lundi 25 juin 2012

Mort de Rodney King et 2 chapitres exclusifs



On apprenait il y a quelques jours la mort de Rodney King dans sa piscine dans des conditions pour l'instant mystérieuses. Cet homme passé à tabac par les flics (blancs) de LA en 1991 sous l'oeil de caméra de vidéo-surveillance avait été l'objet d'un procès très médiatisé en 1992. Lorsque les policiers avaient été acquittés par les jurés (quasiment tous blancs), cela avait déclenché d'immenses émeutes. C'était il y a vingt ans, le 29 avril 1992 (un peu avant le sommet de Rio). 



Dans une des toutes premières ébauches d'Ombres et Lumières, j'avais deux chapitres qui se passaient à LA et l'un d'eux évoquaient brièvement Rodney King. Ils ont été "coupés au montage" ainsi que d'autres qui suivaient le périple de ce même "mystérieux clochard" (ça faisait une 5ème histoire en parallèle à suivre et cela amenait trop de confusion). Je vous laisse deviner de qui il s'agit. Le premier était situé juste avant l'annonce de la Bombe, l'autre juste après. L'écriture n'avait pas été retravaillée, soyez indulgents ! Mais je les aimais bien, alors je vous les offre. Bonne lecture ! 



Jour 1, Union Station, Los Angeles, Californie, États-Unis.



Un clochard se réveilla frigorifié dans l’entrée d’un immeuble. Il voulut se servir une rincée du mauvais rhum qu’il n’avait pas fini en se couchant, mais son voisin s’en était chargé. Il fouilla dans ses poches. Elles étaient vides. Il se remémora que la veille, il avait dépensé sa dernière pièce pour acheter cette bouteille. Son estomac gargouillait. La faim le tiraillait depuis deux jours. Il fallait qu’il mange. Il allait donc devoir faire ce qu’il redoutait tant depuis qu’il était parti vivre dans la rue quelques mois auparavant. Il ne pouvait plus reculer. Il n’avait plus le choix.
Il se leva. Il tenait debout avec difficulté. Il était encore ivre. Il regarda sa montre, il n’était même pas encore cinq heures à Los Angeles. Au loin, des sons de casseroles résonnaient. Les Lakers devaient avoir gagné. Ou perdu. C’était cependant bizarre que les supporters tiennent jusqu’à si tôt le matin, surtout par ce froid. La température avait plongé. Sur certaines voitures, il y avait un peu de neige. Elle était tombée pendant son sommeil.
Le bruit provenait d’El Pueblo, le parc historique qui commémorait le lieu où la ville avait été fondée. Une foule importante y était amassée et faisait face aux forces de l’ordre. Cela ressemblait davantage aux émeutes qui avaient suivi le procès Rodney King[1] qu’à une fête entre supporters. Encore des flics qui avaient dû se lâcher, se dit-il. Les milliers de manifestants tapaient sur des ustensiles de cuisine en hurlant des slogans qu’il ne comprenait pas. Ça avait l’air de mettre les flics en rogne ; lui, ça lui faisait mal à la tête. Il reprit sa marche et emprunta Olvera Street jusqu’à la gare.
Il passa devant un magasin de télévisions. Les écrans, restés allumés, retransmettaient des scènes d’émeutes et d’autres, comme depuis une semaine, des images de l’équipage de Columbus 11. Voir leurs visages le submergea à nouveau de cette rage qu’il ne parvenait pas à éteindre. Il fallait qu’il boive.
Il s’engouffra dans une bouche de métro. La gare était déserte. Le métro venait d’ouvrir. Une rame arriva. Les wagons étaient déjà pleins de malheureux qui n’avaient pas d’autres choix que de gagner leur vie en se levant aussi tôt. Il hésita, mais ne trouva pas la force de monter. L’idée de ce qu’il allait devoir faire le repoussait.
Il laissa encore passer deux autres rames. Il n’arrivait pas à se décider. Un autre clochard arriva sur le quai et le salua. Ils montèrent ensemble dans le métro suivant. Il s’assit à l’opposé dans le wagon et l’autre récita sans passion sa petite phrase répétée mille fois. Il avait déjà imaginé la sienne, mais ses cordes vocales étaient toujours restées muettes. Il allait pourtant falloir qu’il se lance.
Il guetta la réaction des passagers. Comme d’habitude, il s’attendait à les voir détourner leurs regards ou, pour les plus généreux, mettre la main dans leur poche à la recherche de leur plus petite pièce. Mais ce matin était différent. Ils observaient tous l’autre clochard avec compassion et lui donnèrent chacun une pièce ou même un billet. L’argent pleuvait. Il croyait être victime d’hallucinations. L’autre non plus n’en revenait pas. À l’arrêt suivant, les passagers qui descendaient le regardèrent en souriant et lui donnèrent aussi de l’argent. Sans qu’il n’ait rien demandé. Sans qu’il n’ait rien eu à dire.
Il avait dû se passer quelque chose d’extraordinaire pendant la nuit.


