jeudi 29 avril 2010
Nouvelle critique dans Pèlerin Magazine
mardi 27 avril 2010
Nouvelle critique sur Page
lundi 26 avril 2010
Critique de Siècle bleu dans Automates Intelligents
vendredi 23 avril 2010
Siècle bleu : la journée de lancement !
Après dix ans de gestation, Siècle bleu est enfin devenu un livre hier. Le 22 avril 2010. Comme c’est mon premier roman et que ça n’arrive qu’une fois dans sa vie, j’ai mis mon casque d’explorateur et j’ai sillonné tout Paris pour aller à la recherche des précieux exemplaires. Bilan des courses : j’ai vu énormément de bleu… car c’était également le lancement du DVD d’Avatars !! Trêve de plaisanteries, j’ai trouvé des exemplaires de Siècle bleu quasiment partout, et très bien placés. Je souhaitais remercier sincèrement les équipes de JBZ&Cie, d’Hugo&Cie et de leur distributeur Interforum car la mise en place dépasse de loin tout ce que j’aurais pu imaginer. Et merci tout particulièrement à mon éditeur, Jacques Binsztok qui a osé s'embarquer dans ce projet !
Première étape de mon périple, Les Cahiers de Colette, rue Rambuteau, librairie très élitiste et ô surprise il y avait quelques exemplaires « posés sur table » (c’est l’expression consacrée, l’alternative étant le rayonnage, moins visible). Je me retrouve à côté d’Hervé Le Corre, Grand Prix de littérature policière 2009, pas loin de Ken Follett et DOA.
Deuxième test : Gibert Joseph à Saint-Michel. Bonne nouvelle : il n’y avait pas encore d’exemplaires d’occasion ! Une belle petite pile à côté du nouveau Camut & Hug de chez Calmann-Lévy.
Direction ensuite à l’Arbre du Voyageur, petite librairie que j’affectionne rue Mouffetard. Ils en avaient un exemplaire (pareil à L’Arbre à Lettres, autre librairie géniale), en rayonnage cette fois-ci. Pour la première fois (je ne m’étais jamais posé la question avant) je découvre mes voisins « alphabétiques » : Patrick Graham mais surtout Jean-Christophe Grangé. C’est excellent car Grangé drainera du trafic « visuel » comme diraient les marketeurs !
Petite marche jusqu’à la place d’Italie. J’entre dans la FNAC et là ce fut un grand moment d’émotion. Le livre était bien visible, sur un présentoir vertical, ce qui est encore mieux que « posé sur table » ! J’avais ce coup-ci pour voisins de droite les livres de la jeune maison « Les Nouveaux Auteurs » (leur concept est très intéressant, c’est un peu la StarAc du livre : les lecteurs votent et notent, et les livres qui obtiennent le meilleur score sont publiés. Ils ont déniché des tas d’auteurs très intéressants qui n’avaient jamais réussi à se faire éditer). En voisins de gauche, l’artillerie lourde : le nouveau Craig Johnson (qui vient de remporter le prix du roman noir et paru aux excellentes éditions Gallmeister, jeune maison qui fait un carton avec ses traductions de romans américains du genre nature writing, c’est-à-dire la littérature des grands espaces), Level 26 (le roman, décevant, du créateur des Experts) et aussi Dan Brown !! En regardant encore la photo, je me dis qu’avec sa couverture « spatiale » Siècle bleu fait vraiment figure d’OVNI au milieu des autres polars, ce qui me va très bien. Je me demande toujours quelle sera la réaction du chaland qui prend le livre dans ses mains et lit la quatrième de couverture… Je n’ai malheureusement vu personne le faire hier.
Petit détour au rayon « culture » de Carrefour, il n’y était pas, puis ligne 6 jusqu’à Charles de Gaulle Etoile. Je descends les Champs, mon cœur bat la chamade. Je passe devant le Disney Store et bizarrement j’y vois le premier et seul signe de la célébration du Earth Day… Chez Disney c’est un comble !
Je vous laisse plutôt regarder la vidéo d’Obama diffusée hier pour la célebration du quarantième Jour de la Terre.
