samedi 21 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Les baobabs (7/7)



Voici le septième et dernier volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée dimanche. Bonne lecture ! N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires et à faire suivre ces textes.


Les Baobabs

Pendant ce temps-là, sur l'astéroïde B612…

Comme à son habitude chaque matin, le petit prince fait soigneusement la toilette de sa planète. Il s'attache tout particulièrement à arracher les baobabs dès qu'il peut les distinguer des rosiers auxquels ils ressemblent quand ils sont très jeunes. C'est un travail très ennuyeux, mais très facile. Juste une question de discipline. Le danger des baobabs est peu connu, et les risques courus par celui qui s'égarerait sur un astéroïde sont considérables, nous répète-t-il.
Le petit prince nous met également en garde : « il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail. Mais, s’il s’agit des baobabs, c’est toujours une catastrophe. J’ai connu une planète, habitée par des paresseux. Il avait négligé trois arbustes… ». Cette planète était sûrement la nôtre. Nous avons laissé pousser de nombreux baobabs et ils risquent de nous asphyxier.
Saint-Exupéry nous dit plus loin : « Pourquoi n’y a-t-il pas, dans ce livre, d’autres dessins aussi grandioses que le dessin des baobabs ? La réponse est bien simple : J’ai essayé mais je n’ai pas pu réussir. Quand j’ai dessiné les baobabs, j’ai été animé par le sentiment de l’urgence ». Il est temps que l’humanité se réveille et commence à se comporter comme l'intendant de sa petite planète.
La clé est dans les baobabs. Chaque matin il faut les arracher.

vendredi 20 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Le petit point bleu pâle (6/7)

Voici le sixième et avant-dernier volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée dimanche. Bonne lecture.
Le petit point bleu pâle.
Voyager 1, alentours de Neptune, 6 Juin 1990.

Le portrait de Gaïa ramené par les astronautes de la mission Apollo nous a permis de comprendre notre place sur la Terre. Un autre cliché va nous aider à comprendre la place du phénomène humain dans le Cosmos. Celui-ci est dû, comme souvent, à l’engagement d'un seul homme, un des derniers grands rêveurs et penseurs du vingtième siècle, Carl Sagan. Il a participé à la plupart les grands programmes d'exploration spatiale et de recherche de la vie hors de la Terre. Notamment il fut le responsable du programme Voyager dont le but était d'inspecter les planètes du système solaire.

Suite à des demandes répétées de Sagan pendant plusieurs années auprès de la NASA, Voyager 1 a réalisé une manœuvre originale. Au moment où la sonde finissait son long périple et allait lentement s'égarer dans l'infinité du Cosmos, elle s’est retournée et a pris un cliché de chacune des planètes du système solaire. Sur le cliché visant la Terre, celle-ci était difficilement distinguable, un petit point bleu pâle à peine plus grand qu'un pixel au milieu de l'immensité étoilée (au milieu de la raie sur la droite de l'image ci-dessus). Ce petit point bleu pâle, c'est notre maison, la seule que nous ayons jamais connue, le berceau de l'humanité. C'est sur ce petit point qu'ont vécu nos parents, grand-parents, arrière-arrière grand-parents et tous ceux que l'on a connus ou pas connus. C'est sur ce petit point qu'ont vécus les plus grands hommes et femmes Platon, Newton, Mozart, Marie Curie, De Vinci, Millet, Baudelaire, Gandhi, Saint-Exupéry, Cousteau, Mère Theresa et les plus perfides d'Attila à Adolf Hitler. Il résume la condition de l'homme, pris au piège entre les trois infinis qu’avaient décrits Teilhard de Chardin : l'infiniment petit, l'infiniment grand et l'infiniment complexe.

Ce cliché, en relativisant notre situation, permet de réaliser l'absurdité des conflits, de la folie industrielle et de la société de consommation. A quoi bon dominer une fraction de ce petit point ? L'Humanité devrait s’efforcer de chérir son berceau et d’en faire un paradis au lieu de le détruire. Autour il n'y a pas de mondes aussi accueillants ou alors certainement pas accessibles dans un futur proche. Plus tard quand notre technologie nous le permettra, nous pourrons envisager de vivre ailleurs, mais pour l’instant notre unique choix, c’est d’apprendre à vivre durablement sur notre petit monde.

jeudi 19 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Veiller sur Gaïa (5/7)

Voici le cinquième volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée dimanche. Bonne lecture.

