mardi 16 novembre 2010

Ma Collection du Petit Prince

La pensée de Saint-Exupéry occupe le sommet de mon panthéon littéraire et philosophique. Le Petit Prince tient d'ailleurs une place centrale dans l’intrigue du premier tome de mon roman Siècle bleu (ainsi que dans celle du second tome en préparation). Le message de ce petit livre est universel et ce n’est pas par hasard qu’il est l’un des livres les plus traduits au monde juste après la Bible et le Coran : les éditions Gallimard avaient recensé en 2005 pas moins de 159 traductions officielles, mais il en existe en fait plus de 200 (cf. liste à la fin de cette page).
Un jour, j’ai rêvé que ce livre pourrait servir de pierre de Rosette et permettre à un historien du futur de décrypter toutes les langues ou servir de base pour un langage universel mettant fin à la malédiction de Babel. Je m'étais aussi dit qu’en rassemblant toutes ces traductions, la puissance du message de ce livre serait démultipliée et pourrait changer le monde. Aussi en 2000, en même temps que je démarrais le projet Siècle bleu, je me suis lancé dans la collection des traductions du Petit Prince. Au cours de mes voyages ou de ceux de mes amis (c’est la règle que je me suis fixée malgré quelques entorses), j’en ai pour l'instant réunies 56. Je suis donc encore loin du compte...
Appel aux amis du Petit Prince du monde entier : si vous disposez d'un exemplaire dans une langue qui me manque (cf liste à la fin de cette page) et que vous souhaitez m'aider à poursuivre cette quête, je vous serai infiniment reconnaissant! Un exemplaire dédicacé du petit prince ou tout ce que vous voudrez ! En tout cas, votre nom figurera bien évidemment sur cette page. Pour me contacter, vous pouvez m'écrire à

lundi 1 novembre 2010

Un système qui ne peut répondre au défi environnemental

Dominique Bourg a donné dans le monde une interview au Monde qui résume parfaitement les défis de ce "Siècle bleu"... A méditer et à prolonger. Je vous conseille également la lecture de son article "L'éco-scepticisme et le refus des limites" paru dans le numéro de juillet-août 2010 de la revue Etudes.


Dominique Bourg : "Un système qui ne peut répondre au défi environnemental"

Le Monde | 30.10.10 | 13h36


Professeur à la faculté des géosciences et de l'environnement de l'université de Lausanne, Dominique Bourg vient de publier, avec Kerry Whiteside, professeur de sciences politiques au Franklin and Marshall College de Pennsylvanie, un essai intitulé Vers une démocratie écologique (Seuil, 106 pages, 11,50 euros). Les deux chercheurs y expliquent pourquoi, à leurs yeux, nos institutions politiques sont inaptes à régler les grands problèmes environnementaux de la planète et doivent être refondées.


"Les dégradations que l'humanité inflige aujourd'hui à la biosphère sont sans précédent", écrivez-vous. Toute l'histoire de l'humanité, de la vie même, n'est-elle pas faite de crises et de bouleversements de la nature ?


La Terre a connu des changements brutaux. Mais la situation actuelle n'a aucun antécédent. D'une part, l'humanité bouscule les mécanismes régulateurs de la biosphère, autrefois hors d'atteinte. De l'autre, elle est confrontée à un problème de ressources qui devient sévère.

Les deux préoccupations majeures sont le changement climatique et l'accélération du rythme de l'érosion de la diversité des espèces. Nous agissons à très grande échelle sur le système climatique, avec 40 % de CO2 dans l'atmosphère de plus qu'au début de l'ère industrielle, et les climatologues nous disent qu'aller au-delà d'un réchauffement de 2° C, ce serait ouvrir une boîte de Pandore, libérant une série de rétroactions qui nous feraient dériver vers des températures difficilement supportables par l'espèce humaine.

S'agissant de la biodiversité, des espèces ont certes disparu chaque fois que les hommes ont investi des territoires nouveaux. C'est ce que le biologiste américain Edward Osborne Wilson appelait les "disparitions coup de marteau". Mais aujourd'hui, il s'agit d'une "disparition holocauste". Nous entrons probablement dans la sixième extinction et celle-ci, extrêmement rapide, nous est totalement imputable.

Dans le même temps, nous nous heurtons aux limites des ressources de la biosphère : ressources énergétiques, minérales, biotiques, et, à l'échelle locale, en eau douce. Un seul exemple : les ressources halieutiques sur lesquelles nous avons opéré une razzia. Nous avons vidé les mers.


Indépendamment de leur ampleur inédite, en quoi ces problèmes environnementaux sont-ils radicalement nouveaux ?


