jeudi 14 juin 2012

Rio+20 : l'appel de Nicolas Hulot



Le WE dernier, le club France Rio+20 se réunissait à la Villette afin de préparer le sommet de la Terre organisé à Rio du 20 au 22 juin. Nicolas Hulot y a prononcé un discours extraordinaire qui a tout en commun avec les messages développés dans les 1100 pages de ma Saga Siècle bleu (d'ailleurs n'oubliez pas le débat que j'organise le mercredi 20 juin autour de la saga, justement le jour de Rio+20 dont il sera beaucoup question). 
Son intervention se trouve à 14'30 de la vidéo ci-dessous et je l'ai également retranscrite tellement elle est extraordinaire. Cet homme a tout compris. Wake up !


L'enjeu de Rio+20, je dirais que c'est l'humanité qui joue son avenir. Rien que dans cet énoncé, cela donne une échelle de l'échéance. Je ne voudrais plomber l'atmosphère mais à force que l'on nous demande sans cesse de tamiser la réalité, de faire preuve d'enthousiasme, je ne veux pas injurier l'espoir, je me réjouis du discours du président de la république, mais enfin, 20 ans, 20 ans c'est une vie, on a le temps d'en faire des choses pendant 20 ans, et donc pardon de rester un peu réservé à tout l'arsenal qui ressort par la contrainte du calendrier, du vocabulaire, des postures, de la communication, alors que si l'on veut d'une formule faire le bilan de ces 20 dernières années, je m'en excuse mais on est passé de l'indifférence à l'impuissance. Et nous sommes le dos au mur. Il faut appeler un chat un chat car les choses mal nommées n'existent pas. 
J'entendais quelqu'un tout à l'heure dire Rio+20 ça va être un fantastique moment de prise de conscience, mais ça ce sont les étapes d'hier ! Il y a eu une vertu à Copenhague, une seule. Personne n'a contesté le diagnostic. Pas un chef d'Etat n'est monté à la tribune pour contester le diagnostic. Donc l'heure n'est plus aux constats effectivement, l'heure n'est même plus aux objectifs, l'heure est aux modalités. Alors oui j'attends beaucoup de Rio+20 mais en même temps il faut être assez réaliste, parce que je vois bien que la crise économique et financière a ajourné, occulté, la crise écologique. Et en même temps, j'ai conscience que quand la crise écologique va se mêler à crise économique et financière, toutes les valeurs, tous les acquis auxquels nous sommes attachés risquent de partir totalement en lambeaux. 
On prend le risque, si de Rio+20 ne sort pas un calendrier, des moyens institutionnels, des moyens financiers et économiques, de détruire définitivement nos enfants. C'est un moment déterminant, c'est un carrefour des civilisations. Ce qui fait défaut c'est la volonté collective, partagée. Ce qui a fait défaut depuis 20 ans c'est la faiblesse des institutions internationales. 
Aujourd'hui chacun le sait, nous fonctionnons à l'antique, comme si nous vivions dans un monde d'abondance, que le marché peut se permettre de gérer "entre guillemets". Qui a conscience quand même qu'en basculant dans la rareté, nous rentrons dans une contrainte majeure pour les relations géopolitiques ? Qui peut imaginer des relations apaisées quand nous aurons que comme opportunité que de gérer la pénurie ? 
Alors, je ne fais de procès à personne, je pense que nous devons radicaliser nos exigences car la situation est absolument radicale. Je rappelle que nous vivons sur un seuil étroit de tolérance et la nature manifeste son intolérance. Formule, j'entends bien, mais c'est la stricte vérité. 
C'est vrai que j'ai à la fois beaucoup d'espoir et de désespoir pour Rio. Je sais que la France ne porte qu'une partie des responsabilités. Mais la France qui serait audacieuse, créative, radical dans la construction européenne qui elle-même, pourrait retrouver une adhésion autour de cet enjeu, là, il y a de l'espoir. Alors est-ce que Rio va être le moment où l'on va sonner le glas d'un monde qui s'accommode du fait qu'un pan entier de l'économie s'affranchisse de la solidarité et des investissements d'avenir, est-ce que Rio va sonner le glas d'un monde qui s'affranchit que l'on spécule sur des ressources naturelles, des matières premières, comme on s'affranchit sur un monde où l'on spécule sur la faillite des Etats et peut-être déjà spécule sur la faillite de la planète.
Oui, il doit y avoir un avant et un après, c'est de logiciel qu'il vaut changer, c'est notre modèle économique qu'il faut changer, ce n'est pas de l'amender à la marge. Et c'est pour ça que je pense que nous devons hisser nos ambitions. Quitte à prêcher dans le désert, mais ne donnons pas l'illusion  qu'avec quelques feuilles de route sans garantie, sans cadre juridique, sans calendrier, nous allons traiter ce problème. Disons la vérité. Nous avons ce devoir. Il y a d'un côté le désespoir si on laisse les phénomènes nous échapper, comme c'est le risque. Mais il y aussi un fantastique espoir si l'on redonne du sens à tous ces outils et si on coordonne cette volonté. Que de Rio naisse la base de cette fameuse Organisation Mondiale de l'Environnement qui puisse avoir autorité sur le FMI et sur l'OMC. Redonnons aux politiques des prérogatives dont ils ont été dépossédés et le peuple simultanément au fil du temps.     

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