à faire fonctionner les futurs réacteurs à fusion nucléaire.
  • Géopolitique: la Chine a également annoncé un ambitieux programme lunaire et les Etats-Unis ne peuvent pas laisser aux Chinois une aussi belle vitrine.
  • Philosophique: la vision de la Terre qui est offerte aux astronautes en orbite et plus loin, a le pouvoir de changer le monde. 
Nous développerons dans ce blog ces différents sujets. 

samedi 28 juin 2008

Amiens : la cathédrale protégée


La cathédrale d'Amiens est un des chefs d'oeuvre de l'art gothique du XIIIème siècle. Néanmoins elle a failli disparaître à deux reprises au cours du siècle dernier. Durant la Première Guerre mondiale, elle échappa in extremis aux tirs d'obus de la "Grosse Bertha" (grâce à l'intervention du Vatican auprès de Guillaume II). Dans la nuit du 20 au 21 mai 1940, la ville d'Amiens fut rasée mais la cathédrale, cible pourtant inratable, demeura mystérieusement intacte, comme le montrent les photos ci-dessous. Les protections des trésors qu'elle renfermait s'avérèrent inutiles.

Un des pilotes allemands déclara : " Nous avions dans notre point de mire la cathédrale. J'ai fait tomber mes bombes sur cet édifice et je me suis aperçu que celles-ci étaient déviées de leur trajectoire initiale, comme si une main mystérieuse les détournait. " Comment cela a-t-il pu se produire ?
La réponse vous sera donnée par Jean Macrez (ci-dessous devant l'ange pleureur), maître des cérémonies de Notre-Dame d'Amiens depuis plus de cinquante ans. Chaque jour à 15h30, il organise une visite très originale des stalles de la cathédrale que je vous recommande ardemment. Il connaît la cathédrale et son histoire mieux que quiconque. Cet homme admirable à la voix chantante et à l'humour corrosif détonne dans cet édifice. Il se présente comme la "dernière gargouille vivante" et on ne peut qu'être d'accord tant il est habité par des valeurs qui ont aujourd'hui disparu.

Au cours de la visite, il sortira son pendule et vous montrera la puissance des courants telluriques qui parcourent certaines parties de la cathédrale. Comme la plupart des autres cathédrales gothiques, Notre-Dame d'Amiens a été érigée sur un ancien lieu de culte celte (les druides savaient repérer les points telluriques qui pourrait agir sur la transformation et l'élévation de l'homme) et se comporte comme une antenne qui canalise l'énergie issue du centre de la Terre vers le ciel. Cette force magnétique phénoménale aurait détourné les bombes et la cathédrale se serait donc défendue elle-même !
Depuis 1981 la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, en reconnaissance de sa valeur universelle exceptionnelle, lui assurant normalement une période de répit puisque 185 états se sont engagés à préserver les sites inscrits dans cette liste très élitiste (elle n'en comporte que quelques centaines).
PS : à l'issue de la visite, Jean Macrez nous a montré une photo impressionnante (ou carte postale) grand angle d'Amiens rasée, où seule la cathédrale demeure. Impossible de retrouver cette photo sur Internet. Si vous l'aviez ou savez où la trouver, merci de rentrez en contact avec moi.
PS2 : Après 6 mois de recherches, je viens de retrouver la trace de cette fameuse photo. Pour cela lire la suite de cet article : Amiens, la Cathédrale sauvée des bombes.

