mercredi 14 septembre 2011

Une humanité sans cap

Je viens de découvrir aujourd’hui une statistique inédite qui m’a fait peur. En fait non, c’est une statistique qui résume juste ce que je sens venir depuis très longtemps et qui se concrétise en ce moment. Cette statistique confirme que l’humanité est déboussolée et que nous arrivons au bout d’un système. Il ne faut pas en avoir peur, il faut au contraire se dire que c’est une opportunité extraordinaire de tout réinventer (le thème central d'Ombres et Lumières, le tome 2 de Siècle bleu, à paraître au printemps 2012, j'espère que ce ne sera pas trop tard).


Cette statistique a été publiée par la société Raise Partner, créée par mon ami François Oustry (nous étions ensemble en école d’ingénieur et c’est l’un des scientifiques que je respecte le plus). Cette société est spécialisée dans la conception de stratégies d’investissement avec un risque minimum (ou en tout cas maîtrisé). Vous vous dites quel rapport avec l'absence de cap de l’humanité ? Je vais y venir.


Pour expliquer simplement ce que fait cette société (mathématiquement c'est beaucoup plus complexe), ils commencent par calculer les corrélations entre toutes les secteurs de l'économie. Mathématiquement, la corrélation entre deux variables aléatoires est l’intensité du lien entre elles. Certains secteurs de l’économie sont traditionnellement très corrélés mais d’autres n’ont normalement aucun lien. Raise Partner propose ensuite des stratégies diversifiées qui font que si un pan de l’économie souffre, le reste du portefeuille ne souffre quasiment pas (en gros c’est l’illustration du principe de bon sens « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier »).


La construction de ce type de stratégies ne fonctionne que s’il existe des secteurs économiques non corrélés entre eux (sinon tous les oeufs sont dans le même panier). Or cela est en train de changer très vite, à un niveau jamais observé dans l’Histoire des marchés. C’est la première fois que je vois cela de façon aussi claire. L’article du blog de François Oustry de ce jour s’intitule d’ailleurs : Red alert on cross-sector correlations confirmed, (alerte rouge confirmée sur les corrélations inter-sectorielles) que je vais essayer de vous traduire ci-dessous. Cet article fait suite à un autre fort intéressant publié par François la semaine dernière : Le risque système atteint un niveau sans précédent.


Tout s’explique à partir des trois graphes suivants. La couleur d’un point de coordonnées (x,y) correspond à la corrélation entre le secteur industriel x et le secteur y.


(source Raise Partner)

  • Sur le premier graphe, vous avez une cartographie du marché dans des conditions « normales » telles qu’observées en décembre 2006. Les couleurs sont très diversifiées (donc les corrélations aussi) et les valeurs vont de -50% à 90%, avec la plupart des valeurs entre 0 et 50%.
  • Sur le second graphe, c’est une cartographie des marchés à la veille de la crise des subprimes d’octobre 2008. Les corrélations allaient de 62% (zones orange) à 95% (rouge).
  • Sur le dernier graphe, ce sont les conditions du marché en septembre 2011. Tout est rouge. La valeur minimum est de 84% et la plupart des corrélations sont au-delà de 90%. Cela veut dire qu’un choc (ou une bonne nouvelle) dans n’importe quel secteur économique affecte instantanément tous les autres. C’est du jamais vu. Le niveau d’impredictibilité des marchés a atteint un niveau historique qui démontre que l’humanité régie par la folie financière n’a plus de cap. Je vous conseille ardemment de suivre le blog de RaisePartner pour suivre l’évolution de ces graphes dans les prochaines semaines.

