Je reviens d’un week-end fabuleux à Cavaillon où j’ai eu la chance
de participer au Festival « Sciences et Fictions ». Il mêle conférences scientifiques et littéraires, à de magnifiques ballades de découverte de la nature du Lubéron.
Ce festival existe depuis une vingtaine d’années et est
organisé de façon admirable par Corinne Russo et Jean-Yves Casgha. Je les remercie
chaudement ici pour la convivialité de leur accueil, l’excellence et la
pluridisciplinarité des conférences (cf. le programme).
Cette année, le festival célébrait les 100 ans de la
naissance de Rémy
Chauvin, un esprit unique, qui nous a quitté en 2009 (je n’avais malheureusement jamais eu l’honneur de le rencontrer). Rémy Chauvin
était un habitué du festival de Cavaillon et tous ses amis s’étaient
déplacés pour l’occasion. Les travaux de Rémy Chauvin sur les insectes sociaux et les oiseaux sont reconnus mondialement et il est l’auteur de dizaines d’ouvrages et de
centaines de publications. C’était aussi un esprit curieux intéressé par les
événements extraordinaires. Il faisait partie du comité de rédaction de la
fameuse revue Planète de Louis Pauwels, véritable phénomène des années 60
qui faisait suite à l'inoubliable livre Le Matin des Magiciens co-écrit avec Pierre Bergier et
qui fut l’un de mes grands émerveillements littéraires.
Je vous recommande chaudement de visionner le reportage de Terre.tv (le magnifique site créé par Jean-Yves Casgha où il y a des milliers d'heures de reportage passionnants) consacré à Rémy Chauvin.
Voici un bref résumé de la partie du festival à laquelle j'ai assistée (il y avait beaucoup d'autres choses !).
Vendredi soir, j’ai participé à une table ronde avec
Bertrand Kraft (éthologue et spécialiste incontesté des araignées), et Bernardette Darchen (ethologue, spécialiste des
fourmis et des abeilles) animée
par Gilles Berhault (président du
Comité 21 et ancien président du pavillon français au sommet Rio+20). La table
ronde avait pour thème « des insectes sociaux à la conquête
spatiale » et je suis intervenu pour parler de l’inspiration fournie par
les insectes sociau dans la conception d'algorithmes mathématiques nouveaux pour
la résolution de problèmes complexes, mais surtout des applications à la
conception de nano-robots en réseau pour le secteur militaire et spatial.
Bertrand Kraft nous avait auparavant présenté un magnifique
documentaire « les arachnautes » qui nous a fait découvrir qu’il existait des
araignées « sociales » (pour moi les araignées étaient toujours des
chasseuses solitaires), qui pouvaient tisser en Guyane ou en Afrique d’immenses
toiles avec des centaines de milliers d’autres invididus. La toile sert de
moyen de communication entre les araignées et toutes les vibrations sont
analysées. Une sorte de Tree Wide Web ! En voici un extrait.
Samedi matin, j’ai donné une conférence qui me tenait à cœur
depuis très longtemps sur les thème « Quels rêves pour
l’humanité ? ». Je remercie Corinne Russo
de m’avoir alloué un créneau de deux heures mais j’avais vraiment beaucoup de
choses à dire sur ce thème :-) La salle a beaucoup réagi et nous avons même tenu au-delà du temps imparti. Après une lecture d’une sélection des extraordinaires
« rêves pour le XXIème siècle » envoyés par mes lecteurs, j’ai
dressé un rapide historique de l’évolution des sociétés humaines, des premières tribus
préhistoriques jusqu’au 21ème siècle en expliquant les moteurs et
les grands catalyseurs de cette évolution (agriculture, création des sociétés
sédentaires et hierarchisées, exploration et conquête des territoires, domination de la
nature, découverte des énergies fossiles et révolution industrielle, croissance
effreinée de la démographie et du progrès technologique...) pour parvenir au fait que
l’humanité arrivait à l’aube du 21ème siècle dans les pays
développés avec un comportement complètement inadapté à notre petite planète et
une multitude de défis à réaliser. J’ai alors essayé d’expliquer pourquoi nous
n’arrivions pas à « changer le monde » et pourquoi les grands
programmes internationaux depuis 40 ans échouaient et resteraient voués à
l’échec, s’il n’y avait pas une vision collective nouvelle et très forte, un récit qui
engendre un changement complet de paradigme (ce qui était mon principal sujet
d’étude avec ma saga Siècle bleu).
