dimanche 29 août 2010

La Fortune de Sila, un roman de Fabrice Humbert


Au milieu de la masse de livres de cette "rentrée littéraire" se cachent quelques pépites. Je crois que j'en ai trouvé une. Je vous ne parlerai donc pas du nouveau d'Ormesson, ni du nouveau Nothomb mais du nouveau roman de Fabrice Humbert : La Fortune de Sila, paru le 19 août 2010 aux Editions Le Passage. Je l'ai lu avec avidité en deux nuits de vacances. Ce livre puissant a pour moi toutes les vertus de ce que devrait être un roman au XXIème siècle : il est très bien écrit (l'auteur enseigne le français dans l'un des meilleurs lycées de la région parisienne), on vibre avec les personnages, et il nous fait (beaucoup) réfléchir. La Fortune de Sila est en effet un livre très bien documenté mais c'est surtout le regard du romancier sur notre société et sur les Hommes qui donne à ce livre toute sa perspicacité. De nombreux thèmes évoqués dans ce livre sont d'ailleurs proches des idées développées dans Siècle bleu et sur ce blog, avec un regard différent, donc complémentaire.


L'intrigue du roman s'articule autour de Sila, un clandestin africain qui fuit la misère de son pays pour s'établir en France où ses talents lui permettront de devenir serveur dans l'un des meilleurs restaurants de Paris. Dans ce restaurant, un riche américain, spécialiste des prêts immobiliers aux familles défavorisées (les fameuses "subprimes"), lui casse le nez sous l'oeil d'un oligarque russe et de deux jeunes français dont l'un vient fêter son embauche chez Goldman Sachs. Devant cet acte gratuit et violent, aucun ne réagit. Cette passivité marquera pour chacun des personnages leur entrée dans la barbarie, dans l'inhumain, et sera le début d'une longue descente aux enfers. Fabrice Humbert, à travers la trajectoire de ces 4 personnages, pointe ce moment charnière où la vie d'un humain bascule du côté du héros ou de celui du monstre (j'ai longuement développé cette idée dans le post "La ligne de partage entre le bien et le mal"). L'indifférence est un premier pas vers la compromission, et elle même un premier pas vers la monstruosité.


Fabrice Humbert nous donne évidemment les clés historiques et économiques pour comprendre la crise des subprimes, la genèse des oligarques (qui ont réussi sous l'ère Eltsine le plus grand pillage de l'histoire de l'humanité) et l'avidité sans limites des grandes banques, mais il nous permet surtout de les appréhender par le prisme de ses personnages. C'est là que ce livre est vraiment puissant car le développement exponentiel de chacun de ces trois Golem, est lié aux choix d'êtres humains qui, en raison de leurs faiblesses, ont entraîné l'humanité au bord du précipice. Le roman permet de donner une clé de lecture (mais pas de solution malheureusement) à ces événements, clé de lecture qui serait inaccessible à l'essai. L'écueil aurait été de tomber dans la caricature de ces personnages (et de nombreux romans qui se sont intéressés à ces problématiques se sont brisés sur cet écueil), mais comme en aucun cas Fabrice Humbert ne juge, il se borne à décrire leur fonctionnement psychologique (et leurs douleurs) et il s'en sort donc à merveille. Le résultat n'en est que plus accablant pour les protagonistes.


Quelques morceaux choisis en guise de mise en bouche :


Toute société, en ses origines, est dirigée par des voleurs et des criminels, qui s'imposent dans un monde sans loi, et ce n'est qu'ensuite, par le gauchissement de l'épopée et de la mémoire, que les criminels deviennent de grands hommes. Les seigneurs du Moyen-Âge furent des pilleurs sauvages, comme l'avaient été les premiers Grecs et les premiers Romains. De même que les millionnaires du XIXe siècle américain furent des bandits érigeant leur fortune d'acier et de pétrole dans le vol et le chantage avant de se refaire une morale dans de belles fondations artistiques et citoyennes dont leurs descendants s'enorgueillissent, Lev appartient à une époque sauvage où les criminels et les voleurs arrachèrent les meilleurs morceaux de la dépouille impériale. (p. 41)


Des chercheurs et des écrivains ont également analysé le lent cheminent du Mal, dans sa banalité, altérant peu à peu un homme tout à fait ordinaire. (p. 49).


Dans l'édifice éternel du mariage, la faille béante de la violence venait de s'ouvrir. (p. 127).