dimanche 22 juin 2008

Le capitaine Paul Watson à Jussieu

    
Le capitaine Paul Watson était de passage à Paris et a donné une conférence à l'université de Jussieu le samedi 7 juin, à laquelle j'ai eu la chance de pouvoir assister. C'est vraiment un homme hors du commun. 
Paul Watson est une légende de la lutte pour la préservation des océans. L'amphithéâtre était comble et sa conférence a duré près de deux heures. Pourtant lui et son mouvement Sea Shepherd (berger des mers) sont peu connus en France, mais en Amérique du Nord, ce sont de véritables stars. D'ailleurs, très prochainement un film retraçant l'odyssée de Sea Shepherd sortira sur les écrans et Christian Bale (Batman) incarnera le personnage de Paul Watson. Paul Watson est d'ailleurs très proche d'Hollywood (Sean Penn, Pierce Brosnan et Martin Sheen soutiennent le mouvement).
Paul Watson était l'un des fondateurs de Greenpeace au début des années 70 et il a depuis quitté ce mouvement qu'il jugeait trop bureaucratique. Sea Shepherd protège les créatures des océans (baleines, dauphins, tortues, phoques, requins...) et fait appliquer le droit là où il n'est pas appliqué. Sea Shepherd justifie ses actions très musclées par la Charte mondiale de la nature des Nations Unies en place depuis 1982 (les articles 21 à 24 permettent aux individus et aux associations de faire appliquer ces lois). Sea Shepherd a endommagé et même coulé de nombreux navires pratiquant des activités illégales, mais l'organisation n'a jamais perdu le moindre procès (ni blessé la moindre personne). 
L'hiver dernier, Sea Shepherd a coursé sur 30000 km des baleiniers japonais qui pêchaient illégalement dans le sanctuaire de l'Antarctique. Leurs interpositions répétées ont permis de réduire de 30% les prises. Avec deux bateaux, Paul Watson indique qu'ils auraient pu complètement stopper les Japonais. Les images sont spectaculaires.
Les projectiles lancés par Sea Shepherd sur le navire japonais sont des boules puantes et des oeufs pourris. Greenpeace et les autres organisations de protection de la Nature réprouvent les méthodes de Sea Shepherd. Lorsque des espèces sont sur le point de disparaître et que le droit international n'est pas appliqué, il faut bien que quelqu'un intervienne... 
N'hésitez pas à soutenir Sea Shepherd. Ils ont depuis quelques années une antenne en France. Nous vous tiendrons au courant dans ce blog des dernières péripéties de Sea Shepherd.

samedi 21 juin 2008

Le Stenocara ou comment un coléoptère pourrait changer le monde

    
Le désert du Namib est connu pour ses dunes somptueuses qui se jettent dans l'océan Atlantique. Ce désert de la Namibie sera peut-être bientôt aussi connu pour un de ses pensionnaires : le scarabée Stenocara. Celui-ci vit à l'intérieur du désert, là où les précipitations ne dépassent guère quelques centimètres par an et où l'on ne trouve quasiment aucune autre forme de vie. 
Pourtant le Stenocara parvient à survivre, sans eau. Chaque matin, il monte au sommet d'une haute dune, se positionne face au vent et déploie ses élytres dont la surface cirée est recouverte de bosses microscopiques. Les brouillards océaniques poussés à l'intérieur des terres se condensent alors par magie et une goutte d'eau apparaît permettant au Stenocara de s'abreuver. Ce prodigieux mécanisme a été mis en évidence pour la première fois en 2001 par Andrew Parker et Chris Lawrence de l'université d'Oxford ("Water Capture by a Desert Beetle," Nature 414, 2001). Depuis, de nombreux laboratoires essayent de créer des matériaux s'inspirant de la structure des élytres du Stenocara.
D'ici 2025, les Nations Unies prévoient que 1.8 milliards d'individus auront un problème d'accès à l'eau. Le Stenocara pourra peut-être contribuer à leur trouver une solution. 
La Nature a inventé de prodigieux dispositifs dont l'homme aura un jour ou l'autre besoin de s'inspirer. C'est une des multiples raisons pour lesquelles il faut protéger la biodiversité. Un livre à paraître en mai 2009 décrira les 100 meilleures astuces de la Nature, le Stenocara y figurera en bonne position. Ce livre est issu des recherches extraordinaires menées par le Biomimicry Institute (Institut de biomimétisme), dont nous reparlerons sur ce blog.

mercredi 18 juin 2008

Noix de Sapindus


Les 1.1 milliards d'Indiens n'utilisent pas de détergents industriels pour leurs lessives mais les fruits du Sapindus Mukorossis qui contiennent un agent naturel : la saponine. Jetez une poignée de ces noix dans le tambour de votre machine et votre linge sera aussi propre que d'habitude, à la différence que les noix sont réutilisables jusqu'à 3 fois. Vous pouvez acheter ces noix sur Internet (Noix de lavage par exemple) et vous économiserez jusqu'à 50% de votre budget annuel de lessive.
Attention néanmoins: tant que les Sapindus ne pousseront pas en France, le bilan écologique de cette nouvelle lessive ne sera pas systématiquement meilleur du fait de la pollution lié au transport des noix. Plusieurs agriculteurs français s'intéressent déjà à cette culture, attendons donc les "Sapindus Made in France".  