J’ai ensuite présenté le sublime documentaire
« Overview » de Guy Reid et du Planetary Collective, qui m’avaient
fait la grande amabilité de laisser présenter leur film (disponible gratuitement sur le lien ci-dessous). Merci à Lionel et Marie-Anne, membre de BLUE, le Think Tank de la communauté Siècle bleu, et qui ont passé des heures à sous-titrer le documentaire.
Dans « Overview », Guy Reid analyse la
transformation profonde qu’ont vécue les astronautes après avoir été exposés durablement à la beauté de la Terre dans l’espace. Le film est sorti pour les
40 ans de la photo « Blue Marble » prise par l’équipage d’Apollo 17, le 7 décembre 1972.
Après la projection du film, j’ai raconté l’incroyable
odyssée humaine qui a conduit à cette photo, qui, pour la
première fois de notre histoire, nous révélait le véritable visage de notre planète. D’Eratosthène, à Magellan, en
passant par Buckminster Fuller, Stewart Brand et Fred Hoyle. J’ai aussi lu
quelques extraits troublants de Phédon où Platon rapporte des visions de
Socrate qui avaient non seulement anticipé l’aspect de la Terre vue depuis l’espace,
mais surtout eu l'intuition que cette vision pourrait avoir un effet sans précédent sur l’humanité.
Pour commencer, camarade, reprit
Socrate, on dit que cette terre-là, vue d’en haut, offre l’aspect d’un ballon à
douze bandes de cuir ; elle est divisée en pièces de couleurs variées, dont les
couleurs connues chez nous, celles qu’emploient les peintres, sont comme des
échantillons. Mais, là-haut, toute la terre est diaprée de ces couleurs et de
couleurs encore bien plus éclatantes et plus pures que les nôtres.Telle partie
de cette terre est pourprée et admirable de beauté, telle autre dorée, telle autre,
qui est blanche, est plus brillante que le gypse et la neige, et il en est de
même des autres couleurs dont elle est parée, et qui sont plus nombreuses et
plus belles que celles que nous avons pu voir.
(...)
Confinés dans un creux de la terre,
nous croyons en habiter le haut, nous prenons l’air pour le ciel et nous
croyons que c’est le véritable ciel où les astres se meuvent. C’est bien là
notre état : notre faiblesse et notre lenteur nous empêchent de nous élever à
la limite de l’air ; car si quelqu’un pouvait arriver en haut de l’air, ou s’y
envoler sur des ailes, il serait comme les poissons de chez nous qui, en levant
la tête hors de la mer, voient notre monde ; il pourrait lui aussi, en levant
la tête, se donner le spectacle du monde supérieur ; et si la nature lui avait
donné la force de soutenir cette contemplation, il reconnaîtrait que c’est là
le véritable ciel, la vraie lumière et la véritable terre.
J’ai ensuite expliqué comment ma saga Siècle bleu s’était appuyée
cette même vision pour proposer une voie "qui changerait le monde". Nous avons terminé par une lecture du Manifeste pour un Siècle bleu de Paul Gardner. Des extraits de la conférence seront prochainement disponibles sur
Internet, et comme les réactions du public furent très positives, j’en
donnerais certainement d’autres sur la même question.
