Les tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et de Vincennes
sont d’une gravité sans précédent dans notre histoire récente et appellent une
réaction mais surtout une réflexion à la hauteur de l’évènement. La réaction ne
doit surtout pas prendre la forme de descentes policières permanentes dans les
banlieues, d’une intervention militaire au Proche-Orient, d’une stigmatisation
des communautés musulmanes, de l’introduction de lois liberticides ou de la
réinstauration de la peine de mort pour des actes de ce genre. Si on veut se
montrer plus intelligent qu’eux, on ne répond pas au mal par le mal, on ne
répond pas aux extrêmes en créant de nouveaux extrêmes. Ce serait faire honte à
la mémoire des dessinateurs, journalistes, représentants des forces de l’ordre
disparus, qui se sont toujours battus pour la liberté et les valeurs de la
République.
De la même manière qu’il y a eu un avant et un après 11
septembre, il y aura un avant et un après 7 janvier. Cependant on voit bien
qu’il s’agit d’un phénomène d’une tout autre nature et il faut tout faire pour
que l’après 7 janvier ne ressemble pas à l’après 11 septembre.
La réponse doit être une France unie, qui n’oublie pas ses
idéaux sous prétexte que ceux-ci ont été bafoués par fous. Seule la lumière
peut chasser l’obscurité. L’élan de compassion, d’empathie auquel nous avons
assisté en France et à travers le monde est d’une ampleur inédite. Il montre à
quel point l’âme humaine est belle et ses ressources inépuisables. Grâce à la
formidable capacité des réseaux sociaux, utilisés enfin d’une façon qui aurait
émerveillé Teilhard de Chardin, les caricatures toutes plus drôles et plus
intelligentes se sont multipliées à l’infini, les messages de paix et de
soutien unis sous la bannière #JeSuisCharlie. Une armée spontanée de dessinateurs a pris ses crayons et nous avons
brandi leurs œuvres pour chasser l’obscurité et ne plus avoir peur, et surtout
se dresser avec ces armes du pauvre contre ceux qui utilisaient les armes des
faibles. C’est merveilleux, surréaliste. Une humanité positivement synchrone,
unie par la mémoire, l’humour et la poésie de ces artistes si gentils qui ont
été massacrés de façon absurde et gratuite.
Certes certaines franges de la population sont restés
insensibles ou ont cautionné ces actes, mais dans l’écrasante majorité les
Français et les humains se sont unis derrière Charlie. Les fanatiques de tous
poils ont dû se sentir bien seuls ces derniers jours.
En écrivant ma saga Siècle
bleu, j’avais imaginé que la mort
injuste de Paul Gardner (mon héros astronaute et poète, tué lui aussi par des
cyniques d’un autre genre) puisse déclencher une révolution planétaire et
pacifique, la Révolution
bleue, rendue possible justement par la puissance des réseaux sociaux. On
m’avait pris pour un fou, un utopiste (ce que j’avais évidemment pris pour un
compliment) mais on voit que cela est désormais possible.
UPDATED: #JeSuisCharlie
spreads around the world on Twitter
http://t.co/bKMjDaUkL0
pic.twitter.com/o7d01UZHzZ
—
Twitter Data (@TwitterData) 9
Janvier 2015
A l’époque du 11 septembre, du tsunami de 2004 ou de Katrina
en 2005, Twitter et Facebook n’existaient pas encore ou étaient balbutiants.
Depuis d’autres événements ont suscité des mouvements de compassion à l’échelle
mondiale sur les réseaux, mais ici on a touché les Français et l’humanité dans
ce qu’ils avaient de plus précieux : le droit de s’exprimer, de rire et de
caricaturer (même de façon totalement irrévérencieuse). L’identité des victimes
a aussi beaucoup joué. Tout le monde ne connaissait pas ou n’appréciait pas les
dessinateurs de Charlie Hebdo, mais toute une génération (la mienne)
connaissait Wolinski et surtout Cabu. Cabu le dessinateur de Récré A2 qui
m’avait appris à dessiner les oiseaux (le seul dessin correct que j’arrive
encore à faire pour épater mes enfants). Cabu celui qui avec Dorothée restera
éternellement associé aux meilleurs moments de notre enfance. Les tueurs, dont
le plus âgé avait 34 ans, devaient le connaître aussi, mais le lavage de
cerveau dont ils ont été l’objet a certainement effacé ce souvenir.
En tuant Cabu, c’est comme si l’armée de Vega avait
réussi à détruire Goldorak. Le tabou
absolu ! Un Actarus de plus âgé de 76 ans ! En croyant nous
décapiter, nous mettre à genoux, ils ont frappé là où nous sommes le plus
fort, une force que nous avons tous tendance à oublier : l’enfant
qui est en nous. Vous ne pouvez pas
imaginer ce que vous avez réveillé les gars !
Goldorak est mort mais si vous revenez, maintenant on vous
attend avec Alcor, Venusia, Albator, Capitaine Flam, Cobra, Esteban, Tao, Zia,
Watoo-Watoo et tous nos rêves d’enfant. Vous nous reconnaîtrez, nous ne serons
pas cagoulés et nous serons armés de roudoudous brûlants et de bâtons de
réglisse.
#JeSuisCharlie #JeSuisGoldorak #SiecleBleu