Guérir Gaïa


Point de Lagrange L1, 2001.


Ayant pris conscience de la petitesse de leur planète et de l'interconnexion entre les différents constituants de la biosphère, les Hommes ont soudain réalisé à quel point la Terre était un système fragile. Pour la première fois de leur histoire, les Hommes ont soupçonné que leur activité industrielle et leur accroissement démographique irraisonnés pouvaient avoir un impact global. D'immenses programmes de recherches ont alors été mis en branle afin de mesurer l'impact de l'Homme sur la Nature. Les conclusions qui se dégagèrent de ces travaux furent toutes alarmantes : réchauffement global, apparition d'un trou dans la couche d'ozone, pollution de la quasi-totalité des réserves d'eau douce, des mers, de l'air, déforestation, diminution de la biodiversité à un rythme sans précédent...


Gaïa était vraiment malade et elle nous a envoyé son portrait juste à temps pour être sauvée. Il allait falloir changer pour survivre sur cette petite planète. Le défi qui est posé à l'Humanité est unique et n'a pas de précédent dans l'histoire mouvementée de notre espèce. C'est un changement de paradigme qui s'impose, une redéfinition de la notion de développement et de progrès, contraire à celle qui s'est inscrite dans nos gènes. L'homme était bien démuni à l'annonce de cette nouvelle. Aucun écrit ancien, aucun sage de l'Antiquité ou moderne n'avait anticipé cette situation dramatique et les outils du changement (technique, sociologique et philosophique) allaient devoir être crées de toutes pièces. Il aurait été plus simple d'écouter, il y a bien longtemps, les représentants des traditions primordiales, Indiens d'Amérique, Shuars d'Amazonie, Aborigènes d'Australie, mais l'Histoire en avait décidé autrement.


Les décideurs ne purent plus nier l'évidence, l'environnement était une affaire sérieuse. Le premier pas vers un consensus international fut accompli en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio. Un agenda du changement fut établi et la notion de développement durable définie. La mise en application était évidemment beaucoup plus difficile comme l'a montré la difficile négociation de Kyoto en 1997. Les notions de capital naturel et de valorisation du long terme n'étant pas prises en compte dans notre économie de l'instantané, l'application des mesures de Rio allait à l'encontre du système économique occidental qui gouverne l'activité des Hommes. Néanmoins cela changera nécessairement car l'économie ne peut pas ignorer l'avenir des Hommes. Montrons que nous sommes plus clairvoyants que les prêtres Pascuans.


Afin de guérir Gaia, les Hommes sont en train de mettre en place un gigantesque système d'observation. Une constellation de capteurs sur Terre et de satellites en orbite pour mesurer en tout point, à tout instant, l'ensemble des paramètres vitaux de Gaïa : le Earth Observation System. Grâce à ce système, les Hommes pourront mesurer les progrès accomplis et l'amélioration de la santé de Gaïa. Le joyau central de ce système avait été imaginé par le vice-président Al Gore lors d’un rêve à l’été 1998 et devait être symboliquement lancé en décembre 2000, juste avant le « véritable » commencement du vingt-et-unième siècle. Le Congrès, passé sous la houlette républicaine, est malheureusement parvenu à faire enterrer cette mission utopique.



Si vous êtes dans l'Espace et que vous observez Gaïa, vous verrez sûrement un croissant bleu. De manière à voir Gaïa dans son intégralité, il vous faut être sur l'axe qui joint la Terre au Soleil. Compte tenu des forces de gravitation, il est quasiment impossible de rester constamment sur cet axe. Il existe cependant un point dans notre système solaire d'ou l'on peut admirer Gaïa dans sa totalité presque sans efforts : le point de Lagrange L1. Situé à 1.5 millions de kilomètres de la Terre, L1 est un des cinq points du système solaire où les forces d'attraction entre la Terre et le Soleil s'équilibrent et permettent à un troisième corps de se joindre à leur ballet cosmique. Le diamant du Earth Observation System aurait dû venir orbiter autour de L1. Cette image éternelle de la Terre entière aurait dû être retransmise sur une chaîne de télévision dédiée et sur Internet.


La sonde imaginée par Al Gore avait été baptisée Triana, en hommage à Rodrigo de Triana, le compagnon de Christophe Colomb qui fut le premier à apercevoir le Nouveau Continent en 1492 du haut du mât de La Pinta. Peut-être qu’un jour Triana partira quand même vers L1 et verra Gaïa sourire à nouveau.


mercredi 18 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Le portrait de Gaïa (4/7)

Voici le quatrième volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée dimanche. Bonne lecture.