[1] Citoyen afro-américain passé à tabac par des policiers de Los Angeles sous le regard d’une caméra amateur. Les représentants des forces de l’ordre furent finalement acquittés en 1992 provoquant des émeutes gigantesques dans tout le pays.


Jour 1, Los Angeles, Californie, États-Unis

Le même scénario s’était répété aux arrêts de métro qui avaient suivi. Les dons n’avaient pas cessé de pleuvoir. L’humanité avait-elle été piquée par le virus de la générosité ?
Une autre chose l’avait intrigué. Tout le monde dans le train lisait le journal. Il avait fixé la une d’USA Today que tenait un passager. Il eut un choc. Le quotidien titrait : « Paul Gardner vivant ! » Il descendit de la rame et en récupéra un exemplaire dans une poubelle. Il lut les articles d’une traite. Les détails sur l’opération Aleph ne l’étonnaient pas, il s’en était toujours douté. C’étaient non seulement des salauds mais en plus des minables, incapables de dissimuler leurs manœuvres crapuleuses. Une joie immense l’envahit. L’effet de l’alcool se dissipait. Il reprenait enfin espoir dans l’humanité.
Assis sur un banc, il regarda les trains défiler en savourant l’instant. Paradoxalement, ils se vidaient au fur et à mesure que l’heure tournait. Bizarre. Il sortit du métro. Il n’y avait plus personne dans les rues. Encore plus bizarre. Il aperçut un clochard sous un sac de couchage qui écoutait la radio. Il lui demanda s’il pouvait s’asseoir auprès de lui.
– Bien sûr, mon pote, dit l’autre. Des trucs comme ça, ça n’arrive pas tous les jours. Faut partager. Tiens bois un coup !
Il refusa la bouteille que l’autre lui tendait. Son attention était déjà captée par la radio. C’est alors qu’il comprit pourquoi le métro s’était vidé si soudainement. Sa haine resurgit, plus violente que jamais. L’annonce de Lewis et Prescott. L’accusation de Paul Gardner. La bombe. La réaction des Chinois. La guerre totale contre Gaïa. C’était ahurissant, mais venant de leur part, rien ne l’étonnait vraiment. Il aurait la peau de cette enflure de Mike Prescott.
Il devait agir. Vite. Il lui fallait de l’argent.
Un jeune homme en costume et à l’allure arrogante marcha vers eux. Parvenu à leur niveau, il donna un grand coup de pied dans le panier où son nouvel ami conservait ses pièces. Elles roulèrent jusque dans le caniveau. Le clochard ne sembla pas surpris et rassembla quelques pièces. Ce n’était pas visiblement pas la première fois qu’il faisait ça. Lui, regardait l’espèce de fumier qui s’éloignait avec un rire narquois. Il se redressa, le rattrapa, le saisit violemment par l’épaule et l’immobilisa à terre avec une clef de bras. L’homme l’implorait de le lâcher. En le tenant fermement, il le ramena jusqu’à eux et lui fit ramasser toutes les pièces tombées dans l’eau sale et froide du caniveau. Il le laissa partir avec un coup de pied au cul. L’autre clochard était écroulé de rire. Ils échangèrent une cigarette. Il lui raconta sa vie. L’autre l’écoutait, ahuri. Il lui expliqua qu’il devait trouver de l’argent. L’autre se leva, plongea sa main dans le caniveau et en sortit une boîte en métal bien encastrée. Il en sortit une liasse de billets roulés.
– Ce sont toutes mes économies. Prends-les, tu me les rendras quand tu pourras.
Il hésita et remercia son nouvel ami.
– J’en ferai bon usage, merci.
Puis il partit en direction des grands magasins. Ils étaient fermés. Il était encore trop tôt. Il en profita pour réfléchir.
Quelques heures plus tard, il en sortit avec deux grands sacs que l’agent de sécurité, écoeuré par son odeur, s’empressa de contrôler. Il partit ensuite à la recherche d’un hôtel. Il eut du mal à en trouver un, même en alignant les billets. Il échoua finalement dans un bâtiment qui ressemblait à un taudis. Le tenancier était sympathique. Les chambres étaient propres et plutôt vastes. Il ne fallait jamais se fier aux apparences.
Il se déshabilla complètement et plaça ses affaires dans un sac-poubelle. Il le ferma hermétiquement et le jeta sur le petit balcon. Malgré le froid, il laissa la fenêtre grande ouverte. La puanteur était trop forte.
Il se dirigea dans la salle de bains avec une dizaine de flacons colorés dans les bras. Quand il se vit nu dans le miroir, il ne se reconnut pas. Il fit couler la douche et se versa une grosse noix de shampoing dans la main. Lorsqu’il commença à se masser le crâne, une mélasse noire lui coula le long du corps. Il continua à masser puis se resservit de shampooing. Il renouvela l’opération cinq fois.
Il prit ensuite le gant de crin et le savon, et s’attaqua à son corps qui était recouvert de plaques ignobles. Il se frotta jusqu’au sang. Son buste et ses membres étaient écarlates. Il se cura ensuite longuement les pieds et les mains avec une brosse dure. Il coupa l’eau et sortit de la douche. Au lavabo, il se brossa les dents pendant vingt minutes. Ses gencives étaient en feu. Il désinfecta la salle de bains à l’eau de javel, puis reprit une autre douche. Il se lava à nouveau avec un savon et un shampoing plus doux.
Dans la glace, il avait retrouvé une allure plus humaine. Il sortit les ciseaux du sac Walmart et donna de grands coups dans ses cheveux et sa barbe. Une fois le travail dégrossi, il aperçut encore des plaques. Il se shampooina à nouveau et se rinça au lavabo. En bon militaire, il sortit la tondeuse et la passa sur son crâne. Il prit enfin le rasoir et fit disparaître ce qui lui restait de barbe, sans s’écorcher une seule fois. Il n’avait plus vu ses joues depuis longtemps. Il coupa ensuite ses ongles et les lima minutieusement.
Il sortit de la salle de bains en se regardant une dernière fois. Il avait beaucoup maigri et ses muscles avaient fondu. Toujours nu, il s’allongea sur le sol de la chambre et enchaîna une série de deux cents abdominaux. Puis, cent pompes. Il était en nage. Son ventre et ses bras le brûlaient. Il avala un litre de jus d’airelles et un autre litre d’eau minérale puis reprit une dernière douche. Quand il eut fini, il se passa un lait hydratant sur tout le corps.
Il sortit ses habits neufs de leur emballage et les enfila. C’était un autre homme. L’heure de la revanche avait sonné.
Il rangea la chambre et mit tous les produits dans un autre sac-poubelle. Il vérifia que tout était bien en ordre, ferma la fenêtre puis quitta la chambre avec ses sacs. À l’accueil, le concierge ne reconnut pas celui qu’il avait vu passer une heure plus tôt.
D’un pas alerte et insensible au froid, il marcha jusqu’à la gare des bus. Il chercha le guichet de la compagnie Greyhound.
– Un ticket pour Houston, s’il vous plaît, demanda-t-il.
– Aller-retour ? fit la dame au comptoir.
– Non, un aller simple. Merci.
Il alla s’asseoir dans le bus. Il avait deux mille cinq cents kilomètres pour échafauder son plan.

On a retrouvé la véritable déclaration de Rio+20




On a retrouvé la véritable déclaration de Rio+20

25 juin 2012
Il n'y a donc pas eu de surprises à Rio+20 et ce sommet s'est conclu par une déclaration d'une grande molesse, constat d'une profonde impuissance. Voici d'ailleurs la déclaration de Rio+20 que l'on aurait tout à fait pu trouver dans une suite d'hôtel là-bas.
Nous, Chefs d’Etat, déclarons être très satisfaits de ces retrouvailles, vingt ans après, à Rio.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons avoir vieilli mais cela n'a pas plombé notre bonne humeur.
Nous, Chefs d’Etat, avons bien compris que nous n’avions toujours qu’une seule Terre et déplorons le manque d’efficacité de nos agences spatiales. Nous réaffirmons notre souhait d’en découvrir une autre car les multinationales commencent à se plaindre de l’épuisement des ressources naturelles.
Nous, Chefs d’Etat, avons été heureux d’apprendre qu’il restait du pétrole pour encore quelques décennies. Nous devrions donc pouvoir revenir à Rio dans vingt ans.
Nous, Chefs d’Etat, avons appris avec stupéfaction que malgré toutes nos déclarations, discours et promesses, il restait encore des pauvres, que les forêts continuaient de disparaître et que les pandas ne mettaient toujours pas du leur pour se reproduire.
Nous, Chefs d’Etat, nous demandons ce que les peuples ont fait pour en être toujours là vingt ans après. Comme eux, nous nous faisons du souci pour leurs enfants.
Nous, Chefs d’Etat, avons regardé les solutions. Franchement, ça a l’air compliqué et assez pénible à expliquer à ceux qui doivent nous réélire.
Nous, Chefs d’Etat, avons un grand dîner de clôture dans quelques minutes et devons aller nous préparer pour la photo.
Nous, Chefs d’Etat, souhaitons donc aux peuples bien du courage pour ce siècle !