D'abord, ils ne sont plus locaux, mais transfrontaliers et, pour certains, globaux. Le changement climatique, l'acidification des océans, l'érosion de la biodiversité... sont des problèmes planétaires, à l'interface entre l'humanité et la biosphère. C'est une situation totalement originale.

Ensuite, à la différence des pollutions traditionnelles, les grandes menaces actuelles sont invisibles. Ni le changement de la composition chimique de l'atmosphère, ni l'accélération de la perte de biodiversité, ni les micropolluants de l'air ou de l'eau ne sont accessibles à nos sens.

A l'invisibilité s'ajoute l'imprévisibilité. Aucun des grands problèmes écologiques apparus dans la seconde moitié du XXe siècle n'a été anticipé. Découvrir, avec l'effet de serre, que ce qui a assuré notre confort compromet tous les acquis de la saga du progrès et menace notre propre avenir a été une surprise complète.

De plus, la temporalité des atteintes à l'environnement a changé. Il existe un effet d'inertie qui fait que le temps de réponse des écosystèmes aux dégradations qu'on leur inflige est extrêmement long. Et une irréversibilité : une fois qu'on a changé un état de l'atmosphère ou des océans, on n'a aucun moyen de revenir en arrière.

Enfin, les problèmes écologiques ne peuvent plus être réduits aux seules pollutions. Elles n'en représentent qu'une petite composante et, alors qu'on peut y trouver des parades techniques, les deux grandes questions auxquelles nous devons faire face - celle des perturbations de la biosphère et celle des ressources - ne relèvent pas de solutions techniques seules.


Selon vous, les démocraties ne répondent pas à ces exigences et sont donc impuissantes à résoudre les grands problèmes écologiques. Pourquoi ?


Dans son principe même, la démocratie représentative suppose que les élus repassent régulièrement devant leurs électeurs pour rendre compte de leur action. In fine, l'individu est donc le seul juge des politiques publiques et de son bien-être. Or les problèmes environnementaux échappent au jugement individuel spontané. En outre, les élus sont portés à défendre les intérêts d'électeurs particuliers, et non des intérêts globaux.

Autre difficulté : on nous a mis dans la tête depuis soixante ans que l'enrichissement matériel est la clé du bien-être, alors que nous avons aujourd'hui la nécessité de produire et de consommer moins, ce qui ne veut pas dire qu'on sera moins heureux.

Enfin, nos démocraties accordent une prime au court terme : elles ont beaucoup de mal à prendre en compte les intérêts du futur quand ils paraissent en contradiction avec ceux du présent. Pour toutes ces raisons, notre système souffre d'une incapacité politique structurelle à répondre aux défis environnementaux.


Par quel autre système le remplacer ?


Il ne s'agit pas de l'abroger, mais de l'enrichir. L'enjeu est de trouver une articulation entre le citoyen, le savant et le politique. Sur les questions environnementales, la connaissance scientifique doit être au coeur du système décisionnel - sans verser dans une "expertocratie" - et la société civile impliquée. Rien ne doit être décidé sans participation citoyenne.

Nous proposons deux objectifs constitutionnels nouveaux, stipulant que l'Etat, dont la mission est de préserver l'intérêt fondamental de la nation, doit veiller à la sauvegarde du bien commun que constitue l'équilibre de la biosphère, et que la finitude des ressources naturelles impose une gestion concertée, à l'échelle internationale.

Une "académie du futur", composée de chercheurs internationalement reconnus, aurait pour charge d'exercer une veille sur l'état de la planète et d'éclairer les décisions politiques. A ses côtés, un nouveau Sénat, formé pour deux tiers au moins de personnalités qualifiées - proposées, par exemple, par les organisations non gouvernementales environnementales - et pour un tiers de citoyens, aurait pour rôle d'élaborer, en amont de l'Assemblée nationale, les grands mécanismes législatifs, par exemple fiscaux, permettant de répondre aux nouveaux objectifs constitutionnels. Ce Sénat pourrait, avec l'aval de conférences de citoyens, opposer son veto aux propositions de loi contraires à ces objectifs.


Qu'attendez-vous de cet appel à une refondation politique ? Souhaitez-vous peser sur l'élection présidentielle de 2012 ?


Nous mettons des propositions sur la place publique. Elles vont être passées au crible et enrichies par un panel d'experts que nous allons mettre sur pied avec la Fondation Nicolas-Hulot. Si des responsables politiques veulent s'en emparer, tant mieux ! Notre désir est de nourrir le débat public, et la présidentielle de 2012 offre une occasion de le faire.


Propos recueillis par Pierre Le Hir.