Le Portrait de Gaïa.

Apollo 8, entre la Terre et la Lune, 1968.

Depuis Magellan, beaucoup de choses se sont passées. L'Homme a découvert les lois de la gravitation, la théorie de l'évolution, la nature chaotique du psyché, le Big Bang et la structure en double hélice de l'ADN. Il a créé la machine à vapeur, le chemin de fer, le téléphone, les antibiotiques, l'avion, l'automobile, le plastique, les décharges publiques, le génocide au zyklon B, la bombe atomique, la déclaration des droits de l'Homme, le LSD, la télévision, les mégalopoles et le transistor. Mais il a surtout engagé l’exploration de l'Espace et il en a ramé quelque chose auquel il ne songeait pas du tout : le portrait de Gaïa.

Une des expériences les plus intenses offerte à l'Homme fut de pouvoir contempler la Terre depuis l'Espace. Les quelques centaines d'humains qui ont eu la chance de passer quelques jours en orbite autour de notre planète sont revenus bouleversés par ce spectacle. Ces astronautes étaient partis techniciens, pilotes, soldats, les voilà transformés à jamais en poètes. De là-haut, ils ont vu ce qu'aucun autre n'avait vu et compris le message que toutes les religions et traditions humaines s’étaient évertuées à faire comprendre. Et ce, quel que soit leur pays d’origine.


Je crois que même les plus savants des philosophes de la Renaissance et les plus audacieux esprits du passé n'auraient jamais pu estimer la taille réelle de notre planète. Longtemps, elle avait paru immense, presque infinie. C'est seulement à partir du milieu de notre siècle que l'homme, s'étant rendu dans l'espace au-dessus de la Terre, a pu se rendre compte avec surprise et incrédulité combien la Terre est en fait petite. D'aucuns ont vu en elle une île flottant dans l'infini de la création ; d'autres l'ont comparée à un vaisseau spatial peuplé d'un équipage de plus de six milliards d'hommes.

Pavel Popovitch. Ex-Union Soviétique.


J’aurais souhaité, après mon retour, que les gens me demandent comment c’était là-haut, comment je m’étais associé) cette noire brillance du monde et quelle impression cela m’avait fait d’être comme une étoile tournant tout autour de la Terre.

Reinhard Furrer – République Fédérale d’Allemagne


Je voyais la Terre depuis l’espace, si belle depuis qu’avaient disparu les cicatrices des frontières nationales.

Mohammed Ahmed Faris – Syrie.


Une petite orange bleue, tiède, vivante, fragile et seule dans l'immensité lugubre du cosmos, telle est notre demeure. Elle est un Tout dont chacune des parties est interconnectée. Chaque espèce animale et végétale, chaque bactérie, chaque minéral, chaque cellule. De là-haut, pas de frontières, pas de cicatrices balafrant son visage, juste sa beauté majestueuse que nous devons préserver à tout prix.


Quand en 1968, au retour de la mission Apollo 8, les astronautes dévoilent au public le premier cliché de Gaïa pris depuis l’espace, les hommes s'arrêtent enfin, la regardent et l’admirent. La course folle de la guerre froide apportait un miroir à Gaïa, qui put enfin se contempler à travers le regard des Hommes. Une révélation qui arrivait au moment même où l’humanité commençait à se sentir menacée. Cette photo fera le tour de la Terre et, contrairement aux exploits d’Erastothène ou de Magellan, cette fois-ci le symbole était compréhensible par tous. Le premier Earth Day suivit très rapidement en 1970, l'hypothèse Gaia fut émise par James Lovelock et les courants écologiques démarrèrent dans le monde entier pour tâcher de rétablir le contrat rompu entre l'Homme et la Nature. L'Homme venait de découvrir qu'il était l'intendant d'une petite planète et qu'il allait devoir agir en conséquence s'il voulait que la Terre reste humaine.

Ce portrait de Gaïa, il ne nous lâchera pas.


mardi 17 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Circumnavigation (3/7)


Voici le troisième volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée avant-hier. Bonne lecture.
Circumnavigation

Séville, 1522.