Je passe mon chemin et je pénètre au Virgin Megastore. Sur la table polar, le livre n’y est pas. Il n’est pas non plus sur la table science fiction (certains l’ont classé là, certainement à cause de la couverture). Je suis un peu déçu mais après avoir demandé au vendeur, c’est finalement au milieu de la table « littérature française » que je le découvre ! Mes voisins ce coup-ci sont Nicolas Rey et Laurent Gounelle (l’auteur de L’homme qui voulait être heureux paru chez Anne Carrière), mais surtout à deux livres des ultra blockbuster que sont Anna Gavalda et Guillaume Musso ! En regardant la couverture de L’Echappée belle avec ses bols de riz, je me dis que Siècle bleu n'est pas le seul OVNI…
Cap ensuite à la FNAC du forum des Halles où depuis 1993 j’ai dépensé méthodiquement toutes mes économies en « produits culturels ». Je fonce vers le rayon polar en suivant un chemin que je connais par cœur. Siècle bleu est dans le présentoir des nouveautés, bien encadré par Camut&Hug et Green River. J’étais également très ému de me trouver sur le même présentoir que Daemon, un techno-thriller ahurissant qu’un ami de San Francisco m’avait recommandé à Noël et qui vient d’être traduit chez Fleuve Noir. C’est l’histoire d’un programmeur de jeux vidéo qui meurt et qui laisse derrière lui une armée de programmes informatiques autonomes (les fameux daemons) qui vont retourner les Etats-Unis. Le deuxième tome (Freedom TM) vient de sortir aux Etats-Unis et un film est en cours de préparation par la Paramount.
Des exemplaires ont également été vus dans les gares, les aéroports, un peu partout province aussi. Tout ça me donne un peu le vertige, et il faut maintenant que ces exemplaires de Siècle bleu trouvent des acquéreurs ! Ca va être dur quand on voit l'avalanche de (bons) polars qui sont sortis pour cet été. Comme Siècle bleu va-t-il réussir à se faire une place ? Je me demande aussi bien qui l’achètera et pourquoi. Je me demande aussi ce que les lecteurs en penseront et ce qu'ils en retiendront… Les critiques de lecteurs, des libraires et de journalistes… Je ne sais pas si je suis prêt pour cela. La recherche d’éditeurs en 2008 et 2009 a été très rude et j’ai pris beaucoup de distance. Je vais me focaliser sur mon travail, ma famille et… le tome 2 ! Echec ou succès, il faut que je l’écrive vite car l’histoire du tome 1 n’est pas terminée et que les personnages me parlent dans mes rêves.
Ce n’était il y a quelques mois encore qu’un projet très personnel, ça me fait très bizarre qu’il soit devenu un objet réel « grand public ». Je crois que je l’ai vraiment réalisé quand un ami m’a photographié son ticket de caisse. Siècle bleu est maintenant un « produit culturel ». Avec un prix, un ISBN et un code-barres...
PS : voici quelques autres photos envoyés par des amis ou des lecteurs.
* Au Bon marché, Siècle bleu était à côté de mon maître James Ellroy !!! Ca fait un choc...
* Au Virgin Grands Boulevards, mise en place incroyable ! Il y a une raison que je dois avouer : je travaille à deux pas et tous mes collègues y sont allés l'acheter ! Ce jour-là la responsable de ce magasin m'a dit qu'ils en ont vendu plus que des Katherine Pancol et Guillaume Musso !! Il faut garder la tête froide car le lendemain ils n'en ont vendu qu'un ! Ce qui correspond mieux à ma place ;-) Comme elle est sympa elle nous a dit qu'elle le mettrait bien en évidence. J'attends surtout le retour du chef de rayon qui a toujours des avis très pertinents sur les livres.
* A Toulouse, la capitale du spatial, il était à la FNAC. Au fond de moi, j'aimerais vraiment qu'il atterrisse dans les mains de gens du CNES ou d'Arianespace. Laissons le hasard faire son travail...
* A la FNAC Montparnasse, à côté de Ludlum (ou plus précisément de celui de Lustbader qui réutilise la "franchise" Ludlum, puisque Ludlum est mort en 2001, pour écrire les énièmes aventures de Jason Bourne)
* A la FNAC Saint Lazare, très bonne mise en place, à côté de Stephen King et au-dessus de Chattam !!! Là-aussi, il faut raison garder, car ils n'en avaient vendu qu'un seul en 3 jours. Mais comme disait le vendeur, il faut bien commencer par un !
