Aujourd'hui, 22 avril, nous célébrons le jour de la Terre (Earth Day en anglais). Google participe activement à cette fête et en fait la promotion chaque année via de magnifiques doodles (nom donné aux adaptations du logo de la société sur la page d'accueil). Voici celui de cette année.
Earth Day a démarré le 22 avril 1970 à l'initiative du sénateur Gaylord Nelson, sous une forme inspirée par les manifestations anti-Vietnam comme il l'explique dans cette interview. Dans son esprit, le Earth Day avait pour ambition de faire prendre conscience aux politiques et au public de la fragilité de notre planète et de la nécessité à la protéger. Même si aujourd'hui près de 500 millions de personnes dans 175 pays célèbrent la Terre à cette date, la prise de conscience globale et surtout le changement général des mentalités tardent à venir.
Le salut de cette Terre que nous honorons aujourd'hui viendra-t-il de l'Espace ? Le thème du pouvoir des photos de la Terre prise de l'Espace a été débattu dans un précédent post "Le Portrait de Gaïa" et est au coeur de mon projet de roman Le Siècle bleu. Ces photos de la Terre ne sont pas cependant uniquement le fruit du hasard.
Au Vème siècle avant J.-C., Socrate, toujours visionnaire, fut le premier à l'imaginer : L'homme doit s'élever au-dessus de la Terre-aux limites de l'atmosphère et au-delà- ainsi seulement pourra t-il comprendre tout à fait le monde dans lequel il vit
En 1948, l’astronome Sir Fred Hoyle (détracteur de la théorie du Big Bang à laquelle il donna malgré lui le nom, mais aussi initiateur de la théorie de la panspermie sur l'origine spatiale des formes de vie primordiales) déclara : Quand on pourra avoir une photographie de la Terre, prise de l’extérieur, quand le complet isolement de la Terre deviendra évident, une nouvelle idée, plus puissante qu’aucune autre au cours de l’histoire, sera libérée.
Mais rien ne se produisit. Rien ne se serait peut-être produit si en février 1966, si l'Américain Stewart Brand, l'une des figures fortes de la contre-culture américaine, n'avait pas eu une vision en prenant du LSD à San Francisco. Perché sur le haut d'un toit, il admirait la succession de gratte-ciels de la ville. Les bâtiments ne lui parurent soudain plus parallèles mais au contraire se courber sur eux-mêmes. Brand eut la sensation profonde d'apercevoir la rotondité de la Terre et plus globalement d'observer la Terre de l'extérieur. Brand se rappela alors d'une conférence de l'architecte visionnaire Buckminster Fuller où celui-ci affirmait que l'Homme percevait la Terre comme plate et infinie, et que c'était la racine de son comportement inadapté.
Après ce trip qui l'a marqué à vie, Brand s’est demandé pourquoi notre civilisation n’avait toujours pas pris une photo de la Terre tout entière. D’après lui, si nous avions une telle photo couleur, nous ne verrions plus la Terre de la même manière.
Pour faire évoluer la situation et forcer la NASA à publier un tel cliché (il pensait que la NASA les retenait sciemment), il a imprimé des badges avec le slogan « Why Haven’t we Seen a Photograph of The Whole Earth Yet ?" qu'il vendit sur les campus de Stanford et Berkeley. Il en fit parvenir également aux membres du Congrès, aux ingénieurs de la NASA et aux scientifiques russes, ainsi qu’à Marshall Mc Luhan (sociologue canadien, spécialiste des médias de masse) et aussi Buckminster Fuller. Buckminster Fuller lui répondit humoristiquement qu’il pourrait au mieux en photographier une moitié !
Deux ans plus tard, les efforts de Stewart Brand payèrent : en 1968 les astronautes de la mission Apollo 8 ramenèrent la photo dite EarthRise.
Mais ce n'est qu'en 1972 qu'Apollo 17 exhaussa son rêve et ramena un cliché de la Terre Pleine baptisé forcément Whole Earth. Stewart Brand n'est probablement pas directement responsable de la publication de ces photos, mais en tout cas il a largement contribué à les populariser.
Comme expliqué à de nombreuses reprises sur ce blog, ces deux photos ont fait le tour du monde et ont joué un rôle capital dans l'éveil planétaire et l'émergence des mouvements écologistes il y a 40 ans comme GreenPeace, les Amis de la Terre ou le Earth Day. Et ce n'est pas par hasard que la photo Whole Earth figure sur le drapeau du jour du Jour de la Terre. Ni que la NASA célèbre aujourd'hui le Earth Day (le site propose d'ailleurs les plus belles photos de la Terre prises de l'Espace).
Le Jour de la Terre doit donc à Socrate, Fred Hoyle, Buckminster Fuller et Stewart Brand. Rendons leur également hommage aujourd'hui.
Je vous conseille ardemment de vous intéresser à Stewart Brand. En 1968 il a fondé le "Whole Earth Catalog", catalogue d'achats par correspondance spécialisé dans la diffusion d'outils pour la compréhension des systèmes, la survie, les communications, l'artisanat, la vie en communauté, l'éducation. Ce catalogue (dont on peut trouver d'occasion d'anciennes éditions sur le net) a révolutionné les mentalités.
Brand a ensuite fondé la revue CoEvolution Quarterly qui a publié notamment l'article séminal de James Lovelock sur l'hypothèse Gaïa. En 1985 il a fondé The WELL, première communauté virtuelle moderne. Plus récemment, en 1996 il a créé la Long Now Foundation, dont le but est de créer une horloge capable de fonctionner 10 000 ans. Je reviendrai un jour sur ce projet fascinant. En attendant, n'hésitez pas à vous rendre sur le site de la Long Now Foundation pour suivre leurs conférences (les X Seminars) dont les thèmes sont plus passionnants les uns que les autres. Un livre retraçant la vie de Stewart Brand a été publié l'an dernier : From Counterculture to Cyberculture: Stewart Brand, the Whole Earth Network, And the Rise of Digital Utopianism.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire