samedi 26 septembre 2009

Deyrolle renaît de ses cendres


La Maison Deyrolle est l'un de ces endroits insolites qui font de Paris une ville que le monde entier envie. Située au 46 rue du Bac, presque à l'angle avec le boulevard Saint-Germain, elle abrite depuis près de 200 ans une boutique qui vend d'extraordinaires créatures empaillées, un cabinet de curiosité qui nous rappelle la beauté et la diversité de notre planète. L'impression y est encore plus étrange qu'à la Grande Galerie de l'Evolution du Muséum (que j'ai revisitée avec plaisir avec mon fils il y a deux semaines, et où nous avons pu admirer le coelacanthe offert par le gouvernement comorien à François Mitterand). En effet, les yeux des animaux sont tellement bien faits qu'ils semblent vous regarder, vous suivre dans votre visite. C'est vraiment un endroit à découvrir, même si on peut évidemment déplorer que certains animaux soient des trophées de chasse (la plupart seraient des animaux morts dans des cirques, des zoos ou dans des conditions naturelles, ce dont on peut légitimement douter).


Le 1er février 2008, suite à un tragique court circuit, la boutique a été dévastée par les flammes. Les collections d'insectes, de papillons et d'animaux ont été dévastées. Le stock de la boutique était anéanti et sans la générosité incroyable de ses meilleurs clients qui ont offert des pièces qu'ils possédaient, cette vénérable institution aurait fermé ses portes. Aux quatre coins du monde, ses aficionados se sont mobilisés (comme l'atteste par exemple cet article du New York Times). Gallimard, l'éditeur de la rue voisine Sébastien Bottin, a en soutien sorti en août 2008 Deyrolle : pour l'avenir un petit livre de photos agrémenté de textes de Pierre Assouline (cf. extrait sur son blog).


Mi-calcinés, certains animaux ont "survécu" à une deuxième mort. Il se dégageait d'eux une beauté étrange, mélancolique, macabre. Ces animaux semblaient nous rappeler que les créatures de la Terre entière pourraient un jour disparaître par un feu dévastateur (nucléaire) ou par le feu doux imposée à la biodiversité par la croissance de l'espèce humaine. Ils étaient si beaux et évoquaient de façon si évidente la fragilité de la Nature, qu'une exposition fut organisée en novembre 2008 suivie d'une vente aux enchères. Les photos et les informations sur les oeuvres dispersées pendant cette vente sont disponibles sur le site de Deyrolle. Vous pouvez également regarder ce film qui présentait l'exposition sur YouTube. Un livre sur l'exposition, Nature Fragile, a également publié.



Certaines photos étaient exceptionnelles comme celles de Marc Dantan insérées ci-dessous (celles de Nan Goldin n'étaient pas extraordinaires).



Yann Arthus Bertrand (dont la famille possède la boutique située non loin de Deyrolle, place Saint Germain des Près) a également offert des photos sublimes d'un lion défiguré.


Grâce à cet élan de générosité, le 25 septembre après un an et demi de travaux, la boutique a rouvert entièrement et le stock est reconstitué. Le Monde a consacré aujourd'hui un article sur ce sujet et un autre aux artistes qui ont contribué à la survie de Deyrolle. Une exposition intitulée 1000°C vous attend aussi jusqu'au 1er décembre. Si vous n'y avez jamais été et que vous passez par Paris, précipitez-vous pour visiter ce lieu extraordinaire.