* A Bordeaux, il a été vu chez Mollat, l'institution de la ville :
mercredi 21 avril 2010
Eyjafjallajökull, le nouveau maître du bleu
On a beaucoup parlé des conséquences économiques et humaines de l’éruption de ce volcan islandais mais pas assez de la magnifique performance artistique qu’Eyjafjallajökull nous a offerte.
Fait rare, depuis samedi dernier un grand ciel bleu surplombe Paris. Les cendres auraient-elles chassé les nuages ? En tout cas, elles ont chassé les avions. Pour la première fois depuis ma naissance, et pendant quatre jours, j’ai pu admirer cette toile bleue, immaculée, signée d'un fin croissant de Lune. Yves Klein, le maître du bleu, doit jubiler dans sa tombe, lui qui lors d’une belle journée de 1946, bien avant le développement vertigineux de l'aviation civile, avait écrit : ce jour-là, alors que j’étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci de-là dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu’ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres.
Ce matin, à mon tour, ce sont les avions que je me suis mis à haïr. Le ciel était de nouveau lacéré, strié, souillé, déchiqueté, par les traînées odieuses de ces oiseaux de métal. La victoire de Lucio Fontana sur Yves Klein.
lundi 19 avril 2010
Obama et le rêve spatial inachevé
Pour ceux qui avaient raté les précédents épisodes, voici un petit résumé. Obama a toujours été, depuis son élection et même pendant sa campagne, très opposé au programme Constellation initié par Bush. Constellation, lancé en 2004 pour redonner un objectif à la NASA après l’accident de Columbia en 2003. La commission Columbia avait indiqué que la routine dans laquelle la NASA s'était inscrite était en partie responsable de l'accident. Il fallait lui donner une nouvelle ambition. Constellation devait donc ramener les Américains sur la Lune d’ici à 2020 pour y installer une base, étape importante avant le grand saut vers Mars. Ce programme n’a jamais eu les crédits nécessaires mais la NASA était parvenue quand même à avancer. En février dernier, Obama a décidé de mettre fin à Constellation (cf. le post L’arrêt du programme Constellation) sans vraiment donner d’objectifs clairs à la NASA pour le remplacer. Les critiques ont été très nombreuses et la dernière en date est cette lettre adressée le 14 avril par Neil Armstrong et deux autres astronautes du programme Apollo à Barack Obama (reproduite en fin de post).
Le discours prononcé le 16 avril à Cap Canaveral était supposé amener de la matière à ce nouveau programme mais, à mon humble avis, il n’en est rien (l’intégralité du discours est disponible sur le site du New York Times). Une phrase de son discours montre bien pour moi à quel point Obama se moque de l’espace.
In the years that have followed, the space race inspired a generation of scientists and innovators, including, I'm sure, many of you. It's contributed to immeasurable technological advances that have improved our health and well-being, from satellite navigation to water purification, from aerospace manufacturing to medical imaging. Although, I have to say, during a meeting right before I came out on stage somebody said, you know, it's more than just Tang -- and I had to point out I actually really like Tang. (Laughter.) I thought that was very cool.
En lisant cette blague de mauvais goût, je me demande si au fond de lui-même Obama pense que le programme spatial a amené autre chose que le Tang, cette boisson infâme aux vertus cancérigènes…
Pour montrer que tous les vétérans d’Apollo ne partagent pas la vision de Neil Armstrong, Obama était accompagné de Buzz Aldrin. Concrètement les budgets de la NASA ont été maintenus et même légèrement augmentés, la Station spatiale internationale sera maintenue au-delà de 2020 et Obama a donné deux objectifs lointains et flous : envoyer un équipage se poser sur un astéroïde et aller se poser sur Mars d’ici 2035, soit dans 25 ans. D’ici là, il n’y a de calendrier précis, à part la mise au point d’ici cinq ans d’une nouvelle fusée mastodonte (dont tout programme extraorbital a besoin) dont la décision de construction reviendra au prochain président américain. De nombreux spécialistes du spatial affirment qu’un vol vers Mars sans étape lunaire est voué à l’échec.
