Votre thriller, très réaliste dans sa documentation et l’analyse de notre époque, comporte des passages magiques voire mystiques peu courants dans ce genre d’ouvrages. C’est sur cela que je souhaiterais vous interroger aujourd’hui.
Je suis scientifique de formation et je savais que ces passages dérangeraient certains. Mais leur présence dans cette saga n’est ni un hasard ni une erreur. Ils sont indispensables au message que je souhaitais livrer. Cet entretien sera donc utile si jamais je n’écrivais pas de suite à la saga Siècle bleu ! Comme tout auteur, je tiens à ce que mon message soit bien compris.
Pour commencer, parlez-nous d’Abel et du chamanisme.
Abel Valdés Villazón, éco-activiste mexicain de 35 ans et principal héros du livre, possède effectivement certains dons chamaniques qui l’aident à plusieurs reprises pour se sortir des griffes du gouvernement américain, de la NSA ou des cartels mexicains. Son père, ainsi que d’autres de ses autres aïeuls, disposaient aussi de ce don. Les chamanes existent au moins depuis la préhistoire et ont occupé un grand rôle dans la conduite des premiers groupes humains. C’était une époque où la nature effrayait encore beaucoup les hommes (peur de certains animaux, nécessité de connaître les propriétés des plantes ou minéraux, compréhension des cycles de la nature pour la chasse et la cueillette, compréhension de phénomènes météorologiques ou cosmiques…). Durant leurs transes, atteintes grâce à la danse, la musique ou l’absorption de substances hallucinogènes, les chamanes entraient en communication avec les esprits de la nature et les sondaient pour éclairer les décisions de leurs frères humains.
Certains paléoanthropologues comme Jean Clottes ou David Lewis-Williams pensent d’ailleurs que certaines peintures rupestres pourraient être l’œuvre de chamanes en transe (notamment celles de la grotte Cosquer, la grotte engloutie près de Marseille, découverte en 1985 et évoquée à la fin d’Ombres et Lumières). Le chamanisme qui se perpétue aujourd’hui dans certaines parties du monde n’est que la prolongation de ce mouvement multimillénaire déterminant dans l’histoire et la construction du genre humain.
Dans Ombres et Lumières, ce fluide chamanique n’est d’ailleurs pas toujours un allié pour le héros. L’animal-totem d’Abel, le jaguar noir, est extrêmement puissant et déclenche chez lui des accès de colère ou des coups de sang qui lui font commettre des erreurs. Tout le livre est un parcours initiatique au cours duquel il apprendra à se maîtriser et à acquérir la quatrième vertu cardinale qui lui manque : la tempérance. Une fois qu’il l’acquiert, il sera prêt pour la révélation finale que vous avez tous découverte avec lui.
Quel est pour vous le lien entre le chamanisme et la question au cœur de votre saga : l’avenir de l’humanité.
Ce qui m’intéresse dans le chamanisme c’est qu’il institue un autre rapport, beaucoup plus sensible, entre l’homme et la nature. Il lui rend ce dont la civilisation moderne l’a privé : son caractère mystérieux et sacré. Carl Gustav Jung appelait cela la numinosité (et non pas luminosité). Dans Siècle bleu, je citais d’ailleurs un extrait de son Essai sur l’exploration de l’inconscient :
Nous avons dépouillé toutes les choses de leur mystère et de leur numinosité : plus rien n’est sacré à nos yeux. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques.
Pour répondre donc à votre question, il n’y aura pour moi pas d’avenir pour l’espèce humaine si la civilisation dominante actuelle ne restaure pas un rapport humble, intime et profond avec la nature proche et plus globalement notre planète. La Terre doit cesser d’être un substrat dans lequel on puise sans vergogne. Elle est comme une grand-mère bienveillante qui donne ses économies à ses petits-enfants gâtés. En deux siècles, nous lui avons tout pris. Ce sont des choses que l’écrivain et agriculteur Pierre Rabhi raconte merveilleusement bien.