PS : Pour ceux qui aime l'atmosphère étrange de Deyrolle, il y a quelques passages de l'excellent roman de Maxime Chattam Les Arcanes du Chaos qui s'y déroulent. L'héroïne du roman y travaille. C'est l'un des meilleurs thrillers que j'ai pu lire (malheureusement ses autres romans sont moins bons que celui-ci).


mercredi 16 septembre 2009

Le rapport de la commission Augustine

La commission de Norman Augustine a rendu la semaine dernière ses conclusions préliminaires sur la pertinence du programme spatial américain. Ce rapport dresse un bon état des lieux de la problématique actuelle (impossibilité avec le budget alloué à la NASA de mener à bien le programme Constellation qui doit ramener les Américains sur la Lune et assurer le futur de la station spatiale internationale) extrêmement décevant dans le sens où il ne tranche pas et expose plusieurs scénarios qui n'ont rien à voir les uns avec les autres, qui trahissent l'existence de plusieurs voix qui n'ont pas réussi à s'accorder. Le plus décevant c'est qu'il conclue que le programme Constellation n'est pas la bonne option car il ne dispose pas des fonds nécessaires. Mais pourquoi ne pas les lui donner ?!
Hier, deux témoins ont été entendu par le Comité sur les Sciences et les Technologies du Sénat pour réagir à ce rapport. Curieusement, au lieu d'inviter l'administrateur de la NASA Charles Bolden comme prévu, le Comité a invité Michael Griffin, l'ex-administrateur de la NASA, père du programme Constellation et surtout fervent supporter de l'exploration humaine du système solaire (voir par exemple le post où je reprenais l'édito Lets reach for the stars again qu'il avait publié le jour des 40 ans d'Apollo en juillet dernier). La raison invoquée pour ce remplacement de dernière minute est que la Maison Blanche est toujours partagée sur la suite à donner au programme Constellation et ne souhaitait pas que Bolden s'exprime tout de suite. Le texte de l'intervention de Griffin est disponible sur le site de la commission Augustine et comme d'habitude avec Griffin, la clarté est au rendez-vous dans le style très direct qui le caractérise. Après avoir félicité la commission pour son travail, il la rejette violemment dans ses cordes en lui demandant de revoir le budget à la hausse et de le compenser par une baisse des contributions à l'ISS obtenue en étendant le partenariat ISS à d'autres nations (la Chine par exemple). Quand on lit le communiqué de presse publié ensuite hier par le Comité Sciences et Technologie, on se dit que Griffin a marqué des points et le Comité se dit extrêmement insatisfait du rapport Augustine.
Donc la bataille pour le retour sur la Lune n'est pas perdue (il y a quelques semaines j'étais plus pessimiste) et je croise les doigts pour que la voix des explorateurs prennent le dessus par rapport à celle des fonctionnaires. Pour celles et ceux que ce sujet intéresse, je vous conseille d'aller régulièrement sur le site de la commission Augustine (qui offre même un flux RSS et un channel Twitter) ou alors sur le blog Space Politics extrêmement bien fait. Le rapport final est attendu pour la fin du mois.
Bon alors, ils y retournent quand les Américains sur la Lune ? Qu'ils se dépêchent car les Chinois ne se posent pas toutes ses questions métaphysiques et seront les premiers à exploiter les champs d'hélium-3.

lundi 7 septembre 2009

Les économistes ont-ils perdu le bon sens ?


Dans un article intéressant paru dans Le Monde hier (reproduit à la fin de ce post), l'excellent Frédéric Lemaître s'interroge sur l'incompétence de nombreux économistes révélée par la crise. Je partage complètement ce point de vue et je le dis d'autant plus volontiers que j'ai moi-même suivi une formation en économie (après mes études d'ingénieur). On nous fait croire que l'économie est une science, ce qui du coup paraît rassurant pour les citoyens. Or ce n'est pas le cas. Ce n'est au mieux qu'une boîte à outils, certes intéressants mais rudimentaires. Et beaucoup plus qualitatifs que quantitatifs.


Il faut se rendre en effet à l'évidence : l'économie mondiale qu'analyse les économistes est un phénomène qui résulte de la somme des activités humaines, et ses tenants et aboutissants échappent à tout le monde. C'est un système extrêmement complexe que personne ne comprend ni ne maîtrise. Nous avons enfanté un Golem que nous ne pilotons plus (c'est pas très malin et il faudra y remédier).