Le secteur spatial fait partie de ces secteurs où les programmes s’étalent sur une ou plusieurs décennies et pour lesquels il est nécessaire d’avoir une vision et une ambition très forte au départ qui s’accompagnent d’un agenda précis. En renonçant à Constellation, Obama déboussole la NASA. Par ailleurs l’absence d’objectifs clairs empêchera l’émergence d’une nouvelle ferveur à la NASA et chez ses partenaires privés, conduisant inéluctablement à une gabegie. Pas de doutes que les Chinois sauront tirer partie de cette vulnérabilité.
En avril 2001, l'astronaute Patrick Baudry avait publié un excellent livre, Le rêve spatial inachevé, où il incitait les politiques à se réapproprier le spatial et à lui donner une nouvelle ambition. Grâce à Obama, pendant des décennies l'humanité sera confinée à orbiter à 400 kilomètres autour de la Terre. Constantin Tsiolkovski, le père de l'astronautique moderne, avait dit en 1911: "La Terre est le berceau de l'humanité mais on ne passe pas sa vie dans un berceau". Où est passé ce rêve spatial ? Où est passée la vision imaginée par Stanley Kubrick ? Le vingt-et-unième ne ressemble au rien aux espoirs que l'on avait placé en lui. A moins bien sûr que les Chinois relèvent ces défis abandonnés par les Etats-Unis.
Lettre à Barack Obama de Neil Armstrong, James Lovell et Eugene Cernan
"The United States entered into the challenge of space exploration under President Eisenhower’s first term, however, it was the Soviet Union who excelled in those early years," the letter begins."Under the bold vision of Presidents Kennedy, Johnson, and Nixon, and with the overwhelming approval of the American people, we rapidly closed the gap in the final third of the 20th century, and became the world leader in space exploration. ...
"When President Obama recently released his budget for NASA, he proposed a slight increase in total funding, substantial research and technology development, an extension of the International Space Station operation until 2020, long range planning for a new but undefined heavy lift rocket and significant funding for the development of commercial access to low earth orbit.
"Although some of these proposals have merit, the accompanying decision to cancel the Constellation program, its Ares 1 and Ares V rockets, and the Orion spacecraft, is devastating.
"America’s only path to low Earth orbit and the International Space Station will now be subject to an agreement with Russia to purchase space on their Soyuz (at a price of over 50 million dollars per seat with significant increases expected in the near future) until we have the capacity to provide transportation for ourselves. The availability of a commercial transport to orbit as envisioned in the President’s proposal cannot be predicted with any certainty, but is likely to take substantially longer and be more expensive than we would hope.
"It appears that we will have wasted our current ten plus billion dollar investment in Constellation and, equally importantly, we will have lost the many years required to recreate the equivalent of what we will have discarded.
For The United States, the leading space faring nation for nearly half a century, to be without carriage to low Earth orbit and with no human exploration capability to go beyond Earth orbit for an indeterminate time into the future, destines our nation to become one of second or even third rate stature. While the President's plan envisages humans traveling away from Earth and perhaps toward Mars at some time in the future, the lack of developed rockets and spacecraft will assure that ability will not be available for many years.
Without the skill and experience that actual spacecraft operation provides, the USA is far too likely to be on a long downhill slide to mediocrity. America must decide if it wishes to remain a leader in space. If it does, we should institute a program which will give us the very best chance of achieving that goal.
