mardi 27 août 2013

Trois jours de plongée au cœur de la planète écologiste



La semaine dernière je suis intervenu pour exposer les idées développées dans Siècle bleu dans deux enceintes fort intéressantes.


Tout d’abord jeudi et vendredi je me suis rendu à l’Université d’été de la communication sur le développement durable organisée à Bordeaux par Gilles Berhault, président du Comité21 et de l’ACCIDD, où je suis intervenu sur la table ronde finale sur le thème « Métamorphoses » animée par l’étonnant Mathieu Baudin (créateur de l’institut des futurs souhaitables qui forme des « conspirateurs positifs », concept qu’il explique dans sa conférence donnée l’an dernier à TEDx Paris) aux côtés de Cynthia Fleury (une jeune philosophe engagée que je ne connaissais pas et qui m’a impressionnée par la puissance de ses propos, vous n’avez qu’à lire sa fiche Wikipedia) et Alexandra Siarri, adjointe au Maire de Bordeaux.

A noter, l’extraordinaire intervention la veille de Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) qui a tenu un discours capable de révolutionner la France (et le Monde). Ce discours a littéralement scotché l’assemblée par sa portée et il me faudra du temps pour le décortiquer. Jean-Paul Delevoye (ancien maire, député, sénateur, ancien président de l’association des maires de France, ancien ministre de la fonction publique, ancien Médiateur de la République pendant 10 ans) a développé les mêmes idées sur le nouveau pacte que les élus doivent nouer avec la société civile sur l’émission Place aux Idées de PPDA. 


Il est fort possible que ces idées viennent nourrir la réflexion que je mène en ce moment pour la (longue) préparation du tome 3 de Siècle bleu ainsi qu’un autre projet sur lequel je commence à m’engager… Je ne peux rien dire à ce stade, tout cela est encore secret. Monsieur Delevoye est en tout cas parti avec ses exemplaires dédicacés de Siècle bleu et Ombres et Lumières.


Samedi matin, je me suis ensuite rendu aux Journées d’été des écologistes à Marseille organisée par Europe Ecologie – Les Verts (merci à Dominique C. pour l’invitation), où j’ai été impressionné par la convivialité et l’ambiance générale qui détonne avec les messages envoyés par les derniers leaders de ce parti.

Je me suis toujours tenu à l’écart des cercles politiques (je déteste les étiquettes), mais en revanche il me semblait essentiel d’échanger avec ces sphères pour prendre le pouls du changement et essayer d’y contribuer. Ces deux conférences furent l’occasion de dizaines de rencontres passionnantes, j’ai appris une multitude de nouvelles choses (que j’aborderai sur ce blog dans les semaines qui viennent) et les idées de Siècle bleu ont semblé faire mouche et apporter un éclairage différent. 

Le premier constat c’est que, contre toute attente, la résistance écologique se porte bien, peut-être même mieux que jamais. Cela semble paradoxal tant les scores électoraux et les nouvelles colportées par les gros titres des journaux semblent signer la fin de l’écologie (abandon par le président équatorien du projet Yasundi, première traversée par un navire commercial chinois de l’Arctique en été, décision de David Cameron d’exploiter le gaz de schiste anglais…).

Plutôt que de le tuer, il semblerait que ce renoncement de la sphère politique et économique, ait galvanisé le mouvement qui redouble de créativité et d’énergie. Les acteurs dressent le bon bilan de ce qui a conduit à l’échec de ses vingt dernières années, que ce soit dans le changement des comportements, la communication, l’action politique locale ou globale. Nous entrons vraiment dans l’ère de l’écologie des solutions et parmi les idées qui émergent, il y a des choses qui risquent d’être difficile à arrêter. Le plus frappant est la reprise en main par la société civile des questions sociétales et environnementales au niveau local,. Ses acteurs deviennent de véritables co-producteurs de solutions au côté des élus, et à Bordeaux par exemple, cela a facilité la transformation radicale de la ville. Aménagement des quais, mise en place du tramway, développement du vélo, création d’éco-quartiers pionniers (Gingko et Darwin, sur lequel nous reviendrons), Bordeaux devient l’archétype de la ville harmonieuse du futur où il fait bon vivre et qui respire l’enthousiasme.

A très bientôt ici pour parler de ces exemples concrets,

PS : Vous pouvez télécharger ici la présentation donnée aux journées EELV. Désolé, il n’y a pas beaucoup de textes. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez que j’intervienne ailleurs.

dimanche 4 août 2013

Avis sur La République des Mallettes de Pierre Péan



Normalement sur ce blog je ne commente que les livres que j’ai aimés mais je vais faire aujourd’hui une exception. Je vais vous parler d’un livre qui m’a beaucoup déçu (non par le thème abordé mais par le faible travail fourni par l'auteur) et dont pourtant tout le monde parle : « La République des mallettes » de Pierre Péan (numéro un des ventes sur le palmarès de l’Express dès sa sortie, la semaine dernière).