Eucalyptus géants : les arbres ne montent pas jusqu'au ciel

L'eucalyptus géant d'Australie est l'un des plus grands arbres du règne végétal, sa taille peut atteindre 130 mètres. Parvenue à sa maturité, la forêt d'eucalyptus est menacée par son propre développement : l'épaisse canopée constituée au fil des années empêche la lumière d'atteindre le sol et bloque le processus de germination des graines d'eucalyptus contenues dans de petites bogues très odorantes que nous connaissons tous.
 
Pour assurer la pérennité de la forêt, la Nature a élaboré un astucieux stratagème : la sève d'eucalyptus renferme des particules d'une huile extrêmement inflammable dont la concentration augmente avec l'âge de l'arbre. Quant l'arbre arrive à maturité, cette teneur est si haute que le risque d'inflammation devient inéluctable. La forêt d'eucalyptus géants disparaîtra alors dans un incendie d'une violence inouïe. Des grand arbres il ne restera plus que des cendres. La vie semblera avoir disparue.
Mais au niveau du sol se produira heureusement un véritable miracle et les pousses de jeunes eucalyptus jailliront de toutes parts. C'est en effet à la base de la flamme que la température est la plus basse permettant ainsi aux graines d'eucalyptus enveloppées dans leurs bogues protectrices de survivre à l'incendie. Disposant de toute la lumière et de toutes les substances minérales nécessaires après l'incendie, leur développement sera fulgurant.
La grandeur ne semble donc pas être un état stable de la Nature. Pour éviter la disparition de cette espèce la nature a veillé à ce que le développement fulgurant de ces grands arbres s'accompagne de la production d'une molécule qui causerait leur destruction. Plus le niveau de développement est grand plus le risque de disparation est grand. 
Peut-être est ce un principe similaire qui a causé le déclin de toutes les grandes civilisations du passé ? Des dinosaures ? Peut-on stabiliser un haut niveau de développement ou est-ce que celui-ci conduit irrémédiablement à sa destruction ? Il suffit juste de savoir s'arrêter au bon niveau et d'avoir acquis suffisamment de sagesse et d'expérience pour se maintenir dans cet équilibre instable.
Mais dans ce cas, quel est le garde fou équivalent de cette sève inflammable inventé par la Nature ? On pourrait penser à l'arme atomique mais cela pourrait également être l'émergence d'une conscience collective qui contrebalancerait la croissance fulgurante de la population.