Neil Armstrong – Commander, Apollo 11
James Lovell – Commander, Apollo 13
Eugene Cernan – Commander, Apollo 17
mardi 13 avril 2010
L’art de résoudre les problèmes
Cela fait longtemps que je voulais consacrer un article à Terence Tao, un mathématicien extraordinaire de 34 ans, que nombreux considèrent comme le plus grand de notre époque. Vous n’en avez probablement jamais entendu parler sauf si vous êtes mathématicien ou si avez lu la chronique de Jean-Paul Delahaye dans Pour la Science du mois d’avril 2010 qui lui est consacrée. Terence Tao est extraordinaire sur tous les plans. Australien d’origine chinoise, il est un prodige des mathématiques. A l’âge de 10 ans, il représente son pays aux Olympiades Internationales de Mathématiques (en France on prend plutôt les meilleurs élèves de classe prépa âgés de 19 ans) et remporte la médaille de bronze. A 11 ans c’est la médaille d’argent et à 12 ans c’est la médaille d’or. Ces jeunes prodiges ne sont cependant parfois pas toujours équilibrés et ne donnent pas tous de bons chercheurs. Terence Tao est lui complètement équilibré, il vit aujourd’hui avec sa femme et son fils et enseigne avec UCLA. C’est un garçon très souriant, très à l’aise dans les relations humaines (il compte un nombre impressionnant de coauteurs) et qui s’intéresse à tout. Sur le plan scientifique, il a poursuivi sur sa lancée en terminant sa thèse de doctorat à 20 ans et en remportant la médaille Fields en 2006 à 31 ans (l’équivalent du prix Nobel en mathématiques mais qui n’est décerné que tous les 4 ans). Contrairement à la plupart des mathématiciens contemporains, Terence Tao est à l’aise dans quasiment tous les domaines de cette discipline et c’est donc peut-être le dernier mathématicien universel. Il publie un nombre ahurissant d’articles et rien ne semble lui résister. On dit que lorsque les mathématiciens d’un domaine bloquent sur un problème très difficile, la solution est de réussir à y attirer l’attention de Terence Tao. C’est un peu le capitaine Flam des mathématiques.
Terence Tao n’est pas avare de son art puisque dès l’âge de 15 ans il a publié un livre extraordinaire intitulé « Solving Mathematical problems, a personal perspective » qui explique comment il procède face à un problème, comment il l’ausculte, comment il le dissèque, comment il sèche et se ressaisit, comment il contourne la difficulté, comment il agence les indices accumulés et finalement comment il en vient à bout. C’est une immersion dans le cerveau d’un génie et c’est aussi fascinant à lire que le scénario d’Ocean’s 11. Vous pouvez en télécharger les deux premiers chapitres sur le site Internet de Terence Tao. Bon, j’admets, c’est quand même beaucoup plus austère qu’Ocean’s 11.
Il est étonnant que cet ouvrage ne soit pas recommandé aux élèves ayant choisi une voie scientifique. A croire que les professeurs ne souhaitent pas partager ces secrets, apeurés que leurs élèves les dépassent ou persuadés que les vrais mathématiciens doivent les découvrir par eux-mêmes. Pour les plus grands mathématiciens, c’est certainement vrai, mais pour les mathématiciens intermédiaires qui n’ont pas la prétention de remporter la médaille Fields mais juste d’explorer des problèmes abordables, je crois qu’il faudrait vraiment le faire lire. L’élitisme de l’enseignement des mathématiques empêche l’émergence de bons mathématiciens.
Ce livre est extraordinaire de lucidité : on voit le mathématicien face à son hydre et toutes les étapes de la tactique qu’il met en œuvre pour le décapiter. Ces commentaires sont bien plus intéressants que la preuve elle-même, qui est souvent concise et qui ne révèle pas les mille turpitudes par lesquelles est passé le mathématicien. Pour Terence Tao, le travail accumulé dans la recherche de la preuve (avec ses fausses pistes, ses retours en arrière et ses progressions lentes) est aussi important que la preuve elle-même.
Passionné par l’art de résoudre les problèmes et par Internet (il tient un blog sur lequel il poste quasiment tous les jours des pages et des pages de mathématiques) il a développé un concept appelé Polymath qui permet à des mathématiciens de résoudre à plusieurs des problèmes très difficiles. Quand un nouveau problème est posté sur le site de Polymath les mathématiciens échangent sur les indices disponibles et sur les voies possibles pour venir à bout de tout ou partie du problème. Le modérateur du site (Tao ou parfois un autre) intervient régulièrement pour faire une synthèse objective des progrès accomplis et remettre en perspective le travail. Plusieurs problèmes très complexes ont déjà été résolus par le collectif Polymath. Dans le mode fonctionnement, on est très proche de la philosophie open source qui a par exemple conduit à la construction du système d’exploitation Linux (si vous n’étes pas familiers avec la philosophie de l’open source, je vous conseille la lecture de « La Cathédrale et le Bazar », un essai d’Eric Raymond, l’inventeur du concept).