Comme je ne suis pas un grand adepte de l’ironie (humour des desespérés), voici aussi la déclaration enthousiasmante et courageuse que j’aurais plutôt aimé entendre à Rio+20. L’avenir appartient aux rêveurs, non ?
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que notre planète est unique et merveilleuse.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que le XXIème siècle est celui de tous les défis, l’humanité étant confrontée pour la première fois aux limites de notre monde.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que la situation s’est dramatiquement dégradée sur tous les plans depuis vingt ans. Les rares progrès accomplis sont totalement insignifiants en comparaison de ce qui aurait dû être entrepris.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que le mode actuel d’organisation de nos sociétés est totalement inadapté pour faire face à cette transition inédite. Les humains ont pour l'instant été incapables de vivre en harmonie ensemble et avec la Nature.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que nous nous sommes égarés dans des processus bureaucratiques qui ont eu raison de tout l’enthousiasme et l’espoir déclenchés, il y a vingt ans, à Rio.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que nous nous sommes laissé aveugler par les objectifs de court-terme et les intérêts égoïstes de chacun de nos pays.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons qu’il n’y a aujourd’hui aucun plan pour sauver l’humanité des périls qui la guettent. Le monde évolue sans pilote.
Nous, Chefs d’Etat, reconnaissons que nous avons été indignes de la confiance accordée par les peuples qui nous ont élus.
Nous, Chefs d’Etat, implorons votre pardon.
Nous, Chefs d’Etat, souhaitons ne plus être une honte pour les générations futures et nous engageons, à partir de ce jour, à remédier à cette situation.
Nous, Chefs d’Etat, promettons d'oeuvrer tous ensemble dans le même sens et de nous comporter enfin comme les intendants de cette belle petite planète que les astronautes nous ont révélée.
Nous, Chefs d’Etat, nous engageons à donner vie au Manifeste bleu de Paul Gardner. Le chantier pour faire de ce monde un paradis est gigantesque, mais rêvons du résultat. La voie pour y parvenir sera exigeante mais enthousiasmante. Il en va de l'avenir de l'espèce humaine.
Nous, Chefs d’Etat, déploierons toute notre énergie pour que ce siècle soit celui dont l’humanité gardera la plus grande fierté. Le Siècle bleu.
Jean-Pierre Goux. Paris. 25 juin2012.

lundi 18 juin 2012

Ombres et Lumières sur RFI


Longue et belle interview vendredi dernier sur RFI dans l'émission "autour de la question" de Jean-Yves Casgha. Et la question était : "Et si on faisait la Révolution bleue" ?

Ecoutez l'émission directement à cette adresse :
http://www.sieclebleu.org/docs/Interview-RFI-2012-JPG.mp3

Ou sur le site de l'émission : 
http://www.rfi.fr/emission/20120615-1-nous-faisions-revolution-bleue
http://www.rfi.fr/emission/20120615-2-nous-faisions-revolution-bleue


Jean-Pierre Goux, chercheur en mathématiques et en informatique, héritier de St Exupéry, Kessel et Barjavel, publie le 2ème ouvrage d’une série de trois, Ombres et Lumières.

Un thriller écologique à base de science, de technologie et d'environnement « décoiffant » qui part du constat suivant:
En fait aujourd'hui, à la croisée des chemins, l'Humanité a maintenant devant elle une feuille blanche, elle doit imaginer son rêve pour le 21ème siècle. Angoissant pour certains, mais c’est aussi une chance unique pour tout réinventer, différemment. Comme l’écrit Jeremy Rifkin dans La Troisième Révolution industrielle, ce qui manque aux dirigeants c’est un récit, afin que les actions individuelles s’inscrivent dans un plan général cohérent et compréhensible par tous. Ce récit doit être exaltant et d'une incroyable solidité...

