dimanche 15 février 2009

Le passé ne reviendra pas

Je vous soumets un article remarquable du journal Le Monde signé par Hervé Kempf. A lire, et à méditer. Les remèdes à la crise proposés par les différents Etats n'ont pour seul objectif que de revenir au "monde d'avant", alors que justement l'Humanité a une extraordinaire opportunité pour inventer un monde nouveau. Où sont passés les philosophes, les politiques et les sociologues, qui pourraient inventer une société capable de vivre dans un monde fini ? Pourtant les idées sont là, dans les ONG, dans la blogosphère, il faut juste les mettre en musique. Le salut viendra donc sûrement de la société civile (et non pas des supposées "élites") qui proposera elle-même les moyens de s'en sortir. Il existe en effet une myriade de mouvements (comme l'association WorldChanging aux Etats-Unis, la revue Nouvelles Clés en France ou la Revue Durable en Suisse) qui réfléchissent à ce nouveau futur qui ne ressemblera pas au passé. L'Humanité doit entamer sa mutation. Nous devons passer du statut de "passager" du vaisseau Terre au statut d'intendant.

Le passé ne reviendra pas, par Hervé Kempf

LE MONDE | 14.02.09 |

Attention, le discours qui suit est radicalement contraire au discours dominant. Respirez...

Trois idées :

1. La crise économique est une bonne nouvelle. Imaginez ce qui serait arrivé si le produit intérieur brut (PIB) de la Chine avait continué à croître de 10 % l'an, celui des Etats-Unis de 5 %, celui de l'Europe de 2,5 %. Les émissions de gaz à effet de serre auraient rapidement atteint le seuil faisant basculer dans l'irréparable le changement climatique ; l'effondrement de la biodiversité se serait accéléré, précipitant la société humaine dans un chaos indescriptible. En stoppant cette croissance folle du PIB mondial, la "crise économique" permet d'atténuer les assauts de l'humanité sur la biosphère, de gagner du temps et de réfléchir à notre réorientation.

2. La crise, sinon son moment, était prévisible pour les Etats-Unis mais aussi pour la Chine. L'auteur de ces lignes écrivait en 2006 : "Nous sommes entrés dans un état de crise écologique durable et planétaire. Elle devrait se traduire par un ébranlement prochain du système économique mondial. Les amorces possibles pourraient s'allumer dans l'économie arrivant à la saturation et se heurtant aux limites de la biosphère : un arrêt de la croissance de l'économie américaine, minée par ses trois déficits géants, de la balance commerciale, du budget, de l'endettement interne. Comme un toxicomane qui ne tient debout qu'à coups de doses répétées, les Etats-Unis, drogués de surconsommation, titubent avant l'affaissement ; un fort freinage de la croissance chinoise, sachant qu'il est impossible qu'elle tienne durablement un rythme de croissance annuel très élevé. Depuis 1978, la Chine a connu une croissance annuelle de son économie de 9,4 %. Le Japon est un précédent à ne pas oublier : vingt ans de croissance stupéfiante, puis l'entrée en stagnation durable au début des années 1990." Veuillez pardonner ce rappel. Il ne vise qu'à asseoir le pronostic que voici : l'économie mondiale ne "repartira" pas comme avant, la croissance mondiale du PIB ne reviendra pas à 5 %, l'expansion très rapide de la Chine et de l'Inde est finie. Il nous faut dessiner un monde nouveau, une autre économie, une autre société, inspirés par l'écologie, la justice et le souci du bien commun.

3. Que faire ? Arrêter de singer Keynes et de se croire en 1929 quand on est en 2009 : la dépense, l'endettement, l'inflation, ne sont pas la solution. Replâtrer l'édifice ne réparera pas des fondations ruinées. Il importe au contraire d'opérer une redistribution de la richesse collective en direction des pauvres ; l'outil pourrait en être le revenu maximal admissible (RMA). La réduction de l'inégalité aidera aussi à changer le modèle culturel de surconsommation, et rendra supportables les baisses nécessaires et inéluctables de la consommation matérielle et de la consommation d'énergie dans les pays riches. Autre exigence : orienter l'activité humaine vers les domaines à faible impact écologique, mais créateurs d'emploi, et où les besoins sont immenses : santé, éducation, culture, énergie économe, agriculture, transports collectifs, nature.

Facile ? Non. Mais plus réaliste que de croire possible le retour à l'ordre ancien, celui d'avant 2007.

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