lundi 16 juin 2008

Lettre à l'éléphant

Romain Gary a écrit en 1968 cette magnifique lettre. Après cette lecture, vous ne regarderez plus les éléphants de la même manière. Ni les autres formes de vie. 
Monsieur et cher éléphant,
Vous vous demanderez sans doute en lisant cette lettre ce qui a pu inciter à l'écrire un spécimen zoologique si profondément soucieux de l'avenir de sa propre espèce. L'instinct de conservation, tel est, bien sûr ce motif. Depuis fort longtemps déjà, j'ai le sentiment que nos destins sont liés. En ces jours périlleux "d'équilibre par la terreur", de massacres et de calculs savants sur le nombre d'humains qui survivront à un holocauste nucléaire, il n'est que trop naturel que mes pensées se tournent vers vous.
À mes yeux, monsieur et cher éléphant, vous représentez à la perfection tout ce qui est aujourd'hui menacé d'extinction au nom du progrès, de l'efficacité, du matérialisme intégral, d'une idéologie ou même de la raison car un certain usage abstrait et inhumain de la raison et de la logique se fait de plus en plus le complice de notre folie meurtrière. Il semble évident aujourd'hui que nous nous sommes comportés tout simplement envers d'autres espèces, et la vôtre en particulier, comme nous sommes sur le point de le faire envers nous-mêmes.
(...)
J'espère que vous n'y verrez pas un manque de respect si je vous avoue que votre taille, votre force et votre ardente aspiration à une existence sans entrave vous rendent évidemment tout à fait anachronique. Aussi vous considère-t-on comme incompatible avec l'époque actuelle. Mais à tous ceux parmi nous qu'éc¦urent nos villes polluées et nos pensées plus polluées encore, votre colossale présence, votre survie, contre vents et marées, agissent comme un message rassurant. Tout n'est pas encore perdu, le dernier espoir de liberté ne s'est pas encore complètement évanoui de cette terre, et qui sait ? si nous cessons de détruire les éléphants et les empêchons de disparaître, peut-être réussirons-nous également à protéger notre propre espèce contre nos entreprises d'extermination.
Si l'homme se montre capable de respect envers la vie sous la forme la plus formidable et la plus encombrante - allons, allons, ne secouez pas vos oreilles et ne levez pas votre trompe avec colère, je n'avais pas l'intention de vous froisser - alors demeure une chance pour que la Chine ne soit pas l'annonce de l'avenir qui nous attend, mais pour que l'individu, cet autre monstre préhistorique encombrant et maladroit, parvienne d'une manière ou d'une autre à survivre.
(...)
Demeurer humain semble parfois une tache presque accablante ; et pourtant, il nous faut prendre sur nos épaules an cours de notre marche éreintante vers l'inconnu un poids supplémentaire : celui des éléphants. Il n'est pas douteux qu'au nom d'un rationalisme absolu il faudrait vous détruire, afin de nous permettre d'occuper toute la place sur cette planète surpeuplée. Il n'est pas douteux non plus que notre disparition signifiera le commencement d'un monde entièrement fait pour l'homme. Mais laissez-moi vous dire ceci, mon vieil ami : dans un monde entièrement fait pour l'homme, il se pourrait bien qu'il n'y eût pas non plus place pour l'homme. Tout ce qui restera de nous, ce seront des robots. Nous ne réussirons jamais à faire de nous entièrement notre propre oeuvre. Nous sommes condamnés pour toujours à dépendre d'un mystère que ni la logique ni l'imagination ne peuvent pénétrer et votre présence parmi nous évoque une puissance créatrice dont on ne peut rendre compte en des termes scientifiques ou rationnels, mais seulement en termes où entrent teneur, espoir et nostalgie. Vous êtes notre dernière innocence.
(...)
C'est ainsi, monsieur et cher éléphant, que nous nous trouvons, vous et moi, sur le même bateau, poussé vers l'oubli par le même vent puissant du rationalisme absolu. Dans une société, vraiment matérialiste et réaliste, poètes, écrivains, artistes, rêveurs et éléphants ne sont plus que des gêneurs.
Romain Gary - mars 1968 - Le Figaro Littéraire.

Le Palais Idéal du Facteur Cheval

        

Au cours d'une tournée, le facteur Ferdinand Cheval rêva un jour d'un palais idéal, à l'architecture folle. Il passa les 33 années suivantes à l'édifier, seul, avec les pierres amassées une à une au cours de ses tournées, selon le plan dicté par ses songes. Vous pouvez l'admirer à Hauterives dans la Drôme. Gaudi consacra plus de quarante ans à la construction de la Sagrada Familia (1ère photo). Il a fallu 37 ans pour terminer Angkor Vat (3ème photo). Et encore, ce n'est rien par rapport aux pyramides d'Egypte ou aux cathédrales du moyen-âge. 
Nous devrions tous rechercher à bâtir un palais durant notre vie (une maison, une famille, une entreprise, une association, un blog, un livre...), c'est fondamental pour notre équilibre personnel. Pour y arriver, cela ne tient qu'à nous : il suffit juste d'écouter ces rêves et d'y croire, les rêves d'un seul homme peuvent changer le monde comme nous le montrerons souvent dans ce blog. 
"Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore votre rêve" disait Antoine de Saint-Exupéry.

B2 en fumée

L'armée américaine n'avait que 21 bombardiers furtifs B2. Maintenant il n'en reste plus que 20... L'un d'entre eux s'est écrasé au décollage de la base de Guam pour avoir viré trop tôt. 1.2 milliards de dollars sont partis en fumée mais les pilotes ont eu le temps de s'éjecter. Une machine de mort en moins et deux militaires en mauvaise passe.

dimanche 15 juin 2008

Si...

Ce poème écrit en 1910 par Rudyard Kipling était destiné à son fils John âgé de 12 ans. John mourra 5 ans plus tard sur le front de la Première Guerre mondiale. 
Et si chaque père lisait ce texte à son fils ?
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !


Rudyard Kipling