Quand je vois la masse de problèmes devant lesquels l’humanité bute, et sur lesquels elle fait du surplace ou régresse : la dette, la protection de la planète, l’éradication de la pauvreté, la lutte contre le crime organisé et la corruption, le chômage… Je me dis qu’il faudrait réussir à intéresser Terence Tao à ces problèmes ! Malheureusement, la solution de ces problèmes n’a rien de mathématique et l’échec dans leur traitement résulte davantage des travers inhérents aux êtres humains et à l’organisation de notre société, où les plus intelligents sont plus souvent du côté qui pose les problèmes que de celui qui cherche à les résoudre. Même Terence Tao se perdrait dans ce dédale kafkaïen empli d’embûches et de luttes d'ego, de mensonges et de couardise, d'incompétences et de cupidité, qui n’a rien à voir avec l’univers idéal et épuré des mathématiques. Pour en venir à bout, il faudra des femmes et des hommes héroïques. Seuls des individus désintéressés et galvanisés de courage pourront faire évoluer le système.
dimanche 11 avril 2010
Les 10 premiers chapitres sont en ligne
Le neuvième et le dixième chapitres de Siècle bleu ont été postés:
mercredi 7 avril 2010
L’environnement, ça commence à bien faire !
Inlassablement depuis 40 ans, les mesures en faveur de la protection de l’environnement font les frais des crises économiques et des manoeuvres électorales de court terme. Aujourd’hui, c’est à nouveau le cas mais cette fois-ci c’est plus grave car les problèmes dont notre planète souffre n’ont jamais été aussi urgents et que le chemin parcouru dans les consciences avait été très important. Il sera donc très difficile aux politiques de se hisser au même niveau.
Ces deux dernières années un vent « écologique » porteur d’espoir avait en effet soufflé à travers le monde. Ces espoirs sont en train de s’envoler avec la déconfiture du Sommet de Copenhague et nous commençons seulement à en percevoir les conséquences. Partout dans le monde, l’environnement recule.
Aux Etats-Unis, Barack Obama a mis toute son énergie dans la réforme du système de santé (qui était une réelle nécessité et je lui tire mon chapeau pour y être parvenu) et a remis aux calendes grecques les mesures en faveur de l’environnement et en particulier celles concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En France, le gouvernement, tétanisé par ses mauvais scores aux élections régionales, a décidé d’abandonner la taxe carbone pour contenter son électorat traditionnel. Cette taxe, qui avait fait l’objet de tant de discussions et de compromis, était certainement trop complexe (quelle taxe ne l’est pas ?) mais elle fournissait un véhicule fiscal unique au monde qui aurait pu évoluer et s’améliorer dans le temps, et servir de laboratoire au monde entier. Au lieu de cela, le gouvernement l’a supprimée pour protéger la compétitivité des entreprises françaises et a par ailleurs déclaré que la loi Grenelle 2 serait réexaminée avec le même souci, alors que précisément le Grenelle de l’Environnement visait à établir une nouvelle donne française pour nous situer en leader sur le long terme. On reproche donc aujourd’hui au Grenelle ce qui était hier sa raison d’être ! C’est le retour de la myopie. Je salue donc la décision de la Fondation Nicolas Hulot qui a quitté la plateforme de négociation et je déplore que les artisans du Grenelle (Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet et Christine Jouanno) n’aient pas démissionné pour affirmer leur attachement à cette loi.
L’échec de Copenhague a également ouvert une brèche dans laquelle les climatosceptiques se sont engouffrés. Personnellement je n’ai aucun problème à ce qu’il y ait un débat scientifique sur le réchauffement climatique, car la problématique est complexe et que des incertitudes demeurent. Elles sont inéluctables dans des phénomènes aussi complexes où l’analyse prospective passe par des modèles et des simulations. Néanmoins l’existence d’incertitudes ne doit pas conduire à l’inaction mais au contraire à un débat scientifique permanent (et sain) qui doit éclairer l’évolution de l’action politique. Mais nombreux sont ceux qui ne le comprennent pas et qui pensent que la science devrait être toujours « certaine » (prenez par exemple la médecine, autre science à forte dose d’incertitude !).
