Le coelacanthe est bien connu sous le nom commun de poisson préhistorique ou de poisson dinosaure (« dinofish »). En effet, celui-ci n’a subi quasiment aucune modification morphologique en 350 millions d’années, période pour laquelle on dispose de fossiles authentifiés (le coelacanthe est aussi surnommé le "fossile vivant"). On l’appelle aussi « vieux quadrupède » (« old fourlegs ») car il a 4 nageoires épaisses sous le ventre qui rappellent des jambes. Ce sympathique papy peut mesurer jusqu'à 2 mètres et peser 100 kg.
C’est en 1938, en Afrique du Sud que fut découvert le premier spécimen de coelacanthe, dans les filets d’un chalutier qui pêchait à l’estuaire de la rivière Chalumna. Il fut remis par le capitaine du navire à Marjorie Courtney-Latimer pour son musée marin local, le East London Museum (où le poisson naturalisé peut toujours être toujours être admiré). Ne parvenant pas à identifier le spécimen mais pressentant une découverte majeure, elle écrivit à son collègue et ami sud-africain James Leonard Brierley Smith. Celui-ci reconnut un coelacanthe, un poisson que l’on croyait disparu depuis au moins 60 millions d’années avec les grands dinosaures. Le nom de Latimeria chalumnae lui fut donné en référence au lieu où il fut trouvé.
Le professeur Smith se lança alors dans une quête pour trouver un autre spécimen (quête racontée dans son livre Old Fourlegs : The story of the coelacanth). Le suivant ne fut saisi qu’en 1952 aux Comores. Pour les Comoriens, ce n’était d’ailleurs pas une découverte car ce poisson des profondeurs, appelé Gombessa, était certes rare mais bien connu dans la région. Depuis, des coelacanthes ont été pêchés et identifiés dans toute cette région de l’océan Indien (cf. carte ci-dessous). En plus des Comores, la Tanzanie semble être un des autres repères importants pour les coelacanthes.
Une autre espèce de coelacanthe (Latimeria menadoensis) a été découverte en 1997 en Indonésie, relançant le débat sur l’origine des coelacanthes. Vous pouvez voir la vidéo du pauvre animal sur YouTube, juste avant qu’il meure.
Les coelacanthes vivent entre 100 et 700 mètres de profondeur dans des cavernes volcaniques (c’est pour cela qu’ils meurent rapidement dès qu’ils sont remontés à la surface où la pression est trop faible). Ce n’est qu’en 1997 que l’on disposa des premières vidéos de coelacanthes dans leur habitat naturel. Les images ont été tournées par le chercheur allemand Hans Fricke à l’aide d’un sous-marin de poche. Vous pouvez les voir dans le documentaire « Le Coelacanthe des Comores » (première partie ici, deuxième partie ici). Pour ceux qui n’auraient pas la patience de tout regarder, les images du vieux quadrupède se trouvent à 09:39 dans la seconde partie du documentaire. De nombreuses autres images ont été prises depuis.
Le Coelacanthe des Comores (1/2)
Le Coelacanthe des Comores (2/2)
Le coelacanthe est un exemple de taxon Lazare, un terme de paléontologie désignant une espèce (ou taxon) que l’on croyait éteinte et qui réapparaît (comme Lazare qui ressuscite dans la Bible). Malheureusement, ce phénomène est beaucoup plus rare que l’inverse et il se pourrait que le malheureux coelacanthe regagne la catégorie « espèce disparue » de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dont on l’avait rayé.
Le coelacanthe est en effet victime des filets des chalutiers qui traînent de plus en plus profond, mais aussi des braconniers qui peuvent revendre à prix d’or la chair de ce poisson qui donnerait accès à la vie éternelle. Les riches Japonais (encore eux…) seraient très demandeurs. Les collectionneurs privés et les musées (notamment japonais) participent également à l’essor de ce terrible marché noir. Il faut rappeler ici que le trafic d’animaux est le troisième plus gros commerce illégal après la drogue et les armes. Une autre menace plus récente pèse aussi sur le coelacanthe. Afin de développer le commerce et l'économie de la Tanzanie, les autorités envisagent la construction d'un nouveau port dans la baie de Mwanbani permettant d'accueillir des porte-containers. Le trafic induit par ce port serait certainement fatal pour les coelacanthes dont la zone d'habitat est voisine. Un article a été publié en février 2009 dans la revue Nature : Harbour threat for coelacanths de Quirin Schirmeier. Dans la mesure où la population de coelacanthe est estimée à 500 individus, on verra qui gagnera ce bras de fer. Les articles sur cette polémique sont disponibles ici.
L'homme qui ne pêche que depuis quelques dizaines de milliers d'années aura-t-il raison de ce tranquille animal, qui avait réussi à survivre 350 millions d'années ? Espérons que l’homo sapiens, c’est-à-dire littéralement l’homme sage donc une espèce disparue, soit aussi un taxon Lazare ! Pour donner du répit à son vieux cousin, l'homme a mis en place des sanctuaires où les chaluts profonds sont interdits (c'est malheureusement dans les sanctuaires que les trafiquants pullulent) .
Si l’histoire du coelacanthe vous a intéressé, je vous recommande pour cet été la lecture de deux thrillers écologiques dont l’intrigue tourne justement autour du vieux quadrupède.
- H2O de Patric Nottret, paru aux éditions Robert Laffont en 2004 (et également disponible en poche chez Pocket). Intrigue très bien menée, bien renseigné scientifiquement. Outre le coelacanthe, on y retrouve le scarabée Stenocara (cf. article sur mon blog). Dans le livre, Nottret énonce ces trois principes (p. 83) que je vous laisse méditer :
- Plus les projets de préservation de l’environnement bénéficient d’aides financières extérieures, plus les risques de détournements de fonds sont accrus.
- Moins un Etat est impliqué dans les projets de préservation de l’environnement de son pays, plus il y a de corruption et de pillage des espèces naturelles
- Plus une espèce est protégée, plus elle prend de la valeur, et plus intéresse les trafiquants.
- Requiem pour un poisson de Christine Adamo, paru aux éditions Liana Levi en 2004 (et également disponible en poche chez Folio Policiers). Christine Adamo maîtrise parfaitement son sujet, c’est normal car elle a participé à la création d’un parc naturel dédié aux coelacanthes aux Comores à la fin des années 90 ! C’est un auteur qui monte. Son dernier opus Web Mortem a été publié au mois de juin chez Albin Michel.
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