Le samedi après-midi, nous avons eu droit à une conférence
époustouflante de Didier Van Cauwelaert (prix Goncourt 1994 et qui fréquentât
le même lycée que votre serviteur à Nice treize ans plus tôt !) sur le
thème « Einstein et les abeilles ». Comme vous le savez certainement, Einstein aurait prononcé
la phrase : « Si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait
plus
que quatre années à vivre ». Depuis
quelques années, sa paternité einsteinienne fait débat et les lobbys
agrochimiques avancent que les défenseurs des abeilles avaient tout
inventé pour se donner une crédibilité. Et effectivement, quand on fait de rapides
recherches sur Internet, on ne trouve rien. Didier Van Cauwelaert qui était
un grand ami de Rémy Chauvin et un grand passionné des abeilles, a effectué ces
dernières années des recherches intensives et a réussi à mettre au jour une
correspondance très volumineuse entre Albert Einstein et le chevalier Karl Von Frisch,
spécialiste mondial incontesté des abeilles. Didier Van Caulewaert a donc les
preuves de cette phrase et cela sera rendu public prochainement, pour le plus
grand bonheur des apiculteurs. Ces informations sont reprises dans
son dernier roman « La femme de nos vies » sorti le 1er
mars et auront aussi un grand rôle dans le long-métrage qu’il va tourner
prochainement. Il nous a d’ailleurs raconté l’histoire de son nouveau roman,
qui a l’air génial (je l’ai acheté mais pas encore lu). Selon d’autres
recherches qu’il a effectué, certains Allemands seraient rentrés en contact
avec les Américains pour leur demander d’arrêter le projet Manhattan dont ils
étaient apparemment au courant.
Bernadette Chauvin, l’épouse de Rémy Chauvin, a ensuite
présenté de petits films très instructifs pour mettre en évidence les capacités
cognitives de certaines espèces d’oiseaux aptes à résoudre des problèmes
complexes. Didier van Cauwelaert
est intervenu pour parler aussi des étonnantes capacités d’imitation des
oiseaux, notamment de l’oiseau-lyre capable d’imiter appareils photo, tronçonneuses
ou alarmes de voiture. J’ai retrouvé les images sur un reportage de Yann
Arthus-Bertrand, c’est à peine croyable.
Pour clôturer l’après-midi, Serge Orru, qui fut jusqu’en
janvier 2013, le directeur général du WWF France, a donné une très belle
conférence sur le thème de l’économie circulaire qui a vite dérivé sur un grand
débat sur l’importance de l’amour dans la construction d’un futur pour
l’humanité !
En début de soirée, j’ai effectué une séance de dédicaces
aux côtés de l’écrivain Frédérique Deghelt dans une petite librairie de
Cavaillon. Même si nos travaux d’écrivains sont apparemment aux antipodes, nous
avons tous les deux parlé de la génése de notre « vocation »
d’écrivain et nous nous sommes trouvés de nombreux points communs. Son premier
roman « La vie d’une autre » a été adapté au cinéma par Sylvie
Testud, avec Juliette Binoche et Matthieu Kassovitz comme acteurs principaux.
Suivit ensuite un dîner avec Frédérique Deghelt et Patrice Serres. Il est
un véritable génie de la bande dessinée (il fut rédacteur en chef adjoint du journal Tintin
et aussi patron de la revue Harakiri) mais c’est
surtout une encyclopédie vivante sur une multitude de thèmes, du mandarin (il
est un sinologue renommé), aux alphabets ancestraux, en passant par les images
subliminales. Il est aussi passionné de sciences et a illustré la BD « Le
Bal des Abeilles » avec Rémy Chauvin. Les planches (qui étaient exposées)
sont incroyables de réalisme (je viens de commander la BD).
Pour finir cette longue journée, une conférence à partir de
21h de Didier Van Cauwelaert, l’anthropologue et éthologue Pascal Picq du
Collège de France (et du collège de pataphysique !) et l’irremplaçable
botaniste Jean-Marie Pelt (par téléphone, car immobilisé chez lui pour un problème de
santé). Le débat sur le thème « Quand l’intelligence vint à la
nature » fut animé par Jean-Yves Casgha. Ce fut un moment hors du commun.