Chaque chose que la Terre nous offre est précieuse, qu’il s’agisse des minéraux, des gaz, des plantes ou des animaux. Nous devons faire attention à ces dons et nous assurer qu’ils sont utilisés et gérés dans des cycles durables et pour cela un lien très spécial doit être instauré au plus bas niveau. Il n’y aura pas d’économie « durable » si au niveau de chaque individu on n’institue pas ce pacte. C’est la principale chose qui a été oubliée à Rio+20 qui n’a porté que sur des considérations économiques très macroscopiques. Si on ne rétablit pas l’alliance avec la Terre, le développement durable ne sera rien de plus que la même entreprise de destruction du monde naturel et sauvage. Au passage, il faut aussi que les hommes apprennent à mieux vivre entre eux aussi et respecter la Terre les aidera à développer les valeurs nécessaires à une meilleure vie en groupe. Pour cela il faut appliquer d’adage des Navajos : « créez de la beauté c’est résister, résister c’est créer de la beauté ».
Le chamanisme est une des voies pour parvenir à appréhender ces liens invisibles, mais ce n’est pas la seule. Le bon sens paysan, campagnard ou même citadin suffit ! Aimez votre terroir et aimez votre prochain, avec ces deux principes tout irait beaucoup mieux. Mais ce sont des choses que la plupart des hommes ont oubliées.
Au-delà de ce lien avec la Terre, il est indispensable de rétablir aussi un lien avec le cosmos. C’est pour cela que le livre traite autant d’espace (au-delà du fait que la conquête spatiale a permis de découvrir le véritable conquête de Gaïa) et des Navajos, dont la philosophie vise justement à vivre en harmonie à toutes les échelles, des groupes humains jusqu’au Cosmos en passant par la Terre. Leur concept d’harmonie, le hozho, dont il est souvent question dans le livre est pour moi capital.
L’épilogue est particulièrement empreint de cette dimension magique et mystique.
L’épilogue a en effet un statut un peu à part dans ces deux tomes. On y explore certaines dimensions magiques ou mystiques entraperçues auparavant dans le livre. Il y avait d’ailleurs un avertissement dans la citation en exergue de l’épilogue :
Si vous nous dites : voilà une hypothèse énorme et infantile. Y croyez-vous ? Nous répondrons que nous ne croyons pas à la fable, mais à sa morale.
Cette citation résume exactement ce que je voulais que les lecteurs retiennent de l’épilogue dont il ne faut pas faire une lecture au premier degré.
Cette citation est extraite de L’Homme éternel de Jacques Bergier et Louis Pauwels. Pourquoi ce choix ?
Pour ceux qui ne les connaîtraient pas, Jacques Bergier et Louis Pauwels étaient les auteurs du Matin des magiciens, un livre publié en 1960. L’Homme éternel en est la suite publiée en 1970. Le Matin des magiciens a été un véritable phénomène de société et a créé une vague immense d’intérêt pour l’irrationnel, l’étrange et l’imaginaire. Ces livres (ainsi que leur revue Planète), découverts il y a une vingtaine d’années, furent un grand choc pour moi. Même si il y avait beaucoup de choses farfelues et fausses, ils avaient répertorié de nombreux faits inexpliqués et cela présentait l’intérêt d’ouvrir notre esprit et de nous convaincre qu’il restait encore beaucoup à découvrir ou comprendre. Cette sensation, véhiculée par les médias, d’un auto satisfecit moderne, qui nous pousse à croire que tout est connu est horrible et c’est également le signe d’une décadence. Pauwels disait : l’esprit est comme le parachute, il ne nous sauve que s’il s’ouvre. Il disait aussi : ce que l’on ne sait pas ne diminue pas avec l’augmentation de ce que l’on sait. Et tant mieux.
Tout le reste de votre livre est pourtant très cartésien et ancré dans la réalité.
C’est justement pour rompre avec cet ultra-cartésianisme que cette fin relève du magique ou du moins du rêve. Je voulais juste rappeler qu’il faut essayer de garder un rapport sensible et poétique avec le monde, essayer de conserver nos yeux d’enfants, notre capacité à rêver et nous émerveiller. Nous devons garder à l’idée qu’il y a certaines choses que l’on ne comprend pas, qui nous forcent à l’humilité, et celle-ci nous manque. Croire à l’inexploré serait une merveilleuse façon de réduire notre arrogance. Et puis s’il n’y avait plus d’inexploré dans la nature ou l’âme humaine, notre vie serait bien morne dans un monde « fini » sur le plan géographique. Explorer a toujours été le moteur de l’aventure humaine et cesser d’explorer pour uniquement exploiter serait une régression, la fin de l’espèce telle que nous la connaissons. J’adore à ce titre le travail de Stéphane Allix et de son association INREES.