Ce livre ne plaira certes pas à tout le monde (mais faut-il qu'un livre plaise à tout le monde ?) car il traite de problématiques a priori austères, mais je suis certain qu'il trouvera un large public car la manière de les aborder est audacieuse. Fabrice Humbert avait signé l'an dernier L'Origine de la violence, un roman épatant qui nous menait sur les traces d'un jeune professeur de français qui découvrait, lors d'un déplacement avec sa classe à Büchenwald, qu'un des prisonniers ressemblait à son père. A travers la quête de son véritable grand-père, le professeur découvre l'origine de la violence qui le ronge depuis sa naissance. La Fortune de Sila aurait également pu s'appeler "l'origine de la violence contemporaine". On lui souhaite en tout cas le même succès (L'Origine de la violence a remporté le prix Orange ainsi que le prix des Grandes Ecoles).

samedi 14 août 2010

Dérèglements climatiques, impasse politique

Cet éditorial du Monde en date d'hier, vient tristement compléter le post du mois d'avril : "L'environnement, ça commence à bien faire". Le combat pour la sauvegarde de notre environnement recule dans la liste des priorités politiques. Ce sera très dur pour les nouveaux Sisyphe de gravir à nouveau la montagne. Mais la résignation n'est pas un choix : il faut continuer à pousser, peut-être différemment.

Dérèglements climatiques, impasse politique

12.08.10 | 14h56 • Le Monde • Mis à jour le 12.08.10 | 14h56


Le contraste est saisissant. Il y a un an, la lutte contre les effets alarmants du réchauffement climatique mobilisait toutes les énergies. L'avenir de la planète est en jeu, martelaient les principaux responsables de la communauté internationale, qui préparaient, alors, le sommet organisé par l'ONU à Copenhague en décembre 2009. Aujourd'hui, et après l'échec de ce sommet, l'enjeu climatique semble avoir disparu de l'agenda politique mondial.


Un paradoxe d'autant plus étonnant que les catastrophes naturelles se multiplient depuis quelques semaines. La canicule et les incendies en Russie, les inondations record au Pakistan, en Inde et en Chine, la sécheresse et la crise alimentaire au Niger, témoignent pourtant de dérèglements dramatiques.

La réunion internationale sur le climat à Bonn, du 2 au 6 août, avant-dernière session de préparation à la Conférence de Cancun, au Mexique, en décembre, a pourtant été marquée par davantage de reculs que d'avancées, au point de remettre en question les rares acquis de Copenhague. "Il se peut que nous ne soyons pas en mesure de parvenir à un accord global et contraignant à Cancun", a admis le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, lundi 9 août.

Concentrés sur la défense de leurs intérêts nationaux, les négociateurs du Nord comme ceux du Sud ont compliqué à l'envi le texte censé faciliter les négociations, compromettant les chances d'aboutir à un accord. Le principal objectif fixé est connu : limiter le réchauffement à 2 °C. Pour y parvenir, les pays industrialisés doivent avoir ramené, en 2020, leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 % à 40 % en deçà de leur niveau de 1990.

Or, à dix ans de l'échéance, le compte n'y est pas. Loin s'en faut. Les engagements mis à ce jour sur la table par les pays industrialisés permettront au mieux une baisse des rejets de CO2 de 14 % à 18 %. Même modestes, ces objectifs resteront lettre morte sans une très forte volonté politique. La France, par exemple, malgré un plan climat parmi les plus volontaristes, n'a pu que stabiliser ses émissions depuis 1990, sans parvenir à les réduire, comme vient de le révéler le commissariat général au développement durable.

Les pays émergents et en développement font d'un engagement plus ambitieux des pays industrialisés un préalable pour avancer vers un accord. Comment les en blâmer, alors qu'ils supportent l'essentiel des effets du réchauffement et que les pays du Nord leur demandent de ne pas suivre leur modèle de croissance énergivore ?

Un autre élément manque pour débloquer la situation : l'argent. Oubliant l'engagement pris à Copenhague, les pays industrialisés, tout à leur maîtrise des finances publiques, tardent à verser à ceux du Sud les 30 milliards de dollars promis d'ici à 2012 pour les aider à s'adapter aux effets du réchauffement - une somme censée atteindre 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 !

Il ne reste que trois mois avant la Conférence de Cancun. Trois mois pour remettre le climat au premier rang des priorités et éviter un nouveau Copenhague.

dimanche 8 août 2010

Interviews RFI et RTL



Ecoutez les nouvelles interviews radio : RFI (8 août) et RTL (5 août).
  • L'interview (20 minutes) sur RFI, sur l'émission Micromega de Jean-Yves Casgha, dans une série d'été consacrée aux visionnaires (8 août 2010).
  • L'interview sur RTL, Le grand forum de l'été d'Isabelle Brès, consacré à l'écologie avec également comme invitée Gaëlle Guérive du WWF. Sautez directement à la 36ème minute, le début étant consacré à un autre thème (4 août 2010).
Retrouvez toutes les autres interviews (BFM Radio, Radio Aligre, ...) et les critiques sur www.sieclebleu.org.