Jean-Marie Pelt nous a parlé de son prochain projet de livre qui remonte aux
origines de l’Univers (quarks et bosons de Higgs) pour raconter toute
l’histoire de la vie et l’émergence de l’intelligence. Pascal Picq a lui aussi rappelé
avec de multiples exemples à l’appui que le moteur de l’évolution n’était pas
que « la loi du plus fort » mais que l’entraide et la coévolution
jouaient un rôle majeur. Didier Van Cauwelaert, qui est véritable passionné de
sciences, nous a conté deux histoires passionnantes.
- La
première concerne les punaises. Au cours des années 60, les Américains
cherchaient un moyen de se débarasser des punaises et pour cela ils
faisaient venir des spécimens enfermés pour le transport dans du papier journal. Par un curieux hasard (sérendipité), ils se rendirent compte
que les larves des punaises qui étaient emballés dans le New-York Times
mourraient avant d’atteindre l’âge adulte. Après enquête, ce n’était pas
l’encre mais le bois issu de certaines forêts du Canada infestées
de punaises, qui était responsable. Ces espèces d’arbres étaient parvenus
à secréter les hormones bloquant la croissance des larves de
punaise ! Allez expliquer cela !!
- La
seconde concerne des calmars boptal hawaiens qui chassent la nuit et qui
pour éviter l’attaque de prédateurs sous-marins les nuits de Pleine Lune,
se sont alliés à d’étonnantes bactéries bioluminescentes. Cette histoire
fabuleuse est présente dans le superbe livre « La raison du plus
faible » de Jean-Marie Pelt, paru chez Fayard en 2009. Dans l’article
ci-dessous, Jean-Marie Pelt revient en détail sur ces calmars et la
co-évolution.
Après cette conférence, nous avons bu quelques verres avec
les organisateurs et les conférenciers. Autant vous dire que les sujets de
discussion ont été ultra variés, de la magnéto-hydro-dynamique, en passant par
ITER, la démographie, la parthénogénèse, les singes dans la politique française, la définition du bout-en-train, les
OVNIS (et notamment une révélation sur l’explication réelle d’un des phénomènes
OVNI les plus fameux en France), les forces et faiblesses du modèle chinois, les techniques de parade des oiseaux
(notamment de certains oiseaux qui n’ont pas de belles plumes et qui se
couvrent d’objets colorés ou de nectars de fruits !).
Dimanche matin, après un petit-déjeuner avec le caméraman génial qui m'avait raconté toutes les histoires de la grande époque du crime organisé à Marseille, retour en TGV aux aurores vers Paris en tête-à-tête pendant 2h30 avec
Serge Orru. Discussion à bâtons rompus passionnante et passionnée. J’étais comme un jeune
padawan devant son maître jedi :-)
Donc vous l’avez compris, la nature est étonnante et nous
devons absolument la respecter et la préserver. Et si tout cela vous a
passionné, l’an prochain, venez au Festival de Cavaillon ! Un festival
absolument unique au monde par sa convivialité (le niveau des conférences est accessible à tous), sa gratuité et sa pluridisciplinarité. J’aurais aimé aussi vous parler aussi des balades
et autres expériences scientifiques en extérieur (observation des étoiles ou du
soleil), mais je n’ai pas eu le temps d’y participer ! Pour cela
renseignez-vous auprès de l’Office du Tourisme de Cavaillon (à cause des
élections municipales, le festival n’aura pas lieu mi-mars mais à un autre moment dans l'année).
Encore un immense merci à Corinne et Jean-Yves pour l'invitation, et à toute l'équipe de bénévoles pour l'organisation admirable ! C'était un honneur de pouvoir faire partie de cette docte assemblée !