jeudi 19 février 2009

La Genèse du Siècle bleu : Veiller sur Gaïa (5/7)

Voici le cinquième volet de la série "La Genèse du Siècle bleu" démarrée dimanche. Bonne lecture.

Guérir Gaïa


Point de Lagrange L1, 2001.


Ayant pris conscience de la petitesse de leur planète et de l'interconnexion entre les différents constituants de la biosphère, les Hommes ont soudain réalisé à quel point la Terre était un système fragile. Pour la première fois de leur histoire, les Hommes ont soupçonné que leur activité industrielle et leur accroissement démographique irraisonnés pouvaient avoir un impact global. D'immenses programmes de recherches ont alors été mis en branle afin de mesurer l'impact de l'Homme sur la Nature. Les conclusions qui se dégagèrent de ces travaux furent toutes alarmantes : réchauffement global, apparition d'un trou dans la couche d'ozone, pollution de la quasi-totalité des réserves d'eau douce, des mers, de l'air, déforestation, diminution de la biodiversité à un rythme sans précédent...


Gaïa était vraiment malade et elle nous a envoyé son portrait juste à temps pour être sauvée. Il allait falloir changer pour survivre sur cette petite planète. Le défi qui est posé à l'Humanité est unique et n'a pas de précédent dans l'histoire mouvementée de notre espèce. C'est un changement de paradigme qui s'impose, une redéfinition de la notion de développement et de progrès, contraire à celle qui s'est inscrite dans nos gènes. L'homme était bien démuni à l'annonce de cette nouvelle. Aucun écrit ancien, aucun sage de l'Antiquité ou moderne n'avait anticipé cette situation dramatique et les outils du changement (technique, sociologique et philosophique) allaient devoir être crées de toutes pièces. Il aurait été plus simple d'écouter, il y a bien longtemps, les représentants des traditions primordiales, Indiens d'Amérique, Shuars d'Amazonie, Aborigènes d'Australie, mais l'Histoire en avait décidé autrement.


Les décideurs ne purent plus nier l'évidence, l'environnement était une affaire sérieuse. Le premier pas vers un consensus international fut accompli en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio. Un agenda du changement fut établi et la notion de développement durable définie. La mise en application était évidemment beaucoup plus difficile comme l'a montré la difficile négociation de Kyoto en 1997. Les notions de capital naturel et de valorisation du long terme n'étant pas prises en compte dans notre économie de l'instantané, l'application des mesures de Rio allait à l'encontre du système économique occidental qui gouverne l'activité des Hommes. Néanmoins cela changera nécessairement car l'économie ne peut pas ignorer l'avenir des Hommes. Montrons que nous sommes plus clairvoyants que les prêtres Pascuans.


Afin de guérir Gaia, les Hommes sont en train de mettre en place un gigantesque système d'observation. Une constellation de capteurs sur Terre et de satellites en orbite pour mesurer en tout point, à tout instant, l'ensemble des paramètres vitaux de Gaïa : le Earth Observation System. Grâce à ce système, les Hommes pourront mesurer les progrès accomplis et l'amélioration de la santé de Gaïa. Le joyau central de ce système avait été imaginé par le vice-président Al Gore lors d’un rêve à l’été 1998 et devait être symboliquement lancé en décembre 2000, juste avant le « véritable » commencement du vingt-et-unième siècle. Le Congrès, passé sous la houlette républicaine, est malheureusement parvenu à faire enterrer cette mission utopique.



Si vous êtes dans l'Espace et que vous observez Gaïa, vous verrez sûrement un croissant bleu. De manière à voir Gaïa dans son intégralité, il vous faut être sur l'axe qui joint la Terre au Soleil. Compte tenu des forces de gravitation, il est quasiment impossible de rester constamment sur cet axe. Il existe cependant un point dans notre système solaire d'ou l'on peut admirer Gaïa dans sa totalité presque sans efforts : le point de Lagrange L1. Situé à 1.5 millions de kilomètres de la Terre, L1 est un des cinq points du système solaire où les forces d'attraction entre la Terre et le Soleil s'équilibrent et permettent à un troisième corps de se joindre à leur ballet cosmique. Le diamant du Earth Observation System aurait dû venir orbiter autour de L1. Cette image éternelle de la Terre entière aurait dû être retransmise sur une chaîne de télévision dédiée et sur Internet.


La sonde imaginée par Al Gore avait été baptisée Triana, en hommage à Rodrigo de Triana, le compagnon de Christophe Colomb qui fut le premier à apercevoir le Nouveau Continent en 1492 du haut du mât de La Pinta. Peut-être qu’un jour Triana partira quand même vers L1 et verra Gaïa sourire à nouveau.


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