Il faudrait donc considérer cette discipline avec humilité et non pas avec impertinence et aplomb comme le font certains. Nous ne sommes qu'aux balbutiements de la compréhension du système économique mondial et l'accélération/complexification connue depuis 20 ans fait que plus personne ne sait vraiment où on va (les quelques-uns qui le savent ou pourraient le savoir n'ont aucun intérêt à le dire). Le seul moyen de s'en sortir c'est de revenir à des principes de base (du genre "un sou est un sou") mais les choix économiques de ces dernières décennies semblent ne pas avoir été guidés par la raison. Ce que je vois, c'est que l'endettement a gangrené toute la société (individus, entreprises, municipalités, régions, Etats), et qu'une grande partie de la croissance que nous avons connue dans le passé était financée par ce recours au crédit (utile parfois mais pas dans de telles mesures) et qu'une grosse partie de ces investissements ne seront absolument pas créateurs de valeur dans la durée. Les générations futures vont donc payer cher la soit-disant croissance des 20 dernières années. Et malheureusement on aura du mal à remettre les compteurs à zéro pour tout le monde, donc il va falloir vivre avec ce lourd fardeau.


Chez les paysans, on disait bien qu'il fallait craindre l'emprunt comme la "tire" (le vol). Le fameux André Piatier (directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, ancêtre de l'EHESS) avait dit à mon père que l'économiste qu'il vénérait le plus était Antoine Pinay. Pinay n'était pas économiste de formation, mais chef d'une petite entreprise, plus précisément d'une tannerie à Saint-Chamond. Pour lui la comptabilité de l'Etat n'était pas différente de celle de sa société, et il avait bien raison. Celui qui fut l'architecte sous de Gaulle du passage au nouveau franc avait justement dit à Piatier que "l'économie c'était du bon sens et de l'amour". Pinay avait en effet un bon sens légendaire, qui lui faisait dire par exemple que l'on ne dépense pas plus que les recettes rapportent. Regardez par exemple aussi cette courte interview datant de janvier 1980 sur les archives de l'INA de Pinay par Jean-Claude Bourret sur la hausse du prix de l'or. La dernière phrase est vraiment limpide. Ce bon sens semble aujourd'hui une valeur oubliée. Revenons-y !


Si Pinay voyait le projet de budget de l'Etat 2009, il se retournerait dans sa tombe. 100 milliards d'euros de déficits ! Heureusement que l'on utilise la supercherie d'exprimer le déficit en pourcentage du PIB et non plus en pourcentage des recettes. En effet le PIB France est grosso modo 4 à 5 fois plus élevé que les recettes de l'Etat, donc quand on parle de 6 ou 7% de déficit, cela fait en un déficit ramené aux recettes (la seule métrique qui ait un sens) de 25 à 30%. Je ne sais pas quel économiste a eu l'idée de génie d'utiliser le PIB comme métrique mais c'est un malfrat. On n'a qu'à utiliser le PIB américain ou chinois ou de l'humanité tant que l'on y est ?!! Cette brillante idée doit certainement nous venir de Bruxelles où les mauvais économistes sont légion. Un chef d'entreprise qui gérerait de façon raisonnée une entreprise qui perd 25% de son chiffre d'affaires, demanderait à tout le monde de se serrer la ceinture. Au lieu de ça, chez nous en France on fait comme si c'était normal, passager et que tout allait bien. Tout ça parce que des élections régionales arrivent dans 6 mois. Mais où va-t-on ? Un politique n'a plus le droit d'annoncer de mauvaises nouvelles ?
A ma connaissance, l'économie est par ailleurs le seul domaine des sciences, où certains chercheurs se prétendent compétents dans tous les pans de leur discipline. En mathématiques, jamais un spécialiste de la théorie des nombres ne s'exprimera sur les dernières avancées pour la résolution d'équations différentielles stochastiques (à part peut-être Terence Tao, un génie dont je vous parlerai un de ces jours). Le mathématicien dira qu'il ne sait pas. L'Economiste lui se mettra à parler et à affirmer ! Les spécialistes de l'économie du développement s'exprimeront donc allègrement sur l'inflation et inversement. Rares sont ceux qui ont l'honnêteté de se déclarer incompétent. Par définition, comme Monsieur Jourdain, les économistes doivent être savants sur toutes les questions alors que souvent leurs points de vue ne valent guère plus que l'avis de Madame Michu sur la météo. Je le vois tous les jours dans mon domaine (l'économie de l'énergie). La plupart des économistes ont une vision complètement théorique, partielle et édulcorée de ce que sont les marchés, et c'est bien là le problème car les marchés sont la clef pour comprendre la folie du monde. Le marché n'est pas forcément mauvais tant qu'il est une extension naturelle du commerce, mais on a ces dernières années fait rentrer des choses dans les marchés qui n'ont rien à voir avec le commerce. La main invisible s'est transformée en coup de poing dans la gueule et les économistes ne s'en sont pas aperçu.


