Cet article est le deuxième de mon enquête sur Biosphere 2 :
- Partie 1 : Biosphere 2, la genèse du projet,
- Partie 2 : Biosphere 2, construction et désillusions,
- Partie 3 : Biosphere 2, rencontre avec des Biosphériens.
- Partie 4 : Biosphere 2, la vérité qui dérange.
Comme indiqué dans le premier article, lorsque le projet Biosphere 2 fut officiellement présenté en 1988 et que la construction démarra, la presse (scientifique et généraliste) s’en fit le relais et débordait d’enthousiasme ; tout le monde avait hâte qu’il se concrétise. Ce projet était en effet une utopie sans précédent qui permettrait de mieux comprendre le fonctionnement de la Terre pour sa préservation et de préparer ultérieurement la colonisation du système solaire. Il tombait à pic avant l’avènement du 21ème siècle qui avait besoin de projets visionnaires, mais surtout il arrivait à un moment où l’humanité s’inquiétait de la dégradation de l’environnement (le rapport Bruntland qui introduisait la notion de développement durable était publié en 1987 et le Sommet de la Terre qui devait se tenir en 2002 à Rio était en préparation).
La construction fut rendue possible grâce au support d’Edward P. Bass, un milliardaire philanthrope héritier de la famille Bass, une des plus grandes familles texanes du pétrole.
Cela peut paraître paradoxal pour des pétroliers texans, mais la famille Bass a toujours eu un intérêt vif pour la protection de l’environnement. Comme on peut le voir sur le rapport annuel 2007 de la WWF (page 64), Edward P. Bass est d’ailleurs encore aujourd’hui Vice Chairman du Board de la WWF, poste qu’il occupe avec le célèbre Jared Diamond, professeur à UCLA et auteur, entre autres, de l’extraordinaire Effondrement, qui analyse l'évolution des civilisations selon qu'elles ont pris en compte ou pas les contraintes environnementales. A lire absolument.
Edward P. Bass était très proche du créateur de Biosphere 2 John Allen (dont on a parlé longuement dans le précédent post), il faisait partie de l’Institut d’Ecotechnique quasiment depuis le début et fréquentait le Synergia Ranch dans le Nouveau Mexique où John Allen réunissait un groupe de personnes inspirées par les mouvements de contre-culture californiens, et où les participants occupaient leurs journées à jouer des pièces de théâtre, à danser, à méditer ou à réfléchir sur l’avenir de la société et la place de l’homme et de la biosphère dans l’univers. Edward P. Bass a injecté personnellement 200 millions de dollars dans le projet. Il espérait en tirer des dividendes en développant le tourisme autour de Biosphere 2, mais surtout en vendant le concept aux agences spatiales gouvernementales pour l’exploration du système solaire. L’investissement ne lui rapporta jamais un sou, mais malgré cela, en 2008, à 63 ans, il occupait encore la 163ème place du Forbes 400, classement des 400 Américains les plus riches et sa fortune s’élève à 2.5 milliards de dollars (les 4 frères Bass totalisent une fortune de 14.5 milliards de dollars). Ce soutien financier privé d’Edward Bass sera plus tard au cœur des critiques émises sur Biosphere 2.
Pendant les trois années de la construction de la Biosphère, l’enthousiasme du public et des médias autour de cet incroyable projet ne dégonfla pas. Lorsqu’en septembre 1991 tout fut prêt pour la grande aventure, chacun retenait son souffle, comme le montre cette couverture de Science&Vie de septembre 1991 (que je garde précieusement, tout comme le numéro de novembre 1988 où le projet était annoncé pour la première fois et qui m’avait tant fait rêver).
Lorsque les huit premiers « biosphériens » refermèrent le sas étanche derrière eux, les médias étaient tous présents (ci-dessous Abigail Alling, Ray Walford et Jane Poynter qui saluent une dernière fois la foule).
Puis soudain l’idylle fut terminée et l’on a assisté à une véritable descente aux enfers. Les critiques sur le projet sont devenus de plus en plus nombreuses, et au bout de deux ans lorsque les huit malheureux « cobayes » sortirent de leur incroyable expérience, ce fut presque sous les sifflets. Qu’est ce qui a pu causer un tel revirement et faire péricliter cet incroyable projet ?
Cette question m’a hanté depuis lors et j’ai longtemps eu un mal fou à trouver des informations sur ce qui s’était réellement passé à l’intérieur et à l’extérieur, faire la part des choses entre le vrai et le faux dans les articles des journalistes. En me rendant sur le site Biosphere 2 en 1999, je n’ai rien trouvé sur place qui puisse m’éclairer sur les raisons de cette déconfiture. Le site de Biosphere 2 avait été mis sous la tutelle de la Columbia University de New York. C’était devenu une simple extension du campus de Manhattan et les nouveaux « locataires » évitaient soigneusement toute référence à l’expérience initiale.
Pour en savoir plus, il fallait s’approcher des créateurs du projet. Il me fallut près de vingt ans pour y parvenir. Suite dans un prochain post.
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