Il y a deux façons de prendre cette statistique. La première, pessimiste, c’est de se dire que c’est bientôt la fin de ce monde (les Mayas parlent de transition vers un autre monde plutôt que de fin du monde). En effet, avec ces corrélations toutes au rouge, la probabilité pour que tout s’effondre n’a jamais été aussi haute. L’autre façon, optimiste, est de se dire que pour la première nous vivons une crise planétaire et qu’aucun secteur du globe ne sera épargné, et que ceci peut créer un véritable éveil des consciences et une réaction des peuples planétaire. La situation actuelle des marchés où tout est corrélé à tout est l’aboutissement d’un processus de 40 ans de mondialisation qui touche à sa fin, mais sans ce processus l’humanité n’aurait peut-être pas compris ses erreurs et au lieu de se consommer à feu rapide comme maintenant, elle aurait pu se consommer à feu doux. Il y a donc encore l’espoir de changer. Mais vers quoi, car l’humanité n’a plus de cap ?


Pour moi, si l'humanité ne veut pas sombrer dans le chaos, il faut qu'elle trouve une idée directrice très forte, capable de changer l'état d'esprit général. Afin d’esquisser une réponse, voici en exclusivité un extrait du blog de l’astronaute Paul Gardner issu du tome 2 de Siècle bleu : Ombres et Lumières.




L’humanité s’est lancée sans cap dans ce nouveau siècle. Elle est comme une nuée d’oiseaux migrateurs qui ne trouverait plus le champ magnétique qui lui permet de s’orienter. À force de se mouvoir sans but, le relâchement et le déclin la guette. Elle s’épuise, se perd et se meurt.


Il est de la responsabilité de nos dirigeants de redonner un sens qui transcende chaque individu, qui restaure la ferveur de tous. Recréer les liens qui définissent notre espèce, gérer la finitude de nos ressources et arracher les baobabs du passé, voilà déjà l’embryon d’un projet collectif et fédérateur. Mais pour œuvrer ensemble à la construction de ce Siècle bleu, il faut une vision commune. De là où je me trouve, il y en a une qui paraît évidente : celle du vaisseau Terre, de cette petite planète bleue, découverte par les premiers astronautes. Dans la grande croisière cosmique, nous sommes tous embarqués sur le même esquif. Il faudrait envoyer les grands de ce monde dans l’espace pour qu’ils le réalisent enfin.


Plutôt que d’en faire un enfer et de nous détruire, apprenons à vivre ensemble. Définissons un rôle enthousiasmant, mais exigeant, pour chacun des membres de l’équipage. À bord du vaisseau Terre, les tâches pour les milliards d’humains ne manqueront pas. Répertorier les ressources, entretenir les jardins, les coursives et les moteurs. Nourrir, protéger, soigner et éduquer l’équipage en respectant les autres formes de vie. Mais aussi innover, en inventant les moyens qui permettront au navire de fonctionner indéfiniment.


Ce concept de vaisseau Terre serait quand même plus fédérateur qu’une économie folle dont nous ignorons la finalité. Certains avaient bien essayé d’infléchir cette tendance en proposant la notion de « développement durable ». Mais sans changer l’état d’esprit, il est impossible de découpler croissance économique et utilisation des ressources naturelles.


Osons affronter le défi du Siècle bleu avec un projet à sa mesure. Gréons le vaisseau Terre ! L’humanité se redressera alors, retrouvera sa dignité au sein du cosmos et pourra poursuivre son chemin, apaisée.

1 commentaire:

Tonio a dit…

Salut JP,
Interessantes ces statistiques. J'ai une interpretation differente. Pour moi les pics de correlation refletent une liquidation sans distinction des investisseurs (en particulier ceux qui doivent faire face aux margin calls). Ce que je trouve de positif c'est que l'on arrive a une capitulation et un pessimisme extreme de ces acteurs dans un scenario ou les actions ont beaucoup moins baisse qu'en 2008-2009 (la statistique est faite a partir des indices Dow Jones US). Pour moi cela veut dire que 1) le monde est beaucoup moins leverage qu'en 2008 et, 2)que l'on vient peut-etre de voir le plus bas niveau du DJ pour cette annee. Cela n'enleve rien bien sur aux problemes economiques reels en particulier en Europe mais une petite note optimistique dans ce monde qui cherche son cap... bon je te laisse, je pars acheter des actions ;-)