En faisant croire aux dirigeants qu'ils sont compétents sur tout, certains économistes leur ont donné des conseils désastreux (je voudrais bien que dans 5 ans on analyse les effets keynésiens du plan de relance ou du grand emprunt de Sarko...). Ils ont été incapables de comprendre/anticiper les dangers de la dérive du système financier et encore moins d'en avertir les politiques, car chez les économistes il est beaucoup plus dangereux pour sa carrière de prévoir une crise qui n'arrive pas que l'inverse. Le droit à l'erreur est largement permis dans cette profession (car c'est compliqué l'économie !), mais on n'aime pas les Cassandre. Les économistes doivent être des optimistes. Par ailleurs, la moindre remise en cause du système qu'ils sont sensés analyser pourrait remettre en cause le système qui les rémunère. Là, on est aux antipodes de l'objectivité et de la liberté nécessaire à l'exercice de la science. Je ne dis cependant pas que les économistes sont responsables de la crise actuelle, qui est plutôt dûe à un laxisme des Etats (conseillés par de mauvais économistes ?) et des régulateurs, une recherche du profit irréaliste des actionnaires, mais surtout à une profession financière qui a créé un commerce d'actifs toxiques qui n'auraient jamais dû voir le jour. Voir à ce titre, mon post de janvier dernier, les nénuphars de la City, où je m'attaquais à ces inconscients de la finance.


Il y a heureusement encore beaucoup de bons économistes, mais en général ce sont ceux qui se savent se taire (j'aime par exemple beaucoup les travaux d'André Orléan du CEPREMAP et je vous conseille la lecture de son papier "De l'euphorie à la panique : penser la crise financière" ou les chroniques d'Ivar Ekeland dans le magazine Pour la Science, comme celle du mois d'août 2009 : comment profiter des pauvres, ou celle de septembre sur la définition actuelle pernicieuse du concept d'actionnaire : mauvaises actions). Ceux qui parlent tout le temps et sur tout, ne valent pas mieux que les astrologues qui conseillaient les cours d'antan.


Voilà, c'était mon coup de gueule du jour. On n'est pas bien avancé pour autant car qui va du coup nous proposer le nouveau système économique dont l'humanité a besoin pour organiser son "petit monde" ? On attendait beaucoup des leçons de la crise, mais pour l'instant on ne voit rien venir. L'humanité continue dans sa course folle. Il faudra que ça aille plus mal. D'une certaine façon tant mieux, car ça arrive.


Analyse

La crise remet en cause le savoir et le statut des économistes, par Frédéric Lemaître

LE MONDE 04.09.09 13h32 • Mis à jour le 04.09.09 13h32


N'en déplaise aux républicains que nous sommes, c'est à la reine d'Angleterre que nous devons la question la plus pertinente posée jusqu'ici sur la crise financière. "Comment se fait-il que personne ne l'ait prévue ?", a-t-elle demandé, fin 2008, lors d'une visite à l'influente London School of Economics. La question eut le mérite d'ouvrir outre-Manche un débat public qui, chez nous, n'a malheureusement pas encore émergé.