Ne croyez cependant pas que je prône un retour à l’obscurantisme ou aux croyances irrationnelles, loin de là. Néanmoins je suis intimement persuadé que l’honnête homme du XXI siècle, s’il veut faire changer les choses, doit intégrer dans sa vision du monde toutes les dimensions : scientifique, sociologique, politique mais surtout humaniste, poétique, artistique et mystique. Quand je vois ces ultra-fonctionnaires du FMI ou de la Commission Européenne décider de ces plans de rigueur qui vont plonger dans la misère totale des millions de personnes sans que cela ne change absolument rien aux problèmes de fond et qui conduiront à la ruine une population ou la planète entière, cela me désole au plus profond de moi-même. Où est l’amour des hommes et l’amour du monde dans tout cela ?
Ces gens n’ont pas compris qu’il y avait d’autres dimensions dans la réalité et que leur rôle d’ « élu » (au sens noble du terme) n’était pas de défendre un modèle mais de conduire un peuple et si possible d’orienter sa destinée vers une meilleure direction. Le modèle dominant d’organisation des sociétés humaines est complètement inadapté à la vie sur une petite planète, mais depuis la chute de communisme (considéré par certains comme la preuve que l’« autre » système était bien le bon), la défense du modèle est devenue la priorité. Amin Maalouf l’explique bien dans Le dérèglement du monde, la critique du modèle ambiant est maintenant devenue tabou. Les critiques fusent pourtant de partout et on voit des institutions incapables de réformer l’organisation de l’économie. Quatre ans après la fraude ahurissante des subprimes, les excès du monde bancaire n’ont absolument pas été contenus et les textes toujours en discussion aux Etats-Unis et en Europe ont perdu toute leur force. C’est inadmissible.
Mais les peuples ne se laisseront pas faire, ils se réveilleront nécessairement et c’est pour cela que la révolution racontée dans Ombres et Lumières est possible. Tout me pousse à croire que celle-ci est imminente. Il suffit juste d’un électrochoc et le monde basculera. La seule question est de savoir quel monde nous voulons après. Si nous n’y réfléchissons pas maintenant, il sera encore pire car les forces sombres décideront pour nous. Demandez aux Russes. Il faut faire ce travail maintenant.
Comment voyez-vous cet electrochoc ?
Dans le livre, j’évoquais à plusieurs reprises la théorie des percolations. Aujourd’hui notre monde se cherche et peut basculer soit vers la barbarie, soit vers le bonheur absolu. Il suffirait d’un événement dramatique ou positif pour que tout change. Les évènements qui ont suivi les attentats de Madrid en mars 2004 m’avaient à ce titre beaucoup marqué. Aznar avait initialement menti en mettant les attentats sur le compte de l’ETA pour ne pas que le peuple critique l’adhésion de l’Espagne à l’invasion américaine en Irak. A partir du moment où le mensonge est devenu évident, la révolution a été instantanée et plutôt pacifique. Par rapport aux personnages d’Ombres et Lumières (Prescott, Fox et Lewis), Aznar a été assez mauvais pour dissimuler son mensonge !
Pour revenir à l’électrochoc, notre société, saturée d’images, est malheureusement devenue assez insensible à l’exposition de toute forme de souffrances à grande échelle. Depuis le choc ultra-violent du 11 septembre, on regarde les images de Katrina, de Fukushima, de Deepwater Horizon, de famines ou de sécheresse presque comme des spectacles banals. La seule chose qui touche encore les gens c’est lorsqu’on isole le destin d’un homme en particulier (cf. DSK ou le tweet de Valérie Trierweiler qui ont fait couler plus d’encre que Fukushima). Pour déclencher un changement, il faut donc arriver à personnifier les crises.
Dans mon livre, c’est le risque de perdre les deux héros (dont les messages et les rêves illuminent d’espoir le monde) qui déclenchent la Révolution bleue à l’échelle planétaire, et c’est la mort de l’un d’eux qui déclenchera le changement dans la société. Le sacrifice de cet innocent sera vécu comme le point de non-retour de l’humanité qui déclenche le changement de paradigme. Une fois l’électrochoc survenu, la question devient alors : comment maintenir cet élan sans qu’il s’épuise ou qu’il ne soit dévoyé. Si j’écris une suite, c’est l’une des questions que j’aborderai. Il y a tellement de belles idées qui ont ensuite tourné court ou qui ont tourné au cauchemar.