Malgré son caractère exceptionnel, la découverte d'Eratosthène n'eut quasiment aucun impact sur le mode de vie des humains, même érudits. Ils étaient bien trop occupés à subvenir à leurs besoins et à survivre dans un monde encore politiquement chaotique. Sans doute aussi, la découverte d'Eratosthène était trop abstraite pour changer quoi que ce soit.

Les premiers à en avoir véritablement saisi l'importance et les conséquences furent les souverains et les marchands. Attisées par les dimensions finalement modestes du monde, les grandes puissances se sont lancées dans la plus ample campagne d'invasion, d'exploration jamais entreprise. L’objectif était d'asseoir le plus rapidement leur suprématie commerciale, militaire et religieuse sur la plus grande partie possible du globe. Chinois ou Perses, Romains ou Vénitiens, Espagnols ou Néerlandais, Français ou Anglais, tous tentèrent leur chance.

Les innovations techniques dans le domaine de la navigation et de la cartographie permirent la découverte de nouveaux continents, la description de rivages inconnus, mais aussi de répertorier puis de décimer une multitude de peuplades et d’espèces. L'assemblage du puzzle avançait à grands pas, mais néanmoins la pièce maîtresse manquait toujours, celle qui permettrait de véritablement circonscrire le terrain de jeu.

Ce sont les dix-huit survivants de l'équipage de la Victoria qui ramenèrent le Graal. Alors que tout le monde les croyait perdus, ils remontaient glorieusement le Guadalquivir en direction de Séville. Epuisés par trois années d'errance et de souffrance, sous les ordres de ce fou illuminé qu’était Magellan, ils étaient les premiers à avoir effectué le tour de la planète, la fameuse circumnavigation. Le monde était donc bien fini et toutes les mers n'étaient qu'une seule et même mer. Après ce jour, plus rien ne sera jamais pareil. Désormais la Terre était un domaine nettement délimité et l'humanité avait conquis ce domaine.

L'enthousiasme qui accompagna la nouvelle fut général, mais pour la majorité des Hommes la Terre demeurait toujours gigantesque. Il faudra plus de quatre autres siècles de course industrielle, technologique et militaire folle pour apporter la preuve irréfutable, celle qui pouvait potentiellement conduire l’Humanité vers la Sagesse.

lundi 16 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Un puzzle finalement petit (2/7)

Deuxième volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" commencée hier. Bonne lecture.


Un puzzle finalement petit

Alexandrie, 276 années avant notre ère.


L'Homme n'a pris conscience que récemment de la finitude des dimensions et des ressources de notre planète.


Pendant deux millions d'années, les humains ont parcouru la planète à la recherche de zones hospitalières offrant les ressources et les abris nécessaires à leur survie. Cette longue errance les a mené de l’Afrique aux quatre coins du globe. Pour chacune des hordes isolées de notre étrange espèce le monde paraissait sans limites. Ou plus exactement limité par la zone que les hommes pouvaient couvrir à pieds durant leur courte existence. Les campagnes d'exploration étaient rapidement oubliées et l'expérience acquise souvent anéantie lors des conflits entre hordes. Les différentes pièces du puzzle ne pouvaient pas s'assembler. La connaissance du milieu étant d'une importance stratégique pour leur survie, les premiers humains ont dû faire preuve d'imagination pour lutter contre l'oubli. C'est sûrement ce besoin qui motiva le développement du langage et plus généralement des traditions et de l'art (musique, chant, danse, peinture) pour la transmission et la conservation de l'expérience acquise, supports abstraits et virtuels et non plus génétiques. C'était le début de la Culture et de l'Histoire, le commencement de la Grande Epopée Humaine.


Le développement des techniques d'agriculture et d'élevage permit la sédentarisation de l'Homme et l'émergence de centres culturels et de civilisation. La connaissance précise du milieu faisait partie des richesses les plus précieuses de ces groupes : topologie, réserves d'eau et de nourriture, refuges des bêtes féroces, localisation des centres humains proches... Ces informations étaient transmises de génération en génération par voie orale, écrite ou de manière plus sophistiquée par des nombres et des cartes. Les premiers morceaux du puzzle s'assemblaient enfin.