Il a fallu plus de six mois pour qu'un groupe d'éminents économistes britanniques fasse parvenir la réponse à Buckingham Palace, mais, depuis juillet, la reine sait. Elle sait que "l'échec à prévoir la date, l'importance et la gravité de la crise et à endiguer celle-ci, bien qu'il y ait de nombreuses causes, était surtout un échec de l'imagination collective de nombreuses personnes brillantes, dans ce pays et à l'étranger, à comprendre les risques du système, dans son ensemble". D'autres ont été moins diplomates. Pour Paul Krugman, Prix Nobel d'économie 2008, ces trente dernières années, la macroéconomie "avait au mieux été spectaculairement inutile, au pire carrément nuisible", selon des propos rapportés par The Economist (du 16 juillet).

Il est dommage qu'un tel débat soit réservé aux initiés. Après tout, les économistes constituent sans doute la profession qui a le plus d'influence sur les hommes politiques et donc sur nos vies. Depuis deux siècles, ils tentent de nous convaincre que leur discipline est aussi sérieuse que la physique ou la chimie. Et si Alfred Nobel n'avait pas prévu de lui décerner de prix, la Banque de Suède a obtenu en 1968 le droit de créer le "prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel" vite devenu le "Nobel d'économie". Pour les intéressés, rien de plus normal. Le dernier ouvrage de Pascal Salin, enseignant à Paris-Dauphine et libéral convaincu, en dit long sur l'état d'esprit de la profession. Son titre ? L'économie ne ment pas (Fayard, 2008). (commentaire de JP Goux : l'auteur de ce livre n'est pas Pascal Salin mais Guy Sorman) Son fil conducteur ? "L'économie est une science ; son objet est de distinguer entre les bonnes et les mauvaises politiques." Parmi les dix vérités établies : "La création de marchés financiers complexes a conduit à des progrès économiques véritables. Cette sophistication financière a facilité la répartition mondiale des risques, permettant ainsi un plus grand nombre de prises de risques, ce qui amplifie l'innovation."

On sourit, mais, jusqu'à la crise, cette idée était assez communément partagée. De même, bien peu remettaient en question la sacro-sainte efficience des marchés. D'où les théories libérales appliquées un peu partout depuis une trentaine d'années. Et des partis pris, comme l'obligation faite par le FMI et l'OCDE aux pays émergents de libéraliser les marchés de capitaux. Pourtant, comme le remarque Francis Fukuyama dans la revue The American Interest (septembre), "le secteur financier asiatique est l'un des moins libéralisés, mais cela ne l'a pas empêché de réaliser depuis trente ans des taux de croissance jamais atteints".

Logiquement, la crise devrait au moins remettre en cause la macroéconomie et l'économie financière. La première a manifestement trop cru à l'efficience des marchés et est restée obnubilée par l'inflation sans voir la bulle des actifs financiers. La seconde, elle, est accusée d'avoir négligé la réalité. "Une grande partie de la littérature (économique) contemporaine est progressivement passée sous le contrôle de purs mathématiciens, plus préoccupés de théorèmes que de l'analyse du réel", déplore l'économiste Maurice Allais dans la revue Economie politique (été 2009) avant de rappeler que "c'est seulement dans la voie d'un immense effort de synthèse que les sciences sociales peuvent aujourd'hui réaliser de grands progrès".

Mais les critiques vont au-delà. Formés pour la plupart durant les "trente glorieuses", les économistes n'ont pas encore analysé l'importance prise par la finance dans les économies développées. Quand une banque est-elle réellement "trop grosse pour mourir" ? Quand fait-elle vraiment courir un risque à l'ensemble du système financier ? Quelle est la rémunération optimale d'un trader ? Est-il logique que, dans les pays occidentaux, près de la moitié des profits des grandes entreprises mondiales soit aujourd'hui réalisée par des institutions financières qui ne créent pas de richesses, stricto sensu ? Les marchés peuvent-ils s'autoréguler ou sont-ils intrinsèquement instables (thèse de l'économiste français André Orléan) ?