Ombres et Lumières, le livre qui ouvre la porte du Siècle Bleu, c'est sur RFI, le vendredi!

jeudi 14 juin 2012

Rio+20 : l'appel de Nicolas Hulot



Le WE dernier, le club France Rio+20 se réunissait à la Villette afin de préparer le sommet de la Terre organisé à Rio du 20 au 22 juin. Nicolas Hulot y a prononcé un discours extraordinaire qui a tout en commun avec les messages développés dans les 1100 pages de ma Saga Siècle bleu (d'ailleurs n'oubliez pas le débat que j'organise le mercredi 20 juin autour de la saga, justement le jour de Rio+20 dont il sera beaucoup question). 
Son intervention se trouve à 14'30 de la vidéo ci-dessous et je l'ai également retranscrite tellement elle est extraordinaire. Cet homme a tout compris. Wake up !


L'enjeu de Rio+20, je dirais que c'est l'humanité qui joue son avenir. Rien que dans cet énoncé, cela donne une échelle de l'échéance. Je ne voudrais plomber l'atmosphère mais à force que l'on nous demande sans cesse de tamiser la réalité, de faire preuve d'enthousiasme, je ne veux pas injurier l'espoir, je me réjouis du discours du président de la république, mais enfin, 20 ans, 20 ans c'est une vie, on a le temps d'en faire des choses pendant 20 ans, et donc pardon de rester un peu réservé à tout l'arsenal qui ressort par la contrainte du calendrier, du vocabulaire, des postures, de la communication, alors que si l'on veut d'une formule faire le bilan de ces 20 dernières années, je m'en excuse mais on est passé de l'indifférence à l'impuissance. Et nous sommes le dos au mur. Il faut appeler un chat un chat car les choses mal nommées n'existent pas. 
J'entendais quelqu'un tout à l'heure dire Rio+20 ça va être un fantastique moment de prise de conscience, mais ça ce sont les étapes d'hier ! Il y a eu une vertu à Copenhague, une seule. Personne n'a contesté le diagnostic. Pas un chef d'Etat n'est monté à la tribune pour contester le diagnostic. Donc l'heure n'est plus aux constats effectivement, l'heure n'est même plus aux objectifs, l'heure est aux modalités. Alors oui j'attends beaucoup de Rio+20 mais en même temps il faut être assez réaliste, parce que je vois bien que la crise économique et financière a ajourné, occulté, la crise écologique. Et en même temps, j'ai conscience que quand la crise écologique va se mêler à crise économique et financière, toutes les valeurs, tous les acquis auxquels nous sommes attachés risquent de partir totalement en lambeaux. 
On prend le risque, si de Rio+20 ne sort pas un calendrier, des moyens institutionnels, des moyens financiers et économiques, de détruire définitivement nos enfants. C'est un moment déterminant, c'est un carrefour des civilisations. Ce qui fait défaut c'est la volonté collective, partagée. Ce qui a fait défaut depuis 20 ans c'est la faiblesse des institutions internationales. 
Aujourd'hui chacun le sait, nous fonctionnons à l'antique, comme si nous vivions dans un monde d'abondance, que le marché peut se permettre de gérer "entre guillemets". Qui a conscience quand même qu'en basculant dans la rareté, nous rentrons dans une contrainte majeure pour les relations géopolitiques ? Qui peut imaginer des relations apaisées quand nous aurons que comme opportunité que de gérer la pénurie ? 
Alors, je ne fais de procès à personne, je pense que nous devons radicaliser nos exigences car la situation est absolument radicale. Je rappelle que nous vivons sur un seuil étroit de tolérance et la nature manifeste son intolérance. Formule, j'entends bien, mais c'est la stricte vérité. 
C'est vrai que j'ai à la fois beaucoup d'espoir et de désespoir pour Rio. Je sais que la France ne porte qu'une partie des responsabilités. Mais la France qui serait audacieuse, créative, radical dans la construction européenne qui elle-même, pourrait retrouver une adhésion autour de cet enjeu, là, il y a de l'espoir. Alors est-ce que Rio va être le moment où l'on va sonner le glas d'un monde qui s'accommode du fait qu'un pan entier de l'économie s'affranchisse de la solidarité et des investissements d'avenir, est-ce que Rio va sonner le glas d'un monde qui s'affranchit que l'on spécule sur des ressources naturelles, des matières premières, comme on s'affranchit sur un monde où l'on spécule sur la faillite des Etats et peut-être déjà spécule sur la faillite de la planète.
Oui, il doit y avoir un avant et un après, c'est de logiciel qu'il vaut changer, c'est notre modèle économique qu'il faut changer, ce n'est pas de l'amender à la marge. Et c'est pour ça que je pense que nous devons hisser nos ambitions. Quitte à prêcher dans le désert, mais ne donnons pas l'illusion  qu'avec quelques feuilles de route sans garantie, sans cadre juridique, sans calendrier, nous allons traiter ce problème. Disons la vérité. Nous avons ce devoir. Il y a d'un côté le désespoir si on laisse les phénomènes nous échapper, comme c'est le risque. Mais il y aussi un fantastique espoir si l'on redonne du sens à tous ces outils et si on coordonne cette volonté. Que de Rio naisse la base de cette fameuse Organisation Mondiale de l'Environnement qui puisse avoir autorité sur le FMI et sur l'OMC. Redonnons aux politiques des prérogatives dont ils ont été dépossédés et le peuple simultanément au fil du temps.     