Lors des conflits entre civilisations, l'obtention de ces données était stratégique. Sans elles impossible de régner. A chaque conquête ces données collectées et précieusement gardées changeaient de mains. L'assemblage du grande puzzle avançait. Au troisième siècle avant notre ère, un saut quantique dans la connaissance du puzzle fut accompli par Eratosthène. Géomètre et troisième conservateur de la monumentale bibliothèque d'Alexandrie, il fut un jour intrigué par de curieux rouleaux de papyrus. Le manuscrit expliquait qu'au solstice d'été un bâton planté dans la terre à Assouan (Syène à l'époque) n'avait pas d'ombre portée. Or la même expérience menée à Alexandrie par Eratosthène donnait une ombre. Par un simple calcul de trigonométrie, Eratosthène en vint à la conclusion époustouflante que la Terre était sphérique et finie et que sa circonférence avoisinait à peine les quarante mille kilomètres.


Jamais notre planète ne s'était trouvée aussi petite. Il allait pourtant falloir au moins deux autres millénaires pour en convaincre les Hommes.

dimanche 15 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Un dimanche de Pâques (1/7)

Cette semaine, je vous propose de découvrir chaque jour un des textes que j'avais écrits en 2000 à Chicago pour la célébration du Earth Day (Jour de la Terre). J'avais baptisé cette série de sept textes "Le Siècle bleu" avec l'espoir que le siècle qui venait juste de démarrer serait celui de la réconciliation des Hommes entre eux et aussi des Hommes avec la Nature... Depuis cette idée a continué à me hanter, j'ai poursuivi mes recherches pendant des années et Le Siècle bleu est devenu un roman - un thriller écologique - de 400 pages (écriture terminée fin 2008), qui verra peut-être bientôt le jour (si je trouve un éditeur ! Si d'ailleurs ce blog vous plaît et que vous avez des contacts dans ce milieu, n'hésitez pas à me contacter...).

En tout cas, vous découvrirez à travers ces textes pourquoi la prise de conscience environnementale est pour moi si étroitement liée à l'exploration spatiale, qui est peut-être la voie qui nous permettra enfin de réaliser que nous vivons dans un monde fini.

Voici donc le premier volet de cette série (à l'époque, EDF ne s'était pas encore emparé de ce mythe de l'île de Pâques que j'avais découvert en lisant Le Tour du monde d'un écologiste de Jean-Marie Pelt... depuis il y a surtout eu un chapitre magistral sur l'île de Pâques dans Effondrement de Jared Diamond).



Un dimanche de Pâques.

Ile de Pâques, 5 avril 1722.

En cette soirée du dimanche de Pâques, l'Amiral hollandais Jacob Roggeveen et son équipage accostent sur l'île qui gardera pour nom le jour de sa découverte. Les étranges statues géantes dressées sur les rivages de l'île désertique paraissent être l'œuvre d'une civilisation avancée mais les indigènes qu'ils rencontrent ne semblent pas pouvoir être les auteurs de telles merveilles. Il faudra plusieurs siècles pour percer les mystères de l'île la plus isolée de la planète. Située à quatre mille kilomètres des côtes chiliennes et de Tahiti et à deux mille kilomètres de l'île la plus proche, elle est littéralement perdue dans l'immensité de l'Océan Pacifique.


L'île fut colonisée pour la première fois au cinquième siècle de notre ère par une tribu polynésienne sillonnant le Pacifique. A leur arrivée, l'île vierge possédait une végétation et des ressources en abondance. Comme il n'était de toutes façons pas envisageable de repartir, les polynésiens s'y installèrent et rapidement l'étonnante civilisation des statues moaï prit son essor. Les habitants étaient répartis alors en trois castes : les paysans, les sculpteurs et les prêtres. Compte tenu des dimensions confortables de l'île et des ressources disponibles, les membres des différentes castes vécurent en bon ménage et la population s'accrût de manière régulière. On estime que de la cinquantaine d'arrivants initiaux, la population s'éleva jusqu'à plus de dix mille habitants au dix-septième siècle. Ce développement florissant ne se fit malheureusement pas en harmonie avec les ressources naturelles de l'île. La totalité des arbres de l'île fut abattue pour permettre l'acheminement des massives statues jusqu'au rivage, les sols dénudés furent lessivés par les pluies et il devint un jour impossible de nourrir la totalité de la population. L'absence totale d'arbres rendait impossible la construction d'embarcations et donc la fuite vers de nouveaux rivages. A l'apogée de leur civilisation, les Pascuans, prisonniers au milieu du Pacifique, venait de signer aveuglement leur arrêt de mort et celui des générations futures. Des luttes terribles explosèrent entre les paysans et les gardiens du culte moaï qui finirent par s'entre-dévorer. Le déclin total de la civilisation pascuane s'en suivit. Les statues dressées furent tour à tour couchées par les survivants souhaitant effacer cette civilisation absurde de leur mémoire. De la nature florissante, il ne restait plus qu'une île désolée. Les Pascuans étaient les premiers à comprendre la difficulté de vivre et de se développer dans un monde fini duquel on ne peut s'échapper.