A ces questions, les économistes apportent peu de réponses convaincantes. Pourquoi ? Dans sa revue, Francis Fukuyama remarque : "De nombreux économistes et professeurs de finances de business schools travaillent pour des banques d'investissement et des hedge funds, les aidant à élaborer des modèles complexes qui, rétrospectivement, se sont révélés inadéquats à prévoir les risques. Par là même, ils ont un intérêt personnel dans le succès du secteur financier qui n'est compensé par aucune incitation à penser que le secteur, dans son ensemble, détruisait davantage de valeur qu'il n'en créait." Une critique qui s'applique à nombre d'économistes français influents, la composition du Conseil d'analyse économique en témoigne. D'où peut-être le silence de la profession.

Courriel : lemaitre@lemonde.fr.


Frédéric Lemaître (Rédaction en chef)

Article paru dans l'édition du 05.09.09

samedi 5 septembre 2009

Quelques nouvelles éparses

Compte tenu de l’actualité chargée, aujourd’hui quelques nouvelles éparses de différents sujets relatifs à ce blog : mission sociale poétique, nouvelles du roman Le Siècle bleu, massacre de dauphins au Japon, avenir du programme Constellation, le Syndrome du Titanic et Artisans du Changement.


Mission sociale poétique  : je vous avais parlé de la « mission sociale poétique » que va accomplir Guy Laliberté, le fondateur du Cirque du Soleil. Il sera le prochain touriste spatial, et surtout le premier artiste dans l’espace. Il se dirigera vers la station spatiale internationale début octobre. Son show aura lieu le 9 octobre à 20:00 EDT soit 1 heure du matin en France. Il a donné seulement quelques indications dans une conférence de presse, il y a deux jours (disponible sur le site de son association pour la préservation des ressources en eau One Drop). Si vous n’avez pas le temps de la regarder, voici le résumé de la conférence de presse donné par BuzzInfo :


Sous le thème «De la terre aux étoiles pour l’eau», la mission sociale et poétique est un événement spécial de deux heures visant à sensibiliser aux enjeux de l’eau dans le monde sous diverses perspectives. Le 9 octobre 2009, cet événement sera présenté en direct à l’échelle mondiale par un groupe d’artistes représentant toutes les disciplines et toutes les cultures. Ils seront unis par un réseau Internet de portée mondiale à l’occasion de la mission sociale et poétique de Guy Laliberté pendant son séjour à la Station spatiale internationale.


Tout en offrant des informations factuelles et scientifiques, l’événement présentera surtout les réflexions d’un groupe d’artistes sur la question de l’eau et les façons dont cette réflexion s’exprime dans leur art comme dans leur milieu de vie. Les artistes et personnalités qui participeront à l’événement sont l’honorable Al Gore, A. R. Rahman, le Cirque du Soleil, Claude Challe, David Suzuki, Fnaïre, Frank De Winne, Garou, Gilberto Gil, Gregory Colbert, Jean Lemire, Julie Payette, Maud Fontenoy, Patrick Bruel, Peter Gabriel, Peter Lik, Shakira, Simon Carpentier, Tatuya Ishii, Tetsuko Kuroyanagi, Tiffany Speight, Vandana Shiva et Yann Arthus-Bertrand.


La durée prévue de l’événement s’inspire du temps que prend la Station spatiale internationale pour faire le tour de la Terre, soit environ 90 minutes. L’événement, y compris l’introduction et la conclusion, aura une durée totale de 120 minutes. Le fil d’Ariane de l’événement sera un conte poétique spécialement rédigé pour l’occasion par Yann Martel, le célèbre romancier et lauréat du prix Booker pour l’histoire de Pi. Ce conte sera révélé petit à petit, au gré de l’événement qui nous entraînera dans
quatorze villes du monde – un voyage débutant à Montréal et se terminant à Moscou (
Montreal, Johannesburg, Rio de Janeiro, Paris, New York, Mexico City, Sydney, Marrakesh, London, Tokyo, Mumbai, Santa Monica, Tampa et Moscow).