lundi 11 juin 2012

Ombres et Lumières / Siècle bleu : le grand débat




Siècle bleu / Ombres et Lumières
Ouverture de la conférence Rio+20
Le grand débat




La conférence Rio+20 ouvrira ses portes le 20 juin 2012. Même si beaucoup doutent de ses chances de succès, c'est un moment historique dans l'histoire de l'humanité que nous vous proposons de célébrer ensemble autour de la Saga Siècle bleu, dont les thèmes et les interrogations sont très proches de celles de cette conférence.


Ombres et Lumières est maintenant sorti depuis un mois et vous êtes déjà nombreux à avoir terminé le livre. Afin de répondre à toutes vos questions, nous avons donc décidé d’organiser une soirée pour débattre autour des deux livres le mercredi 20 juin à Paris (il n’y a même pas de foot ce soir-là, donc aucune excuse !). 

Où ça se passe ?
Librairie Gallimard (librairie de Paris)
Place de Clichy
75017 Paris
(salle de conférence à l’étage)

Programme
18h00-18h30 : dédicaces et discussion
18h30-19h30 : conférence débat
19h30-20h00 : dédicaces / discussion / cocktail
Pour les plus motivé(e)s, on pourra poursuivre la discussion dans un bar ou un restaurant voisin.

Principe
Après une courte introduction où je vous présenterai le pourquoi de ce livre et le lien avec les grands enjeux du XXIème siècle, la parole vous sera donnée. Si vous êtes inquiets ou optimistes sur l'issue de la conférence Rio+20, venez ! Si vous avez détesté ou adoré le livre, venez donner votre avis ! Si vous voulez des explications sur la fin d'Ombres et Lumières (qui fait beaucoup débat), sur la genèse des personnages, sur la véracité des faits cités dans le livre, les références, les suites envisagées… Venez aussi !!! Si vous souhaitez en savoir plus sur la Révolution bleue et par là où il faudrait commencer, venez encore plus !!!
En vous espérant nombreuses et nombreux,
Amitiés bleues,
           Jean-Pierre.
PS : Envoyez-moi un mail ou écrivez-moi sur Facebook afin de dimensionner le cocktail.

lundi 4 juin 2012

Yves Klein et la Révolution bleue





Il y a cinquante ans, le 6 juin 1962, le peintre Yves Klein nous quittait, à l’âge de 34 ans. Ce fut une étoile filante dans l’histoire de l’art, mais un demi-siècle plus tard le bleu unique de ses toiles garde tout son feu et il est plus que jamais considéré comme l’un des plus grands avant-gardistes du XXème siècle.


Pour preuve, la toile FC1, considérée comme la dernière de ses œuvres, a atteint le 9 mai dernier le prix record de 36 millions de dollars lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à New-York. Christie's a même réalisé une sublime vidéo sur la création de FC1

Mais ce n’est pas de la cote d’Yves Klein dont je vais vous parler aujourd'hui, mais du rôle qu’il a joué dans l’écriture de ma saga Siècle bleu.



Je n’oublierai jamais ce jour de juin 1990. J’étais alors encore au lycée et je visitais pour la première fois le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC) de la ville de Nice qui venait d’ouvrir ses portes. Quand, au bout d’un couloir, j’ai aperçu cette toile complètement bleue, j’ai eu l’une des plus grandes émotions artistiques de ma vie. Je m’en suis approché  et je suis resté de longues minutes à observer ce pigment, si pur, si profond, si doux. J’ignorais tout de l’artiste qui avait peint ce monochrome et je n’imaginais surtout pas que ce bleu changerait le cours de ma vie. 