Crédits Photographiques : Nathan Nelson et Magical World.

Le passé ne reviendra pas

Je vous soumets un article remarquable du journal Le Monde signé par Hervé Kempf. A lire, et à méditer. Les remèdes à la crise proposés par les différents Etats n'ont pour seul objectif que de revenir au "monde d'avant", alors que justement l'Humanité a une extraordinaire opportunité pour inventer un monde nouveau. Où sont passés les philosophes, les politiques et les sociologues, qui pourraient inventer une société capable de vivre dans un monde fini ? Pourtant les idées sont là, dans les ONG, dans la blogosphère, il faut juste les mettre en musique. Le salut viendra donc sûrement de la société civile (et non pas des supposées "élites") qui proposera elle-même les moyens de s'en sortir. Il existe en effet une myriade de mouvements (comme l'association WorldChanging aux Etats-Unis, la revue Nouvelles Clés en France ou la Revue Durable en Suisse) qui réfléchissent à ce nouveau futur qui ne ressemblera pas au passé. L'Humanité doit entamer sa mutation. Nous devons passer du statut de "passager" du vaisseau Terre au statut d'intendant.

Le passé ne reviendra pas, par Hervé Kempf

LE MONDE | 14.02.09 |

Attention, le discours qui suit est radicalement contraire au discours dominant. Respirez...

Trois idées :

1. La crise économique est une bonne nouvelle. Imaginez ce qui serait arrivé si le produit intérieur brut (PIB) de la Chine avait continué à croître de 10 % l'an, celui des Etats-Unis de 5 %, celui de l'Europe de 2,5 %. Les émissions de gaz à effet de serre auraient rapidement atteint le seuil faisant basculer dans l'irréparable le changement climatique ; l'effondrement de la biodiversité se serait accéléré, précipitant la société humaine dans un chaos indescriptible. En stoppant cette croissance folle du PIB mondial, la "crise économique" permet d'atténuer les assauts de l'humanité sur la biosphère, de gagner du temps et de réfléchir à notre réorientation.

2. La crise, sinon son moment, était prévisible pour les Etats-Unis mais aussi pour la Chine. L'auteur de ces lignes écrivait en 2006 : "Nous sommes entrés dans un état de crise écologique durable et planétaire. Elle devrait se traduire par un ébranlement prochain du système économique mondial. Les amorces possibles pourraient s'allumer dans l'économie arrivant à la saturation et se heurtant aux limites de la biosphère : un arrêt de la croissance de l'économie américaine, minée par ses trois déficits géants, de la balance commerciale, du budget, de l'endettement interne. Comme un toxicomane qui ne tient debout qu'à coups de doses répétées, les Etats-Unis, drogués de surconsommation, titubent avant l'affaissement ; un fort freinage de la croissance chinoise, sachant qu'il est impossible qu'elle tienne durablement un rythme de croissance annuel très élevé. Depuis 1978, la Chine a connu une croissance annuelle de son économie de 9,4 %. Le Japon est un précédent à ne pas oublier : vingt ans de croissance stupéfiante, puis l'entrée en stagnation durable au début des années 1990." Veuillez pardonner ce rappel. Il ne vise qu'à asseoir le pronostic que voici : l'économie mondiale ne "repartira" pas comme avant, la croissance mondiale du PIB ne reviendra pas à 5 %, l'expansion très rapide de la Chine et de l'Inde est finie. Il nous faut dessiner un monde nouveau, une autre économie, une autre société, inspirés par l'écologie, la justice et le souci du bien commun.

3. Que faire ? Arrêter de singer Keynes et de se croire en 1929 quand on est en 2009 : la dépense, l'endettement, l'inflation, ne sont pas la solution. Replâtrer l'édifice ne réparera pas des fondations ruinées. Il importe au contraire d'opérer une redistribution de la richesse collective en direction des pauvres ; l'outil pourrait en être le revenu maximal admissible (RMA). La réduction de l'inégalité aidera aussi à changer le modèle culturel de surconsommation, et rendra supportables les baisses nécessaires et inéluctables de la consommation matérielle et de la consommation d'énergie dans les pays riches. Autre exigence : orienter l'activité humaine vers les domaines à faible impact écologique, mais créateurs d'emploi, et où les besoins sont immenses : santé, éducation, culture, énergie économe, agriculture, transports collectifs, nature.