Cette enquête devait s’intituler initialement « Monsieur Alexandre » et était supposée lever le voile sur un personnage mystérieux : Alexandre Djouhri. Sorte de Rastignac du XXIème siècle, cet homme au charisme unique a grandi à Sarcelles et après un début de carrière dans le grand banditisme, il a gravi les échelons vers les hautes sphères de l’Etat et des grandes entreprises françaises, ce qui est assez unique. Il est (dit-on) l’un des intermédiaires les plus puissants de l’hexagone et fait partie du « cabinet noir » de Sarkozy (après avoir été dans celui de Villepin). Pas une affaire à l’export ne se ferait sans son aide (et ses émoluements), il serait derrière tous les coups bas politiques ourdis depuis une quinzaine d’années et surtout il serait un gros pourvoyeur en fonds pour le financement des partis politiques. Depuis près d’un an, je m’étais intéressé à ce personnage et j’avais lu à peu près tout ce que l’on pouvait trouver sur lui sur le net, mais j’avoue que j’avais été frustré car il y a beaucoup de suppositions et peu de faits. J’attendais donc avec impatience le livre de Péan et je n’étais pas le seul car apparemment l’Elysée était en ébullition ainsi que les services secrets depuis des mois. Pierre Péan était l’homme à abattre et ce livre était « le livre de tous les dangers ».

Je me suis donc lancé avec frénésie dans sa lecture et en le terminant j’ai eu envie d’écrire ce post. Ce livre n’apprend en effet rien de nouveau sur Alexandre Djouhri. 95% des éléments cités étaient déjà connus et Péan n’apporte de plus aucune preuve nouvelle. Dès le prologue, ça sentait d’ailleurs le roussi car il expliquait à quel point Djouhri était un homme discret et un homme dangereux. Personne n’a voulu lui parler (ou alors en off complet) et il n’a trouvé aucune preuve matérielle. On n’écrit pas ce genre de livres sans avoir au moins un témoin de premier plan (anonyme ou non) pour éclaircir la vie du personnage. D’autres ont réussi bien mieux que Péan, par exemple Julien Caumer qui a écrit en 1999 l’incroyable « Les Requins » sur un certain Etienne Léandri, un intérmédiaire tout aussi mystérieux et puissant que Djouhri et à la personnalité également hors-du-commun.

À mon sens, il ne fallait donc pas publier ce livre en l'état et plutôt attendre six mois ou un an, qu’il y ait de vraies choses nouvelles à nous apprendre. Par exemple, si l'auteur avait percé le rôle exact de Djouhri, il aurait là marqué une avancée significative afin d'ébranler ce système destructeur des rétrocommissions. Mais c’est vrai que cette rentrée qui marque le début des débats présidentiels ne pouvait pas être ratée et Fayard, son éditeur, ne s’est pas trompé.

Les seuls chapitres qui m’ont intéressé sont le chapitre 14 « Dans le gang de la banlieue nord » sur les premiers faits et gestes de Djouhri dans le Paris des frères Zemour des années 70 (ceux qui ont inspiré le film Le Grand Pardon), et le chapitre 15 qui relate ses frasques avec Anthony Delon et la guerre contre son père Alain, ainsi que la façon dont il a rencontré en boîte de nuit le fils du directeur général de l’Unesco qui a commencé à le présenter à tous les leaders africains. Sinon dans le reste du livre on n’en apprend pas plus que tout ce qu’ont publié Le Point, Marianne, L’Express, Le Monde et Le Canard Enchaîné depuis un an sur Djouhri. Rien de nouveau donc. Comme il fallait remplir un livre de 460 pages, Péan nous fait un donc un récit de toutes les affaires auxquelles Djouhri aurait participé (sans jamais nous dire exactement le rôle que Djouhri y a joué) : les frégates de Taïwan, l’affaire Clearstream 2, la lutte Villepin-Sarkozy, la libération des infirmières bulgares par Cécilia, l’appel d’offres manqué des centrales nucléaires d’Abou Dhabi, la clique de la GLNF, la guerre Proglio/Lauvergeon… C’est donc au mieux un bon livre pour ceux qui ont hiberné depuis dix ans ou qui n’ont jamais entendu parler d’Alexandre Djouhri.

Le livre a quand même l’intérêt de montrer à quel point le financement des partis politiques a pourri notre pays et une partie de la planète. Au début de cette campagne, cette piqûre de rappel ne fait pas de mal. Pour ma part, je pense qu’il faudrait se poser cette question une fois pour toutes. En effet, on a inventé la démocratie mais on a oublié d’inventer le mode d’organisation/de financement de la société qui permette aux individus et aux partis de survivre et de combattre loyalement les uns contre les autres pour se faire élire. Si on ne statue pas sur cette question cruciale, la démocratie est condamnée (si tant est que celle-ci ait vraiment existé).

Toutes les questions que l’on se pose sur Djouhri demeurent donc à la fin de ce livre. Quel est le rôle exact de cet homme ? Que font ses sociétés à Genève ? Quel service rend-il exactement aux entreprises et à l’Etat français ? Détient-il vraiment 8% de Véolia ? D’où tire-t-il sa grande puissance ? Qui sont ses hommes de main ? Quand on lit Péan expliquer qu’il ne sait pas s'il est millionaire ou multi-milliardaire (ça fait quand même une différence), on s’etonne. Péan est-il ne serait-ce qu'allé en Suisse pour voir où Djouhri vit ? Il ne semble pas.

Monsieur Alexandre reste donc un mystère et si le personnage est aussi dangereux qu’on le dit, on comprend pourquoi il a laissé paraître ce livre et pourquoi Péan est toujours en vie. L'absence d'éléments nouveaux dans ce livre ne blanchit évidemment pas Djouhri, mais le vrai livre sur lui reste donc toujours à écrire.