Je suis retourné très souvent au MAMAC cette année-là et ces visites se sont encore multipliées lorsque je suis entré en prépa scientifique au Lycée Masséna, situé à quelques centaines de mètres du musée. J’allais me ressourcer auprès de ces œuvres dans les moments de doute. À chaque fois que je retourne à Nice, je fais mon pèlerinage au MAMAC dans la salle consacrée à Yves Klein. C'est un rituel. Je me sens bien dans cette salle, j’ai l’impression qu’une petite voix m’y parle. C’est là que l’idée de Siècle bleu a germé et puis s’est nourrie. Ce bleu servirait de liant à tout ce que je voulais mettre dans mon roman afin de constituer ma révolution bleue. 


Né à Nice (comme votre serviteur, vous l'avez deviné), Yves Klein a commencé à peindre relativement tard, en 1955. Sa carrière fut donc très courte mais intense et prolixe. Avant de peindre, il avait excellé au judo. Formé au Judo club de Nice de Robert Boagaert, le club et le professeur que j’ai aussi fréquenté beaucoup plus tard dans les années 80 (mais je me suis arrêté juste avant la ceinture bleue ! À l’époque j’ignorais qui était Yves Klein et surtout qu’il avait pratiqué dans ce club... coïncidences... coïncidences). Il est ensuite parti à l’âge de 24 ans pendant un an et demi à Tokyo, pour être formé par Tsunetane Oda (l’un des plus grands maîtres du Kodokan). De retour avec sa 4ème dan (il fut l’un des premiers européens à l’obtenir), il publia en 1954 une méthode de judo chez Grasset qui fait toujours autorité.


La pratique du judo et du zen au Japon lui ont fourni les bases de ce qui constituera sa philosophie si singulière. Une philosophie où les 4 éléments et une réflexion sur l'immatériel occupent un rôle prépondérant. En 1955 et 1956, tout en continuant le judo, Yves Klein peint ses premières propositions monochromes. Toutes les couleurs y passent, mais son fameux bleu ne fera son apparition que fin 1956 après une longue recherche chimique pour trouver le procédé qui permettrait d’immortaliser le feu de ce pigment bleu violet pur : l’IKB (International Klein Blue). 


Cinquante ans plus tard, ce feu brille encore du même éclat, il a obtenu sa victoire sur la matière. 


Début 1957, il expose pour la première fois dans une galerie à Milan où il fera la connaissance de Lucio Fontana, l’homme qui lacère les monochromes (lire à ce propos mon post : Eyjafjallajökull, le nouveau maître du bleu) et qui lui achètera un de ses premiers monochromes bleus (l’histoire ne dit pas s’il le lacérera). Puis viendra la notoriété courant 57 avec ses premières expositions à la galerie Iris Clert de Paris marquant le début de son époque bleue.


1957 est aussi l’année où Yves Klein aura l’intuition de ce que découvrira Gagarine 4 ans plus tard : « vue de l’Espace, la Terre est bleue ». Pour ceux qui ont lu mon roman Ombres et Lumières, vous aurez certainement compris d’où lui venait cette intuition…  

Globe Terrestre bleu (1957)

En 1958, il écrit au président des Etats-Unis Eisenhower une lettre intitulée « The Blue Revolution ». La révolution bleue est présentée comme un mouvement ayant son siège social à la Galerie Iris Clert et « tendant à la transformation de la manière de penser et d’agair du peuple français dans le sens du devoir individuel vis-à-vis de la collectivité des nations ». 

(vous pouvez cliquer sur les textes pour zoomer dessus)


A la même époque, il écrit également au président de la Conférence internationale de la détection des explosifs atomiques, lui proposant de colorer en bleu les explosions à venir.



Il écrit aussi au Secrétaire général de l’année géophysique internationale pour qu’une mer de la planète soit baptisée "mer bleue" et colorée avec de l’IKB planctonique. 


Cette révolution bleue voulue par Yves Klein n’a malheureusement pas vu le jour. Il a été extrêmement critiqué à New-York (où cinquante ans plus tard, paradoxe, ses toiles s’arrachent à prix d’or…) pour le caractère farfelu de ses œuvres. Yves Klein a même dû justifier sa démarche en 1961 dans son manifeste de l’hôtel Chelsea, dont un extrait figure d’ailleurs en exergue de mon roman Ombres et Lumières :

Ce jour-là, alors que j’étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci de-là dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu’ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres.

Yves Klein est mort en 1962 d’une crise cardiaque après avoir manipulé trop de produits chimiques pour la réalisation de ses oeuvres. L'astronaute Paul Gardner, le héros de Siècle bleu et Ombres et Lumières, a sensiblement le même âge que lui et son coeur le fait lui aussi souffrir (coïncidence ?). Quel sera son destin ?

Dans mon livre, Paul Gardner, abandonné seul sur la Lune, redonne vie à cette Révolution bleue. Puisse-t-elle avoir la même longévité que le feu des toiles d’Yves le Monochrome. En tout cas, je suis heureux de me rendre à Nice le 9 et 10 juin pour participer au salon du livre et je ne manquerai pas de faire mon périple au MAMAC pour célébrer le cinquantième anniversaire du Maître du bleu. 

Allez, tous à vos pinceaux et vive la Révolution bleue !





EXTRAITS DU BLOG DE PAUL GARDNER 

LA REVOLUTION BLEUE


En attendant, pour ne pas sombrer, il faut que je continue à imaginer ce Siècle bleu. Il le faut.
Réussir ce tournant dans notre histoire nécessitera un changement de paradigme, une métamorphose, un soulèvement, une révolution. La Révolution bleue.
L’objectif de cette révolution ne devra pas être l’effondrement du système, mais la préparation du monde d’après. Lorsque le bloc soviétique s’est fissuré, le peuple a cru qu’il suffirait de défaire le pouvoir en place pour accoucher d’un monde meilleur. Un groupe de rapaces était aux aguets et le pays a en fait basculé vers un nouvel enfer.
La Révolution bleue n’aura pas besoin d’être violente. Elle ne s’opposera à aucun mouvement. Elle sera compatible avec toutes les croyances, toutes les idéologies et toutes les religions car elle se fera uniquement dans le cœur des hommes. Elle sera nourrie par une simple vision poétique, un rêve : celui d’une belle petite planète bleue avec laquelle nous vivrons en harmonie et où chacun sera appelé à faire rayonner sa beauté intérieure.
J’ai d’ailleurs emprunté l’appellation de Révolution bleue au peintre Yves Klein. Il nous a laissé des œuvres mystérieuses, dont ses fameux monochromes bleus. Yves Klein était obsédé par cette couleur et plus particulièrement par une teinte, un outremer profond obtenu autrefois à partir du lapis-lazuli. Comme un sorcier, il avait passé des mois à rechercher un procédé susceptible de fixer ce bleu et d’éviter que son éclat ne s’atténue avec le temps. Cinquante ans plus tard, ses toiles brillent toujours du même feu étrange. Une fois la technique mise au point, Yves Klein entreprit de peindre le monde en bleu et imagina des œuvres toujours plus vastes. En pleine Guerre froide, il adressa même une lettre aux plus hautes personnalités pour leur proposer de colorer en bleu les explosions atomiques.
Ce bleu sera notre arme. Yves Klein a peut-être lui aussi forgé le rêve de la Révolution bleue en visitant la Grotte bleue. Il est mort trop jeune, il faut poursuivre son œuvre.
J’exhorte les artistes et les citoyens du monde à rejoindre la Révolution bleue. Je les invite à prendre un pinceau et à badigeonner de bleu les villes et les villages. Partout où c’est possible. Cette couleur sera le signe de ralliement à notre révolution. Devant chacune de ses touches, nous nous rappellerons l’importance de l’effort à mener. Leur présence nous permettra également de mesurer la progression de notre mouvement. Si ce bleu se répand sur la Terre, les forces prédatrices invisibles qui rongent les hommes reculeront.
Ce bleu sera aussi une corde de rappel pour ceux qui seraient tentés de baisser les bras. Les sympathisants de la Révolution bleue devront toujours garder avec eux un objet bleu, leur talisman. Il leur suffira de brandir cette marque de leur engagement pour trouver du soutien. S’ils sont seuls, ils devront le serrer très fort en songeant à notre belle planète. La tentation disparaîtra.
Que la Révolution bleue se mette en marche !
À demain.

dimanche 3 juin 2012

La bande-annonce Ombres et Lumières



Voici la bande-annonce pour Ombres et Lumières réalisée avec quelques amis. N'hésitez pas à partager (le lien direct sur YouTube est ici) !