Personnellement, même si l’on montrait finalement un jour (ce dont je doute fort) que la hausse des températures n’était pas provoquée par l’activité humaine et nos rejets de CO2, il me semble qu’un succès à Copenhague aurait au moins eu le mérite de fixer un cadre mondial nous permettant d’évoluer vers un monde dépendant moins des énergies fossiles, car c’est ça le grand défi du vingt-et-unième siècle. Pour la plupart des pays du globe, les conséquences de la fin du pétrole seront, si l’on n’a pas préparé l’étape d’après, certainement cent fois pires qu’une hausse de la température. En sacrifiant Copenhague, on s’est privé de la possibilité de faire travailler ensemble les peuples sur une problématique cruciale que personne n’ose mentionner même du bout des lèvres. Alors que l’on était à deux doigts d’un accord, on assiste maintenant à un retour des égoïsmes nationaux (la position de la France sur le Grenelle en est la démonstration), à un « chacun pour soi » généralisé et il faudra beaucoup de temps pour rebâtir la confiance nécessaire à la résolution de tels enjeux dépassant le cadre des Etats-Nations. Et le temps manque. Le protocole de Kyoto avait été un petit pas pour l’homme et Copenhague aura été un grand pas en arrière. Il faut se ressaisir, rien n’est pire dans la vie que le renoncement qui préfigure un futur dans lequel nous serons rongés par les remords.
Par ailleurs, il y a un vrai risque que le « climato-sceptiscisme » dérive en « écolo-sceptiscisme » et cela serait très dommage car dans la plupart des autres crises environnementales majeures (eau, déchets, biodiversité, réduction des stocks de poisson, acidification des océans, deforestation,…), les doutes inhérents à la problématique climatique n’existent pas.
Pour lutter contre ce recul écologique et répondre à ces critiques, il faut absolument que le mouvement écologiste évolue et passe à une vitesse supérieure, plus politique et plus économique. Il ne faut pas sombrer dans la radicalisation car cela renforcera les écolo-sceptiques, mais évidemment il faut continuer à dénoncer les crimes environnementaux. Les mouvements écologistes doivent au contraire faire preuve de plus de finesse que jamais pour répondre aux critiques mais aussi pour contrer le retour de ceux qui ont une confiance exacerbée en l’homme. Il faut en avoir évidemment mais il ne faut pas croire que les choses en matière d’environnement changeront sans nouvelles contraintes imposées par les politiques. Si on ne fait rien, l'exploitation effrénée des ressources naturelles se poursuivra comme l'avait prédit la théorie de la Tragédie des biens communs de Harding en 1968. Par exemple, prenez l’article d’Henri Atlan « la religion de la catastrophe » publié dans Le Monde du 29 mars et qui a fait coulé beaucoup d’encre. Henri Atlan, biologiste, dit que : « L'épuisement à terme des ressources en énergies non-renouvelables est un problème en soi, qui ne met pas en danger la planète, mais qui doit être géré de façon raisonnable, sans culpabiliser leurs usagers, tout en préparant la transition, qui prendra encore quelques dizaines d'années au moins, vers le développement des énergies renouvelables. » Je crois qu’Henri Atlan n’a aucune idée de la difficulté de la transition vers les énergies renouvelables et de l’engagement politique, technologique et financier qui seront nécessaires pour réaliser ce défi.
L’opinion publique se perd malheureusement dans ces débats et ne sait plus qui croire. Face à cette croisée des chemins historique, elle est plus partagée que jamais : Europe Ecologie effectue des scores sans précédent alors que 70% de la population s’est déclarée (selon un sondage…) favorable à l’abandon de la taxe carbone. Le président Sarkozy, dont l’intérêt pour l’environnement n’est malheureusement pas aussi constant que celui qu’il porte aux jupons de ses collaboratrices, s’en accommode et commence à retourner sa veste sur des questions qui devaient être au cœur de son mandat. Je crois que l’avenir et les scrutins lui montreront à quel point il a eu tort de dire « l’environnement, ça commence à bien faire ».