On parle aussi de U2. On ne sait pour l’instant pas ce qui va se passer à Paris. Je vous tiendrai au courant mais toutes les nouvelles seront sur le site One Drop qui retransmettra en direct l’évènement. Il ne faudra ne le rater sous aucun prétexte, car il y aura toute la puissance poétique et artistique du Cirque du Soleil combinée avec une vue majestueuse de la terre depuis l’espace. Je me frotte déjà les mains.



Le Siècle bleu (nouvelles du roman) : longue conversation aujourd’hui avec l’éditeur avec qui je suis en discussion depuis 6 mois. Après de multiples péripéties de son côté, il semble que la situation se soit stabilisée. On devrait pouvoir signer ce mois-ci (mais bon ça aurait déjà dû déjà se faire en avril donc je préfère rester prudent...) pour une sortie en mars 2010. Je ne peux pas en dire plus à ce stade mais si ça se fait, ce serait un éditeur idéal (chut pour ceux qui savent). Stay tuned !

 

Massacre des dauphins japonais : je vous avais parlé du film « The Cove » qui dénonce de façon spectaculaire les massacres de dauphins à Taiji. Le film est sorti cet été aux Etats-Unis et dans d’autres pays (pour la France, Besson a racheté les droits mais la date de sortie est prévue début 2010). Le film a fait un tabac et il a notamment retenu l’attention des médias japonais. Le 1er septembre marquait le début des campagnes de massacre et pour la première fois les pêcheurs ne sont pas partis en mer pour commettre leurs crimes car de multiples journalistes étaient réunis sur les berges. Ric O’Barry (le père de Flipper et l’inspirateur du film) détaille tous les jours l’évolution de la campagne de Taiji sur le blog de l’association SaveJapanDolphins. Un activisme bien pensé peut encore changer le monde.


Avenir du programme Constellation : la politique spatiale américaine est en pleine discussion. Après avoir attendu plusieurs mois pour nommer un nouvel administrateur de la NASA (situation unique dans l’histoire de l’institution) en la personne de l’astronaute Charles Bolden, Barack Obama a demandé une revue complète du programme Constellation qui vise à retourner sur la Lune puis à aller sur Mars, dont on a beaucoup parlé sur ce blog. Cette Commission dirigée par Norman Augustine devait rendre ses conclusions pour la fin août, mais elle a pris du retard (pas beaucoup car les décisions doivent être prises à l’automne puisqu'elles doivent figurer dans le budget US 2010). Les fuites laissent penser que la Commission pourrait recommander d’arrêter ce coûteux programme, ce qui serait une surprise gigantesque. Ce serait vraiment dommage (notamment car c’est un des points au cœur de l’intrigue du Siècle bleu…) et pour vous en persuader, je vous recommande de visionner la vidéo trimestrielle d’avancement du projet réalisée par la NASA. On s'y croirait déjà.



Ca me fait rêver, pas vous ?


Le syndrome du Titanic : veuillez noter que le film-documentaire de Nicolas Hulot  sortira sur les écrans le 7 octobre (2 jours avant l’événement de Guy Laliberté). Pas de belles images des grands espaces, mais un manifeste politique poignant nous rappelant notre responsabilité et nous appelant à l’action.


Artisans du changement : l’un des volets de la très belle série documentaire Artisans du Changement sur le thème « Philanthropie et Capitalisme, l’impossible mariage ? » sera présenté en avant-première le 10 septembre à l’UNESCO. Voici la présentation que l’Unesco en fait : « Venus des quatre coins du monde et de secteurs économiques différents, 30 Artisans du Changement, pionniers d’un nouveau monde, ouvrent la voie d’une économie respectueuse de l’homme et de la nature. Ils ont eu le courage de croire en une croissance durable, et nous apportent la preuve que c’est possible. Parce que l’heure n’est plus à la prise de conscience, mais bien à l’action, ces Artisans du Changement mettent concrètement en œuvre leur conception du développement durable ».