Si l’intervention du magique est nécessaire, il est difficile de croire qu’il y a une solution à nos problèmes, tellement la description que vous dressez des enjeux de ce siècle est effrayante.
Dans le livre, les personnages n’ont pas besoin de cette dimension magique pour parvenir à changer le monde et j’aurais pu très bien ne pas écrire l’épilogue qui a comme je l’expliquais une autre fonction dans le récit, celui d’ouvrir l’esprit. Dans les 28 jours qui ponctuent l’histoire, c’est un concours de circonstances qui fait qu’Abel et Paul avec l’aide de Lucy et Julio parviennent à changer le monde. Les messages de Paul Gardner auraient très bien pu passer inaperçus (beaucoup de gens pensent et disent la même chose que lui) mais le fait que la plupart de l’humanité l’écoute et qu’il soit en danger de mort a permis à tous d’ouvrir leurs oreilles et surtout leur cœur. Sans ces messages, sa mort n’aurait en effet eu aucun impact durable.
L’humanité étant au bord d’une mutation, la série de hasards qui ponctuent Ombres et Lumières se produira nécessairement, d’une façon ou d’une autre. Comme le dit Edgar Morin, je le cite d’ailleurs en exergue de la deuxième partie, « le probable n’est pas certain et c’est souvent l’inattendu qui advient ».
Néanmoins si tout le monde continue à regarder le monde froidement de façon complètement cartésienne, il n’y aura pas d’issue à la situation dans laquelle l’humanité s’est mise. Celle-ci ne viendra que si des individus ou des groupes d’individus continuent de rêver et résistent pour réaliser leurs rêves.
C’est vrai que vous parlez souvent des rêves dans ce livre.
Les récits, les rêves et les utopies ont toujours été les moteurs de l’humanité, j’en ai parlé très longuement dans mon manifeste pour Siècle bleu. Il faut à l’humanité un rêve collectif pour qu’elle se transcende, un peu comme l’était, il y a huit cent ans, la construction des cathédrales gothiques.
Toute la saga Siècle bleu tourne autour de la réalisation de plusieurs rêves : celui d’Abel (Gaïa), celui de Paul (le Siècle bleu) et celui de Lucy (l’Economie dans les petits mondes). Ces rêves sont extrêmement puissants et tout va s’opposer à leur réalisation, c’est le propre des grands rêves. Martin Luther King ou Gandhi n’ont pas connu des parties de plaisir.
C’est d’ailleurs là que le roman est intéressant par rapport à l’essai, en tant que simulateur de vie. Ombres et Lumières, que les lecteurs ont trouvé à juste titre plus ancré dans une réalité extrêmement dure, est la confrontation de ces deux utopies avec le monde d’aujourd’hui. Il n’y a rien de pessimiste là-dedans, au contraire. Une utopie confrontée à un monde qui serait une molle copie de celui dans lequel nous vivons n’aurait aucune chance de survivre plus de cinq minutes.
Leurs rêves semblent en effet difficiles à atteindre.
Tous les rêves sont difficiles à atteindre. Pour l’ensemble des deux livres, j’ai conçu l’intrigue selon la structure du labyrinthe de la Cathédrale de Chartres. Plus on pense s’approcher de l’objectif, plus on s’en éloigne. A la fin de Siècle bleu, on pense que la révolution, la transformation est imminente, mais au début d’Ombres et Lumières, on retourne à la case départ. Tous les porteurs de rêves vous diront que c’est comme cela que cela fonctionne, il n’y a rien de magique, il faut juste du travail et de la persévérance. Tout au long de l’intrigue, on sent quand même que l’on progresse vers le centre, l’initiation finale. L’initiation finale dans la Grotte bleue s’inspire d’un moment clé des épopées grecques que l’on appelle catabase. C’est un moment décisif dans la constitution du héros épique où celui-ci doit descendre dans le monde souterrain, les Enfers (Ombres et Lumières est une plongée en enfer). Ce n’est pas pour rien que leur bateau s’appelle Charon…
Croyez-vous que les rêves peuvent influencer la réalité ?
Evidemment ! Je lisais récemment que la réalité était justement un rêve qui s’était réalisé. C’est tout à fait juste. Dans mon cas personnel, il y a eu mille raisons qui auraient pu faire que je n’écrive pas ces deux livres. Tout au long de ces quinze années de préparation, j’ai vraiment senti qu’il y avait deux types de forces qui s’opposaient : certaines qui me détournaient de mon projet et d’autres qui me poussaient à continuer. Certaines rencontres complètement improbables furent décisives. Maintenant ce rêve existe et j’espère sincèrement qu’il permettra à son humble mesure d’influencer la réalité.
Ce livre était donc un rêve ?
Oui. C’était la transcription d’un rêve, mon rêve. Chaque soir pendant quinze ans je l’ai façonné un peu plus et les séances d’écriture, bercées par de la musique, s’assimilaient à des rêves éveillés dans lesquels des connexions entre des choses très éloignées s’établissaient dans mon cerveau. Le livre n’en est qu’une retranscription.
Pour l’écriture de la saga Siècle bleu, je me suis beaucoup inspiré de l'exemple donné par le facteur Cheval que mon ami (et beau-frère) David m’avait fait découvrir. Ferdinand Cheval était un simple facteur rural qui un jour d’avril 1879 a buté sur une pierre et cela lui a rappelé un rêve féerique dépassant son imagination, celui d’un palais idéal. Pendant 33 ans, il l’a bâti chaque soir, pierre après pierre, ramassées patiemment pendant sa tournée. Ce palais construit près d’Hauterives dans la Drôme ressemble à rien d'autres, à part peut-être une œuvre de Gaudi ou à Angkor Vat, que Cheval ne connaissaient pas.
C’est l’une des histoires les plus ahurissantes que je connaisse et un défi lancé à l’imagination et à l’obstination. Un rêve fou réalisé. Je crois aux dates anniversaires et aux synchronicités, et je viens de réaliser en répondant à votre question que nous fêtions cette année le centenaire de l’achèvement du palais idéal de Ferdinand Cheval. Rien de mieux pour la sortie d’Ombres et Lumières !
Cette obstination est d’ailleurs incarnée par mes héros : Abel, Lucy, Paul et Julio. Mon rêve a mis 15 ans à se construire sur le même mode. Au départ, j’avais une architecture robuste (28 jours, les phases de la Lune et de la Terre, le labyrinthe de la cathédrale de Chartres) mais le reste n’est quasiment que de l’improvisation. J’écrivais la nuit dans un état très proche du rêve éveillé. Le scénario d’Ombres et Lumières tient par exemple en une page. Je me laisse ensuite guider par le hasard des lectures, des souvenirs, de l'actualité, des découvertes dans mes recherches, et au fur et à mesure des nouvelles idées je remets à jour l’intrigue et le plan pour qu’ils se tiennent. Comme Cheval qui n'était pas architecte, avant ces deux livres, je n'avais jamais écrit de fiction. Pas un personnage, pas un dialogue, pas une intrigue. Le résultat est du coup très personnel et pas trop classable. Certains considèrent que c'est un polar, un essai, un conte initiatique, un livre de science-fiction, une fiction scientifique, un manifeste politique, une oeuvre hallucinogène, un space opera... Ca ne me gêne pas, au contraire. Cela a peut-être gêné certains journalistes qui n'aiment pas trop les mix de plusieurs genres, mais tant pis !
L’important, c’est de donner vie à son rêve. Saint-Exupéry le disait très bien : « faites de votre vie un rêve et de ce rêve une réalité ». Seuls les rêveurs me comprennent !
Et votre rêve, c’était quoi ?
J’ai fait de façon persistante le rêve qu’il existait quelque part au fond d’une grotte engloutie une peinture préhistorique de la Terre vue depuis l’espace. Et que cette peinture avait inspiré une lignée secrète d’hommes et de femmes qui ont aidé certains humains à réaliser leurs rêves pour que ceux-ci sauvent le monde, empêchent que nous basculions dans la barbarie. Au cours de mes nuits, je suis retourné très souvent dans cette grotte.
La Grotte bleue existe-t-elle ?
Deux lecteurs m’ont dit qu’ils allaient bientôt plonger à l’endroit indiqué dans le livre. Ils nous le diront… ou pas ! N’oubliez pas que l’essentiel est invisible est pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur. Croyez en vos rêves, et ne lâchez rien. La Grotte bleue viendra à vous.
Propos recueillis par Curtis Newton.
Crédits photos : David Blavier.
Crédits photos : David Blavier.
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