Facile ? Non. Mais plus réaliste que de croire possible le retour à l'ordre ancien, celui d'avant 2007.

samedi 14 février 2009

Siècle bleu : le roman



Ci-dessous la 4ème de couverture de Siècle bleu.

L’organisation écologiste Gaïa est prête à tout pour sauver la planète et l’humanité. Ses membres multiplient les opérations spectaculaires et inquiètent le gouvernement américain.
Dans la lutte sans merci entre les États-Unis et la Chine pour mettre la main sur un nouvel eldorado, Washington se sert d’Abel, le leader charismatique de Gaïa, comme bouc émissaire.
Il devient l’ennemi public n°1 et n’a pas d’autre choix que de découvrir la vérité. Vérité qui pourrait faire basculer le monde dans l’apocalypse… Ou au contraire, l’entraîner vers un futur plus harmonieux.
Complots, chamanisme, conquête de la Lune, codes secrets, mais aussi espoir et utopie… De l’Arizona à l’atoll de Diego Garcia, du Mont Fuji jusqu’au golfe du Tonkin, Siècle bleu est un thriller écologique résolument visionnaire, mais surtout un grand roman d’aventures !
Siècle bleu, le premier tome d’une saga qui interroge notre époque.
Sortie en librairie le 22 avril 2010.

De nombreuses informations sur le roman sur www.sieclebleu.org

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jeudi 12 février 2009

Débris spatiaux et radioastronomie

Un événement rarissime vient de se produire en orbite terrestre : le satellite de communication américain Iridium 33 a percuté le satellite de communication russe Kosmos-2251 à 780 kilomètres au-dessus de nos têtes. Il s'agit d'un simple accident (unique dans l'histoire de l'aéronautique) mais celui-ci a quand même créé un nombre très important de débris spatiaux qui pourraient percuter d'autres satellites de communication (à cette vitesse même un boulon peut avoir une action destructrice) et peut-être même entrer en collision avec la station spatiale internationale qui se trouve 400 kilomètres plus bas. On attend les bilans exacts des différentes agences spatiales.
Cet accident rappellera à tout le monde les risques que font peser les débris spatiaux, à nos satellites et à nos astronautes. Il fera peut-être aussi prendre conscience aux Etats-Unis et aux Chinois qu'il faut éviter à tout prix un conflit spatial. Il y a deux ans les Chinois et les Américains avaient chacun détruit l'un de leurs satellites obsolètes pour faire la démonstration de leurs armes anti-satellites. Ces deux essais avaient eux aussi créer des centaines de milliers de débris spatiaux. L'administration Obama semble avoir une attitude plus ouverte que la précédente, reste maintenant à voir l'attitude des Chinois qui ont intérêt à malmener la domination spatiale des Américains.


Si un conflit spatial voyait le jour, les orbites basses de l'atmosphère seraient tellement "polluées" qu'il serait probablement impossible à l'Homme de retourner dans l'atmosphère pendant des décennies voire des siècles, mettant fin ainsi à une splendide épopée commencée deux millions d'année plus tôt en Afrique.


Pour finir, il faut dire un mot d'Iridium. Cette constellation de satellites avait été lancée dans les années 90 par Motorola pour couvrir l'ensemble du globe et notamment les zones les plus reculées (ils visaient par exemple le personnel des plates-formes pétrolières). Elle devait compter 77 satellites (le numéro atomique de l'iridium) et finalement seuls 66 furent envoyés en orbite car la société a fait faillite avant (leurs "gros" téléphones n'ont jamais trouvé preneur). Dès le démarrage du projet Iridium, Motorola a provoqué l'ire des radioastronomes. En effet, les satellites émettaient sur la même fréquence que l'hydroxyle, une des molécules les plus importantes pour comprendre la formation des étoiles. Les avocats d'Iridium avaient bien préparé leur coup et les observatoires du monde entier (Arecibo, Green Bank, le VLA, Nançay en France...) ont dû réduire par deux leurs durées d'écoute du ciel. Cela dure encore aujourd'hui car la société Iridium a trouvé des repreneurs. Tout cela pour permettre des conversations futiles...

Les radioastronomes ne pleureront pas la disparition de l'un de ces satellites mais déploreront quand même les débris spatiaux !